PARTIE 1 : MUTATION DES PROFILS DES INDIVIDUS ET
AVENEMENT D'INTERNET CHEZ LES JEUNES 14
Introduction de la partie 15
I.1. Le contexte : Le passage d'une
société traditionnelle à une société moderne
16
I.1.1. L'âge moderne et la théorie de l'individu
par excès 16
I.1.2. Le processus de socialisation dans la création de
l'identité. 18
I.1.3. Le pouvoir de l'avènement des TIC et de l'Internet
21
I.2. Facebook, un dispositif permettant la
liberté à « la génération `'je m'exprime
par
l'image» ». 24
I.2.1. Un lien étroit entre la société et
les réseaux sociaux 24
I.2.2. Le principe de fonctionnement des réseaux sociaux
et de Facebook 25
I.2.3. Génération Y, une culture de
l'identité numérique 29
I.3. Les limites des réseaux sociaux et du Web
2.0 chez les jeunes 32
I.3.1. Quand le harcèlement devient virtuel 32
I.3.2. Le développement de l'isolement social 35
I.3.3. Un nouveau dispositif d'influence pour les leaders
d'opinion et les entreprises 38
Conclusion de la partie 42
PARTIE 2 : L'ANALYSE DES USAGES DE 8 INDIVIDUS AGES
DE 15 A 25 ANS 44
Introduction de la partie 45
II.1. Les divers usages des 15, 25 ans sur Facebook
47
II.1.2. Deux grandes catégories d'usage sur Facebook
47
II.1.2. Usage passif 51
II.1.3. Un moyen d'émettre son opinion et de revendiquer
une cause 56
II.2. Facebook, un outil de revendication d'une
identité travaillée 61
II.2.1. Les photos de profil et de couverture : un enjeu
identitaire 61
II.2.2. L'opportunité de mettre en avant une nouvelle
version de soi 67
II.2.3. Le sentiment du contrôle et de la maîtrise
de son identité virtuelle 72
II.3. Les individus ont-ils conscience des
conséquences de leurs usages ? 76
5
II.3.1. L'acceptation ou non de l'exploitation de ses
données personnelles 76
II.3.2. Une conscience et une connaissance approfondies de
Facebook chez les plus âgés
81
II.3.3. Facebook : un outil marketing encore mal connu de la
Génération Y 85
Conclusion de la partie 90
CONCLUSION 92
Bibliographie 96
Annexe 99
6
Introduction
A l'ère de la troisième mondialisation, celle de
l'Internet, le web apparaît comme un dispositif de communication et
d'informations total.
En effet, il permet l'information, le commerce, le service,
l'initiative du citoyen, la documentation tout en proposant un accès
direct aux sources et à des liens. Le mode de diffusion mass
médiatique originel repose, aujourd'hui, sur une interface
personnelle.
Celle-ci reprend les logiques éditoriales classiques de
la communication mais y ajoute trois modes originaux : que le mode
institutionnel, l'interactivité et une compétence
méta-éditoriale. En tant qu'agrégats de médias
personnels, reliés les uns aux autres, les médias sociaux
représentent une véritable alternative à la communication
de masse permettant la naissance de communautés qui court-circuitent les
institutions et concurrencent les instances culturelles traditionnelles.
Durant l'époque de la
«postmodernité», d'après Anthony Giddens, nous
avons affaire à un individu singulier qui n'hésite pas à
affirmer son identité publiquement en s'émancipant de sa place de
récepteur ou consommateur de l'information. Il est en mesure de devenir
un agent médiatique à part entière. Henry Jenkins
évoque l'émergence d'une `' communauté participative
`' élaborant des supports informationnels.
Toutefois, cette individualisation des parcours biographiques
et professionnels s'ajoute, sur le plan socio-économique, à la
montée des pratiques de la société de consommation.
Celle-ci a contribué à l'émergence de sujets prompts
à se définir par leurs modes de consommation, leurs apparences
extérieures et leurs supports de présentation de soi. Le
rôle accru conféré au choix, à l'évaluation
et à la notation comme mode d'exposition et de définition de soi,
a renforcé le poids des choix et des usages individuels. 1
1 GIDDENS Anthony, 1994, Les conséquences de la
modernité, Paris, L'Harmattan, 192p: Dans ce compte rendu, il
caractérise la « postmodernité » par
l'époque du développement des systèmes d'information et de
communication, une connaissance scientifique de la société et la
conscience de soi.
7
L'ouverture à laquelle on assiste est celle d'un espace de
parole et d'expression, qui est autant un espace de lutte contre le pouvoir
politique contrôlant la parole publique qu'un espace d'expression et
d'exposition de soi.1
John B. Thompson parlera lui d'une `' Transformation de la
visibilité `' qui aurait lieu, aujourd'hui, de la part des
individus. Celle-ci demande des capacités que l'individu peut
maîtriser jusqu'à une certaine limite.
