3.3. LES CONSÉQUENCES SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA
SURPÊCHE
Les ressources ayant été amenuisées par
des prélèvements indélicats, les pêcheurs doivent de
temps en temps modifier leurs techniques de pêche afin de garder leur
efficacité.
132
Malheureusement, à cette incertitude technique s'ajoute
la chute des rendements par tête qui dégrade l'emploi et
génère des conflits.
3.3.1. Les incertitudes techniques et économiques
professionnelles
À l'échelle mondiale, la pêche artisanale
est de plus en plus reconnue comme faisant partie intégrante de la
croissance (FAQ, 2014)49. Mais, la pêche est
aujourd'hui à un tournant de son histoire et celle pratiquée dans
le lac de Maga n'est pas en reste. Les évolutions incessantes des
techniques de pêche d'une part et de l'autre, la baisse des rendements
par tête, participent de ce mauvais tournant de la pêche qui
inquiète pas moins d'une personne.
3.3.1.1. La précarisation des techniques de
pêche
Les techniques de pêche ont beaucoup
évolué sur la retenue d'eau de Maga. Depuis ces trois
dernières décennies, on a constaté l'introduction et le
développement de nouvelles techniques plus performantes à cause
de la raréfaction des ressources. Ces nouvelles techniques de
pêche à l'image de la senne tournante (128), le filet dormant en
nylon (8738) et la palangre appâtée ou Wari (16580) ont
relégué d'autres instruments de pêche comme les sennes de
plage (sennes à bâton) et les nasses qui ne sont plus
utilisées que temporairement dans l'arrondissement de Maga (sennes
à bâton) et à Kaï-Kaï (nasses traditionnelles).
Les Goura, quasi absents en 1986 sont devenus omniprésents dans le lac
avec un total de 15960 engins soit un taux de représentativité
général de 32,2 %.
Certaines techniques de pêche existantes ont
été transformées ou bonifiées parce que
l'espèce ciblée a fortement diminué ou changée de
taille. Les filets dormants de surface à plusieurs filaments ne sont
pratiquement plus utilisés à Maga, à cause de leur
inefficacité devant l'espèce cible (Tilapia nilotica, Alestes
dentex, Labeo sp., etc.). Ils ont changé de formes pour donner
naissance aux filets maillants de fonds visant plutôt les espèces
benthiques (Synodontis, Glarias, Protopterus annectens). Il y a aussi
la stratégie et la technique concernant les lignes diurnes
pratiquées en majorité par les pêcheurs migrants vers les
années 1980 à Maga où ils venaient en campagne. Ils
partaient dans le lac très tôt et ne revenaient que tard dans la
nuit avec comme espèces ciblées : Alestes dentex,
tilapia sp., etc. Maintenant les stratégies de pêche ont
beaucoup changé, on part le matin pour y passer la nuit.
49 Ce secteur constitue pour plusieurs pays tels la
Norvège, l'Islande, le Pérou, etc., une source très
importante d'entrée des devises. En Islande, par exemple, c'est elle qui
a permis au pays de passer de la pauvreté à la richesse au cours
du XXe siècle (Bogason, 2007).
133
Parmi les techniques qui ont perdu de leur importance avec la
rareté de la ressource, on peut citer les sennes de plage, le zagazaga
alors qu'autrefois la côte était très poissonneuse et
idéale pour leur pratique. Avec les sennes tournantes ou Taro, on
constate une surexploitation de beaucoup d'espèces capturées et
ce sont surtout les espèces nobles (Lates niloticus, Gymnarchus,
etc.) qui ont tendance à régresser (photo 23).
Coordonnées de prise de vue : x= 10° 49'
58» y=14°57' 10» Photo 23 :
Débarquement mixte d'un Taro au lieudit Pont II (Maga).
On peut quantifier la pêche artisanale à partir
des unités de pêche. Dans ce cas, on peut dire que la ressource a
diminué, mais le constat le plus important est la réduction du
maillage des filets (planche 10) qui excluent désormais la
notion de sélectivité et peuvent prendre jusqu'aux
juvéniles d'une part et d'autre part, les mono filaments invisibles qui
suppriment toute possibilité d'évitement50 des
ressources.
50 L'évitement est le principe des sciences
halieutiques au nom duquel, il faut utiliser les engins visibles par les
poissons pour leurs permettre d'éviter certains pièges dans
l'eau.
a b
134
Cliché : Toussoumna,
Février 2016.
Planche 10 : Filets mono et multi filaments
à un doigt.
On peut voir que, les engins de mailles comprises entre 4 et 5
doigts (grosses mailles) représentaient 60 à 70 % du total des
engins utilisés sur le lac en 1986 (Seignobos, 1986) alors
qu'aujourd'hui, ils n'en sont plus qu'à 34,7 % (tableau 13). Ce
constat est malheureusement valable pour tout type d'engin, même les
taros. Ceux des pêcheurs ayant gardé cette proportion
recommandée (3 à 4 doigts), préfèrent utiliser les
mono filaments qui soustraient aux ressources l'évitement et sont par
conséquent plus performants.
Tableau 83 : Taux d'utilisation du zagazaga en
fonction des mailles (2016)
Mailles
|
1 doigt
|
2 doigts
|
3 doigts
|
4 doigts
|
5 doigts
|
10doigts
|
Autres
|
pourcentage
|
13,40%
|
49,80%
|
24,70%
|
10%
|
0,2%
|
0%
|
1,9%
|
Source : Enquête de terrain,
juin 2016.
Cette situation a inoculé une reconversion des
pêcheurs vers d'autres techniques. Si en 1986, la plupart des
pêcheurs pratiquaient le zagazaga, aujourd'hui, cette technique est
à la traine et presque aucune autre pratique n'est
négligée (tableau 14). Par ailleurs, afin de maximiser
le rendement, les pêcheurs associent plusieurs techniques
concomitamment.
135
Tableau 94 : Nombre de pêcheurs par
techniques de pêche en 2016
filets
|
zagazaga
|
Wari
|
kadra
|
éperviers
|
Goura
|
taro
|
Nombre
|
32
|
89
|
73
|
77
|
69
|
96
|
Source : Enquête de terrain,
juin 2016.
La multiplication des filets, la diminution de la grosseur de
leurs mailles et l'apparition d'autres techniques plus performantes permettent
aux pêcheurs de réaliser d'importantes quantités de prises,
quelles que soient leurs structures ou leurs tailles. La structure actuelle de
la totalité des engins utilisés dans le lac de Maga obéit
à cette logique (Supra 2.1.2.2.).
Tout ceci, traduit une nette évolution dans les
méthodes de captures à la recherche de performance. Cette
condition cause un grand tort aux pêcheurs d'autant plus que les
matériels utilisés sont onéreux et le rendement,
faible.
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