4.3.1. Des situations démographique et
socio-économique défavorables
Sont analysées ici, la poussée
démographique de l'Arrondissement de Maga qui a accru la demande et les
besoins en poissons et l'indigence socio-économique qui a assourdi les
pêcheurs à Kaï-kaï.
4.3.1.1. Les contraintes démographiques :
une menace permanente pour la survie de la retenue
Le poids démographique constitue aujourd'hui un
gigantesque défi que les gestionnaires de la retenue d'eau de Maga
doivent essayer de relever au nord de celle-ci. Avec sa superficie de 110 000
km2 et une population s'élevant à 180 000 personnes,
l'arrondissement de Maga est le plus peuplé du département auquel
il appartient après Yagoua. Sa population dépasse de très
loin celle de Kaï-kaï : 63 000 âmes. Le croit naturel
pourrait-il à lui seul justifier une telle concentration de la
population ?
En effet, certains villages existaient depuis plus de 400 ans.
Mais, près du tiers des villages ont été
créés à la fin des années 1970 avec la
création de la SEMRY. Elle a déplacé 11 000 familles de
cultivateurs qui ont laissé leurs villages d'origines pour venir
s'installer dans la Commune de Maga afin de pratiquer la riziculture. Depuis
lors, la population s'agrandit et les zones de culture deviennent même
progressivement insuffisantes. Les sources
156
indiquent que la commune de Maga est passée de 30 000
habitants en 1970 à 80 000 habitants en 201055. En 2005, elle
était estimée à environ 85100 âmes. Pourtant,
l'arrondissement en compte aujourd'hui environ 180 000. Bref, on peut tout
simplement souligner que la population de Maga reste sur une allure croissante
et deux problèmes se posent.
D'abord, une concentration des habitants autour du lac qui
rendent difficile le contrôle de l'accès à la retenue, du
moment où, toute la population riveraine est employée dans la
pêche. Dans certains campements riverains du lac, les densités
sont supérieures à 100 habitants/km2 (112 à
Gamack, 120 à Malka, 110 à Kéleo). Suite à ces
fortes densités, les populations ne pouvant s'installer dans les
rizières de la SEMRY se sont rapprochées de la pêcherie. En
2011, 53 villages/campements confondus de pêcheurs avaient
déjà été identifiés (Supra, chap.1 ;
I.3.2.2.). Sur les 53 campements de pêcheurs dénombrés, les
campements les plus peuplés sont ceux de Maga qui concentrent 10 000
acteurs socioprofessionnels de pêche à 98 %
intéressés par la retenue.
D'autre part, à ces espaces densément
peuplés qui côtoient ce haut lieu de pêche, s'ajoute
l'extrême demande en produits halieutiques générée
par la structure de la population. Selon le dernier recensement
général de la population (2005), la population de
l'arrondissement de Maga alors estimée à 85 100 âmes
était composée de 41 371 hommes et 43 729 femmes. Le chef-lieu
à lui seul comptait 15 701 âmes, dont 7862 hommes et 7839 femmes.
Le reste de l'espace physique communal est suffisamment peuplé (69399
habitants, dont 33509 hommes et 35890 femmes). Au regard de ces statistiques,
on observe que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Les hommes
constituent 48,61 % de la population totale et les femmes 51,39 %. Les jeunes
de moins de 18 ans en constituent la frange la plus importante soit 60 % de la
population totale.
Le poisson étant la source de protéines la plus
accessible aux populations, surtout les plus défavorisées, les
produits de pêche contribuent pour 67 % environ des apports en
protéines dans l'alimentation des populations à Maga et pour
près de 70 % à Kaï-Kaï. La consommation moyenne par
tête et par an y est de 47 kg contre 11 kg/habitant pour la viande
(MINEPIA, 2011). Soit, une demande annuelle globale de 9400 tonnes
pour les deux arrondissements. Cette situation pousse ces derniers à
considérer le lac comme la source de leur richesse éventuelle et
par conséquent à, parfois, y séjourner pendant de longues
durées
55 Chiffres du recensement général de la
population et de l'habitat au Cameroun, 2010.
157
dans l'optique de récolter plus de ressources.
Puisqu'il en faut assez pour nourrir leurs familles et assez pour faire
fortune.
En concluant ce point, on peut dire que l'explosion
démographique à laquelle on assiste depuis les années 2000
à Maga constitue un énorme défi pour la gestion des
ressources. Dans une localité où, 56 % de la population totale
vit de la pêche, la généralisation de fortes
densités dans et autour de la retenue impose la surexploitation des
ressources dont elle dispose, et ce, afin de subvenir aux besoins de
subsistance. Dans ce contexte, cette pression démographique laisse des
signatures majeures à l'instar de la dégradation de certaines
ressources que la pauvreté va aggraver.
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