« La gestion de la visibilité - un art
intrinsèquement imparfait. »2
La mutation de l'individu social vers la singularité,
à travers sa volonté de rendre visible son identité, est
un sujet qui suscite beaucoup de questions sur l'usage de ces nouveaux
dispositifs que sont les réseaux sociaux. Martucceli Danilo dit à
ce sujet :
« Ce qui hier était censé être
octroyé par les institutions et les formes sociales, est
désormais censé être produit de manière
réflexive par les individus eux-mêmes. En bref, notre
modernité serait inséparable d'une injonction spécifique
contraignant les individus à devenir des individus. » 3
Les réseaux sociaux auraient tendance à
engendrer une transparence accrue sur la vie privée des usagers qui
seraient contraints à faire des choix dans leurs pratiques. Ces nouveaux
dispositifs ont un rôle primordial chez les jeunes d'aujourd'hui. Ils
leur permettent certaines revendications de la sphère privée dans
un espace public.
Ce sujet de transparence ouvre de nombreux débats et
suscite des critiques. Pour autant, nous pourrions nous poser la question de la
conscience des conséquences
1 JENKINS Henry, 2013 La culture de la
convergence, Des médias aux transmédias, [2006]: En
étudiant la communauté des fans, il évoque leur
capacité de s'exprimer sur les transmédias en
s'appropriant leur culture. Les possibilités (de la part des usagers),
de manipulation de l'image, de travestissement des documents médiatiques
et de parodies présentant des vertus pédagogiques, pendant les
premières décennies du 21ième siècle.
1 THOMPSON John B, 2000, Communiquer à l'ère
des réseaux (n°100), Transformation de la
visibilité, p187215
3 MARTUCCELI Danilo, 2001, La société
singulariste, p.38
8
que cette transparence impose et comment les jeunes qui ont
connu l'effervescence du web2.0 utilisent les nombreux dispositifs d'un
réseau social à des fins personnelles. Pour cette étude
sur l'usage des réseaux sociaux, j'ai choisi de me concentrer sur le cas
de Facebook. Pourquoi ce réseau social ?
Tout d'abord, parce que Facebook est un réseau social
qui inclut de nombreux outils permettant les interactions entre les usagers
tout en étant un dispositif propice à une construction de son
identité virtuelle. De nombreux articles scientifiques ont
été publiés à ce sujet.
Le sujet des réseaux sociaux a été
abordé, en particulier, par Danah Boyd et Nicole Ellison dans leur
article `' Sociality through Social Network Sites `'1.
Comme l'indique Nicole Ellison lors d'une interview dans Hermès, La
Revue :
« Les recherches dans ce domaine évoluent si
rapidement qu'il est difficile de se tenir au courant de tout ce qui est
publié, même si c'est dans sa langue maternelle. »2
En effet, à l'heure de l'avènement des nouvelles
technologies de l'information et de la communication, les innovations ne
cessent de progresser, sans parler de l'internet et de tous les nouveaux
dispositifs qui y sont liés.
Toutefois, je tiens à participer à la
compréhension de ce nouveau dispositif mêlant intimement une
logique informationnelle et une logique communicationnelle, tout en analysant
l'usage de ses jeunes utilisateurs. La génération qui a grandi
avec la naissance du web a tendance à être pointée du doigt
comme une génération hyper-connectée. Ce terme
péjoratif est notamment appuyé par le fait que les jeunes
d'aujourd'hui seraient inconscients des dangers d'internet et des
réseaux sociaux. Ils publieraient ouvertement leur vie privée
sans réfléchir aux conséquences que cela peut
engendrer.
1 BOYED Danah est une chercheuse en sciences humaines et
sociale avec Nicole Ellison, professeure universitaire en
télécommunication elles ont écrit l'article Sociality
through Social Network Sites publié dans The Oxford Handbook of
Internet Studies en 2013
2 ELLISON Nicole, 2011, Réseaux sociaux et capital
social, Hermès, La Revue 2011, n°59
9
Personnellement, je me questionne sur ces idées
reçues car faisant partie de cette génération, je ne pense
pas que les jeunes soient inconscients de la puissance de l'internet, des
possibilités et des fonctionnalités de Facebook.
Une autre question se pose : que veut dire être
né avec internet ? Si cette affirmation définit le fait que les
enfants nés au milieu des années 90 seraient des usagers
incontestables d'internet, alors tout le monde aurait eu un ordinateur dans son
foyer à la fin des années 90 et tous ces jeunes l'auraient
utilisé. Cette question mériterait une réflexion plus
approfondie.
