II.4 « La juste valeur » et qualité de
l'information financière en IFRS
L'internationalisation des marchés financiers joint
à la volonté d'accroître le contenu informationnel
apporté au marché tout en appréhendant au mieux les
risques encourus, ont emmené l'IASB à orienter la
comptabilité vers un nouveau principe, celui de la juste valeur. Ce
nouveau principe fondé sur le postulat selon lequel le meilleur
instrument d'évaluation d'un actif reste le marché tend à
assurer le passage d'une approche historique de la comptabilité à
une approche beaucoup plus économique (substance over form)
appliquée à la fois par les FRS et le SYSCOHADA, qui paraît
être de nature à rendre les comptes plus en adéquation avec
la réalité des investissements à moyen ou long terme,
ainsi que celle des cycles de l'exploitation. Toutefois, il convient de
souligner que « le concept de juste valeur est plus large et d'un
usage plus général que celui de valeur de marché
»14
Cependant, cette transition vers un modèle
d'évaluation beaucoup plus économique, initialement perçue
par certains utilisateurs des états financiers comme un renouveau dans
la communication financière semble présenter quelques
difficultés d'application découlant majoritairement des
imprécisions des modalités de détermination de la juste
valeur d'un actif ou passif en l'absence de données objectives
observées sur le marché. Devons-nous par ce constat affirmer que
la disparité des méthodologies et modèles de
détermination de la juste valeur de ce contexte lui procurent un
caractère aléatoire ?
La norme IFRS 13 défini clairement la juste valeur
comme « le prix qui serait reçu pour la vente d'un actif ou
payé pour le transfert d'un passif lors d'une transaction normale entre
des intervenants du marché à la date d'évaluation
».
14 J.F. CASTA, 2003, La comptabilité en juste
valeur permet-elle une meilleure représentation de l'entreprise ?,
« Juste valeur et évaluation des actifs », Revue
d'Economie Financière, Paris, n°71, p. 17-31
11
A titre illustratif, la norme IAS 39 identifie trois
méthodes de valorisation des justes valeurs des instruments financiers.
Ainsi, si l'instrument est traité sur un marché actif et liquide,
le prix auquel cet instrument est négocié ou émis est
normalement considéré comme présentatif de sa juste
valeur. En l'absence d'un marché de référence, la
valorisation comptable de l'instrument sera fondée sur la valeur la plus
proche de celle fixée par le marché. Les
préparateurs comptables peuvent ainsi avoir recours à une
étude comparative fondée sur l'évaluation d'instruments
disposant des caractéristiques financières similaires ou à
des techniques d'évaluation qui sont généralement admises
et qui garantissent une estimation raisonnable de la valeur de marché,
telles que l'actualisation des flux de trésorerie futurs et les
modèles de valorisation des options (black & Scholes, le
modèle binomial etc.).
Dans la mesure où nombre d'instruments financiers n'ont
pas de valeur de marché, leur juste valeur est déterminée
en interne sur la base de modèles développés par les
entreprises ou à l'aide des approches par assimilation.
Pour certains auteurs, le caractère objectif d'une
telle valeur, estimée en interne, est ainsi sujet à caution.
Jean-François Casta (2003) affirmait à juste titre
que « les critiques les plus nombreuses à l'encontre de la
juste valeur concernent la valorisation des actifs qui ne sont pas
négociés sur des marchés efficients et dont l'estimation
renvoie à des modèles internes. Elles mettent en évidence
le manque d'objectivité et de neutralité de ces valorisations.
Elles mettent aussi l'accent sur la réduction de la fiabilité et
de la comparabilité engendrée par l'utilisation de modèles
internes »15. On constate donc que la fiabilité de
la juste valeur semble être fonction de la qualité des
modèles de valorisation ainsi que des informations utilisées mais
aussi de la sincérité des préparateurs des comptes.
Pour certains praticiens, l'IASB semble avoir rencontré
des difficultés lorsqu'il a voulu élaborer des normes dont
l'objectif est de composer avec une sphère financière nuisible
à la stabilité ; non pas essentiellement celle de
l'économie, mais plutôt celle de la croyance des acteurs
économiques.
Bien au-delà des points faibles liés à la
cohérence et à la fiabilité de l'information
financière la juste valeur se voit aussi reproché de
privilégier une vision court-termiste de l'entreprise et
d'entraîner, par ses fluctuations, une plus grande volatilité des
capitaux propres et des résultats. En claire, bien que les justes
valeurs sont plus susceptibles d'accroître la pertinence de l'information
financière, elles peuvent cependant engendrer des risques en terme de
fiabilité.
15 J.F. CASTA, 2003, La comptabilité en juste
valeur permet-elle une meilleure représentation de l'entreprise ?,
« Juste valeur et évaluation des actifs », Revue
d'Economie Financière, Paris, n°71, p. 17-31
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