II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur
Facebook
Au sein de mon échantillon, 7 interviewés sur 8
sont des utilisateurs modérés voir passifs de Facebook. Le
dernier n'étant pas un utilisateur de Facebook, j'ai axé mon
entretien sur un autre réseau social très similaire
La majorité ont des pratiques similaires sur ce
réseaux social par rapport à ceux qui restent très
passifs. L'un des interviewés n'est pas utilisateur de Facebook.
Toutefois, de son âge, (15 ans) j'ai pris la décision de
l'interroger sur d'autres réseaux sociaux reprenant plus ou moins les
fonctionnalités de Facebook.
Les grands usages de Facebook restent le partage et la
communication via l'application Messenger qui est rattachée à
Facebook pour communiquer instantanément. Lorsque j'ai interrogé
mes interlocuteurs sur cette pratique, tous sauf un, m'ont répondu
qu'ils utilisaient Messenger quotidiennement pour communiquer avec leur
entourage.
Messenger leur permet essentiellement de communiquer avec des
personnes proches, côtoyées dans le réel, plus rarement,
avec des personnes qu'ils n'ont pas l'occasion de voir souvent.
« Dans ma liste d'amis j'écris qu'à mon
entourage, après il y a des gens que je ne vois jamais dans ma liste,
mais c'est cool pour recontacter des gens que je vois pas souvent ou à
qui je ne parle que très rarement, c'est pratique. »
Facebook, leur permet donc de garder le lien avec des
personnes qu'ils ne côtoient pas régulièrement. A cet
usage, s'ajoute le partage de contenus, les `'likes `' et les
identifications d'amis sous certaines publications. Les identifications se
retrouvent plutôt dans le cadre du divertissement pour les sept
usagers.
« Je commente toujours pour identifier quelqu'un de
ma liste d'amis sur des trucs pas très sérieux et rigolos pour
partager. »
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C'est donc majoritairement dans ce cas que les usagers
commentent une publication. Sept des interviewés pratiquent plus ou
moins ces trois usages techniques que leur propose le réseau social.
En plus, de ces pratiques l'une des interviewés
étant voyageuse de 23 ans, évoque qu'elle partage aussi beaucoup
de photos. C'est l'une des rares (2 sur 8 interrogés) qui publie des
photos sur le réseau social. Cette action rejoint la motivation des
autres dans le but de partager et communiquer avec ses proches. Cela lui permet
de garder un lien avec son entourage quand elle est loin ainsi que de
témoigner de ses activités à travers des photos.
Cette première réponse, de la part de sept
individus interviewés, me permet de mettre en lien l'analyse de Monique
Dagnaud1 qui met en lumière l'utilisation de Facebook par les
jeunes de la Génération Y, comme un outil de partage permettant
de converser avec son entourage instantanément.
Pour eux, Facebook est donc une sorte de chat comme
l'évoquait Dominique Cardon dans l'article du Monde concernant
l'étude Algopol. Dans cet article, les chercheurs sociologues
définissent que la catégorie dont les jeunes font majoritairement
partie est celle `' des gens qui ne publient rien mais qui regardent `'.
2
En effet, pour tous les individus interrogés ces trois
principales pratiques de Facebook sont omniprésentes.
De plus, trois des individus ont évoqué la
pratique de l'espionnage avec un peu de gêne :
« Je pratique aussi dans le sens de...
(hésitation) beh... l'espionnage (en souriant puis rire). Tout le monde
a Facebook donc c'est un moyen simple de communiquer et de voir la vie des gens
en vrai, puis il faut arrêter, on sait très bien que tout le monde
fait ça. »
1 DAGNAUD Monique, op.cit., p8
2 Projet Algopol, op.cit., p.23
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Ce n'est jamais au début de l'entretien que cette
réponse a surgi. Lorsque je demandais leur usage sur Facebook ce
n'était pas l'espionnage qu'ils mentionnaient en premier lieu mais les
autres pratiques énoncées précédemment.
En plus, d'évoquer cet usage plus tard dans
l'entretien, tous les interviewés l'ayant affirmé, ont
présenté une certaine gêne représentée par un
sourire, une hésitation ou un rire.
Par ce comportement, nous pouvons analyser une certaine
anticipation au jugement que j'aurai pu laisser paraitre, peut-être, par
mon profil d'étudiante en master et le fait que la plupart des
interrogés soient plus jeunes que moi. J'ai donc fait l'effort de ne pas
laisser voir de jugement en allant dans leur sens en légitiment cet
usage quand j'ai avoué pratiquer le même comportement sur le
réseau social.