Plus objectivement, nous pourrions donc axer notre
réflexion sur le fait que cette génération a plutôt
connu la transition entre la vie sans internet et la vie avec. Ce détail
qui semble anodin pourrait changer beaucoup de choses au niveau comportemental
sur les réseaux sociaux des jeunes.
Cette hypothèse m'a permis d'élaborer mon
étude pour comprendre cette différence des usages entre les
jeunes de 21 ans et 29 ans et ceux de 15 ans à 20 ans, nés alors
qu'internet et les ordinateurs prenaient une plus grande part dans leur
quotidien que la génération précédente.
Dans cette étude, il s'agira d'analyser plus
précisément et plus intimement l'usage de Facebook que font les
jeunes. Comment l'utilisent-ils ? Pourquoi ? Ont-ils conscience des
conséquences d'un `' like `' ou d'un commentaire sous la
publication d'un proche ou d'un article public ? D'après Monique Dagnaud
:
« Les jeunes s'exprimeraient en roue libre sur la
Toile, s'exhiberaient sans en mesurer les conséquences...
»1
Ce réseau social aujourd'hui utilisé à
des fins liées au marketing de la part des entreprises, permet aussi le
développement de l'exposition de la sphère privée des
individus provoquant un potentiel danger pour l'usager.
1 DAGNAUD Monique, 2011, Génération Y, Les
jeunes et les réseaux sociaux de la dérision à la
subversion, SciencesPo Les presse, p.17
10
En effet, Facebook est un média social dans lequel se
côtoient commerce, politique et vie privée mais il permet aussi
à chacun d'être émetteur, récepteur, éditeur
dans un espace-temps réduit. Alors Facebook serait-il en quelque sorte
un dispositif propice à la création d'une identité
virtuelle chez les jeunes ?
Facebook est critiqué au sujet de la transparence entre
le secteur privé et le secteur public et notamment sur le respect de la
vie privée. Les adolescents, de par leur manque de maturité et
leur enthousiasme à se proclamer libre et pas comme les autres, ont
aujourd'hui, l'opportunité de créer leur propre image virtuelle
en revendiquant publiquement ce qu'ils sont et ce qu'ils aiment. Les questions
que l'on se pose sont donc :
Les utilisateurs ont-ils conscience de toutes les fonctions et
les opportunités que Facebook propose y compris pour les entreprises
commerciales et politiques ? Ou en d'autres termes : Ont-ils conscience des
conséquences de leur usage sur ce média social ? Ont-ils
conscience de l'utilisation par Facebook des données qu'ils diffusent
?
Tout en prenant en compte le grand nombre d'utilisateurs dans
le monde, j'ai décidé de cibler les jeunes français,
faisant partie de la génération Y : les personnes nées
entre 1994 et 1982 d'après Monique Dagnaud.
Marc Prensky, sociologue américain définira
cette génération comme les `' Digital Natives `', les
jeunes qui sont nés avec le Web. Ce choix est donc en lien avec mon
sujet car il désigne une génération qui a grandi pendant
l'avènement du Web social (Web 2.0). 1
Auteure de ce mémoire et faisant partie de la
génération dite `' Digital Native `', je suis
moi-même utilisatrice de ce réseau social qui compte 1.13
milliards d'utilisateurs actifs dans le monde à la fin du
deuxième trimestre de 2016.2
De plus, d'après une étude du Petit Digital
publié en 2015, 87% des usagers de Facebook auraient entre 18 et 29
ans.
1 PRENSKY Marc, 2001, Digital Natives, Digital
Immigrants, art MCB University Press, Vol.1, N°5
2 D'après une étude du Journal du net.
11
Monique Dagnaud définit la Génération Y
comme les enfants étant nés entre 1982 et 19941, je
m'intéresse à des individus de cette génération,
compris entre 22 et 29 ans. Ce panel étant assez étroit, je
décide de l'élargir aussi à la Génération Z
qui succède à la Génération Y, c'est-à-dire
les personnes nées après 1994. Celle-ci est plutôt
définie dans le secteur du marketing par rapport à l'étude
de son comportement afin d'établir des stratégies marketing pour
influencer à la consommation.
Toutefois, il me semble intéressant de prendre en
compte cette génération qui est susceptible de présenter
des usages différents sur Facebook que la génération Y. Je
m'intéresserai donc à une partie des adolescents pour une cible
comprenant les deux générations, c'est-à-dire une partie
des individus de la Génération Y et une partie des individus de
la Génération Z soit, la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans.
Je pense qu'étudier l'usage et la conscience des personnes provenant de
la tranche d'âge des 15 ans - 29 ans, me permettrait de mettre en
lumière des données pertinentes pour mon étude.
Ma première hypothèse est que Facebook
génère divers usages de la part des utilisateurs
âgés de 15 à 25 ans. Ma deuxième hypothèse
suppose que Facebook est un outil de revendication d'une identité
travaillée. Enfin, ma dernière hypothèse s'interroge sur
la conscience des conséquences des usages des utilisateurs de mon
échantillon (15-25 ans), en évoquant que les plus jeunes n'ont
pas forcément conscience des conséquences de leur usage sur
Facebook contrairement aux plus âgés.
Mon travail de recherche consiste donc à comprendre
l'usage de Facebook auprès des jeunes et d'analyser la conscience des
conséquences de leur usage sur ce réseau social. Pour cette
étude je fais le choix d'un raisonnement
empirico-déductif2 qui, à l'aide de ma
problématique, me permet d'établir des hypothèses
susceptibles d'être validées à la fin de ce travail de
recherche. J'aborderai, pour cette étude, un travail
méthodologique qui s'appuiera sur des données qualitatives.
1 DAGNAUD Monique, op.cit, p8
2 PALLIE Pierre et MUCHIELLI Alex, 2008, L'analyse qualitative
en sciences humaines et sociales, Armand Colin, p.140 -155
12
Mon objectif sera donc de comprendre comment les jeunes
utilisent Facebook et dans quel but, tout en essayant d'analyser leur
conscience sur les conséquences de leurs usages.
Mon travail de recherche se fondera, en première
partie, sur une approche théorique et conceptuelle, des études
qui ont déjà été menées par des chercheurs
et des sociologues afin de comprendre les mutations de la société
pour arriver à définir le comportement des individus
d'aujourd'hui dans la société moderne.
Celle-ci me permettra de comprendre les individus
d'aujourd'hui et plus particulièrement le comportement des jeunes entre
15 et 29 ans pour le mettre en lien avec le réseau social Facebook,
sujet de ma recherche. Dans cette partie, je définirai la
société et la sociologie des individus du 21ème
siècle tout en évoquant la société du
19ème siècle pour comprendre la mutation dont elle a
fait l'objet. Il est important de cadrer le contexte de ma recherche en faisant
une analyse globale des comportements des individus de la société
contemporaine avec l'aide des théories et des concepts
élaborés par les chercheurs et les sociologues.
Toujours, dans cette partie j'étudierai le Web 2.0 (web
social), les réseaux sociaux, leurs dispositifs et le lien qu'ils
entretiennent avec les individus de la société d'aujourd'hui.
Pour se recentrer sur la problématique de ce travail de recherche, je me
concentrerai sur Facebook, avec une recherche théorique sur ce qui a
déjà été analysé au sujet de ce
réseau social.
Dans cette partie, j'évoquerai aussi le comportement
des adolescents à l'effigie de ce réseau en m'aidant des
études des sociologues et chercheurs à ce sujet. La
première partie de cette approche théorique m'aidera donc
à faire le lien entre les individus contemporains et le fonctionnement
de Facebook pour essayer de comprendre leurs usages.
Enfin, il me semble primordial de comprendre le public des
jeunes français pour centrer ma recherche sur un public
spécifique, car à mon échelle, il sera impossible de
pouvoir généraliser les conclusions de la recherche que j'aurai
mené avec une technique empirique qualitative. Je définirai donc
ce public qui sera la cible de toute ma recherche.
13
Dans une deuxième partie, je me confronterai à
la réalité en mettant en place la technique des entretiens
semi-directifs auprès de huit personnes ayant entre 15 et 25 ans.
Lors de cette étude empirique qualitative reposant sur
des entretiens semi-directifs, le but sera, tout d'abord de comprendre comment
les individus utilisent Facebook. J'appliquerai la technique des entretiens sur
huit individus de différents âges afin de faire émerger des
usages divers de Facebook. Le but de ces entretiens sera donc de valider ma
première hypothèse sur le fait que les individus utilisent ce
réseau social pour pouvoir se créer plus ou moins une
identité virtuelle.
J'ai conscience que mes données ne sont pas totalement
représentatives de la réalité étant donné
que, selon mes moyens, je n'ai réalisé que huit entretiens. Mon
travail sera donc fondé exclusivement sur du qualitatif, et mes
données ne me permettront pas de de généraliser les
comportements que j'aurai pu faire émerger après mon analyse.
Toujours à l'aide de la technique des entretiens avec des individus
d'âges différents j'évoquerai la question des consciences
de ceux-ci sur leur usage de Facebook. Mes deux hypothèses étant
liées, je n'ai réalisé qu'un entretien pour chaque
individu tout en évoquant mes deux hypothèses.
Enfin, je conclurai ma recherche par une synthèse
mettant en lien l'approche théorique et les données
relevées lors de mon enquête de terrain pour pouvoir valider mes
hypothèses.
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Partie 1 : Mutation des profils des individus et
avènement d'internet chez les jeunes
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