En plus, de cette gêne qu'ils ont manifestée
à mon égard, une des interviewés a senti le besoin de se
justifier par l'évocation de généralités dans le
but de se déculpabiliser. Il généralise son comportement
en l'étendant à tous les internautes, en considérant
qu'ils font comme lui, comme pour se rassurer voire minimiser des faits qui
finalement semble le mettre mal à l'aise :
« ...Il faut arrêter, on sait très bien que
tout le monde fait ça. »
Ceci, me laisse penser qu'ils ont une certaine honte de cet
usage de Facebook, car nous savons que l'espionnage est connoté
péjorativement. Avec la position que j'ai prise avec les
interviewés, j'ai toutefois, réussi à dissimuler mon
jugement à plusieurs reprises, ce qui m'a permis de recueillir des
données pertinentes et plus approfondies sur ce genre de
réponses.
Une des jeunes lycéennes de 18 ans va même plus
loin dans cette pratique de l'espionnage. Elle admet essayer de voir la vie des
gens et surtout la vie de ceux qu'elle n'aime pas, même s'ils ne sont pas
dans sa liste d'amis et qu'ils ont bloqué la visibilité de leur
profil. Je lui ai donc demandé comment elle faisait puisqu'elle n'avait
pas accès à plus d'informations que leur nom, leur photo de
profil et leur photo de couverture.
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Sa stratégie est donc de demander le portable d'un
proche qui aurait le profil concerné dans sa liste d'amis Facebook pour
pouvoir aller le consulter. Si personne ne peut lui donner cet accès
alors l'usager admet se connecter sur Twitter pour essayer d'avoir des
informations.
Paradoxalement, la majorité des interrogés m'ont
affirmé qu'ils ne publiaient presque rien sur Facebook (1 à 2
photos par an et aucun statut). Ayant conscience qu'aucune ou presque pas de
publications ne proviennent de leurs actions, nous pourrions penser qu'il n'y a
rien d'intéressant à analyser sur leurs profils. Leur principal
intérêt dans cette pratique est de pouvoir voir les photos des
autres usagers. Ce premier élément sur l'usage des jeunes
interrogés me permet d'émettre l'interprétation
suivante.
L'importance de l'apparence physique et les activités
de la vie de chacun témoignées par des photos est l'un des
premiers éléments à prendre en compte pour ces usagers
afin de se faire une opinion sur la personne concernée. Cette
quête d'informations sur autrui se traduit par de la veille passive afin
de pouvoir émettre un premier jugement subjectif sur la personne qui les
intéresse. A cela s'ajoute le fait qu'ils aient une certaine gêne
de cet usage et m'ont tous précisé aller sur Facebook lorsqu'ils
s'ennuyaient.
Pour eux, c'est un divertissement dont l'un des principaux
intérêts au-delà du partage et de la communication, est de
recueillir des informations sur les autres utilisateurs.
Nous pouvons donc définir deux principales
activités sur Facebook. L'une étant connue et à la vue de
tous car elle fait partie des fonctions principales revendiquées par le
réseau social : le partage et la communication.
Puis, une autre activité moins explicite mais qui
apparait être pratiquée par l'unanimité des usagers de mon
échantillon : l'espionnage.
Cette quête d'informations sur autrui se traduit par la
quête de photos, ceci peut nous renvoyer à la réflexion
d'un premier élément sur l'importance de l'identité
virtuelle sur Facebook que j'approfondirai dans une autre partie.
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Pour faire un résumé de cette première
analyse, je peux affirmer que cet usage de l'espionnage, qui est plus ou moins
pratiqué par les interrogés aurait pour principale motivation la
recherche de photos mais aussi d'autres éléments subjectifs.
Lors des entretiens à plusieurs reprises les
interviewés ont mentionné d'autres stratégies d'espionnage
par rapport à ce qui les intéresse sur autrui comme la mention de
participation à un évènement ou la géolocalisation
qui peut informer sur l'endroit où l'on se trouve et à quel
moment. Toute cette quête de l'information sur autrui s'avère
être toute une stratégie bien réfléchie.
Néanmoins, celle-ci demande une certaine conscience du fonctionnement de
ce réseau social.
Par cette première analyse de comportement, nous
pouvons définir que l'usage de Facebook parait être un usage
personnel autour de la fonction divertissante que Facebook propose. Le fait
qu'ils utilisent tous ce réseau social lorsqu'ils s'ennuient appuie le
divertissement via la plateforme.
En outre, ce réseau social ne semble pas être
pris au sérieux et permet de rire ou d'échanger entre amis
à tout moment de la journée, où que l'on se trouve,
toujours dans un but distractif et très souvent peu sérieux ou
professionnel mais personnel. En adéquation avec le divertissement,
entre en compte un usage pris plus au sérieux par les individus
lorsqu'il s'agit de l'image qu'ils renvoient vis-à-vis de leur liste
d'amis.
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