Nouvelle vocation et identité d'un édifice patrimonial - la reconversion de la synagogue de Sétif( Télécharger le fichier original )par Abdelkrim LENEGUER Université Ferhat Abbas - Sétif 1 - Master en patrimoine architectural et urbain 2017 |
2.5 La conservation du patrimoineD'une manière générale, ce qui doit être transmis doit d'abord être conservé :il n'y a donc pas de patrimoine sans intention de le conserver, cette question est jusqu'à nos jours au coeur de débats incessants, elle est l'expression d'une volonté commune de préserver l'héritage du passé. ?Chargées d'un message spirituel du passé, les oeuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L'humanité, qui prend chaque jour conscience de l'unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité49(*)? 2.5.1 Les théories de la conservation du patrimoine bâtiLes réflexions autour de cette question s'articulent essentiellement à la pensée de trois auteurs : Ruskin, Sitte et Giovannoni. Bien que ces derniers partagent l'idée que c'est l'ensemble qui est porteur de valeur patrimoniale, ils présentent des points de vue passablement divergents quant aux buts et modalités de la conservation du patrimoine urbain50(*). Nous évoquerons ici les pensées les plus marquantes a) John RUSKIN51(*)John RUSKIN reconnu au XXe siècle comme le père du mouvement de la conservation, son approche est fondée sur la notion d'authenticité, qui interdit toute intervention sur le patrimoine, dans but d'une transmission de la vérité aux générations futures. La conservation des bâtiments d'architecture vernaculaire étant le plus précieux témoignage d'un savoir-faire historiques développé en réponse à des impératifs culturels et contextuels. Ses principales thèses sont présentées dans son ouvrage ?The Seven Lamps of Architecture?,l'oeuvre de RUSKIN est représentative de la dialectique entre mémoire et oubli, qui peut être interprétée par le processus de résistance naturelle des individus ou des groupes face au changement rapide d'une société. L'architecture représente pour RUSKIN un gage de mémoire considérée comme l'expression identitaire par excellence, le reflet d'un savoir-faire qu'il est impossible de recopier. Il définit l'architecture comme un être humain qu'il faut préserver (en le restaurant le moins possible) mais qu'il faut laisser mourir. Son analyse du monument historique se fait non seulement du point de vue de la conservation, mais à la recherche des qualités inhérentes au monument que l'architecture nouvelle devrait adopter. Pour comprendre la position conservatrice de RUSKIN, il faut savoir qu'elle est intimement liée à sa théorie de la beauté, qui selon lui est fondée sur les lois des formes naturelles. Pour résoudre le problème du rôle de l'émotion dans la beauté et l'art ; cette théorie est complétée par sa théorie sur le sublime. Selon lui la beauté se retrouve dans l'impression de l'âge52(*), que l'on caractérise à l'époque sous la notion de pittoresque. Cependant Il fait une distinction entre le sublime véritable tel que les montagnes, le ciel, les paysages, etle sublime parasite qui se retrouve dans l'art, parce que le sublime parasite adjoint ou accidentel ? se trouve le plus souvent incompatible avec la conservation du caractère original53(*) ?.La restauration pour RUSKIN est donc un ? mensonge ?. Elle signifie ainsi la destruction la plus complète que puisse souffrir un édifice. ? Il est impossible, aussi impossible que de ressusciter les morts, de restaurer ce qui ne fut jamais grand ou beau en architecture54(*) ?. RUSKIN privilégie l'authenticité du bâtit quitte à renoncer à le laisser se délabrer. Il défend une restauration légère qui viserait uniquement à renforcer la structure de l'édifice. Les autres dégradations du temps seraient laissées visible et aucune transformation ne pourrait être tolérée. Tout élément nouveau même s'il a vocation à remplacer à l'identique un élément ancien abimé, est considéré comme ? une falsification ?, Car la restauration serait pour lui un principe des temps modernes avec un objectif économique. ? Le principe des temps modernes consiste d'abord à négliger les édifices puis à les restaurer. Prenez soins de vos monuments et vous n'aurez nul besoin de les restaurer55(*) ?. Il préconise la prévention, et parle Indirectement de protection et de consolidation sans se préoccuper de l'esthétique. RUSKIN fut le premier à souligner la valeur patrimoniale des ensembles urbains anciens, et il insiste sur leurs préservations. Pour lui le monument d'architecture ne peut être considéré en lui seul, il s'inscrit dans son milieu. À cet effet, la conservation du bâtiment nécessite que soit prise en compte celle de son environnement. La conservation intégrale de la ville préindustrielle est pour lui la seule option envisageable56(*), elle apparaît primordiale à la sauvegarde d'une identité collective. Les ensembles urbains anciens permettent à la fois d'enraciner les habitants dans l'espace et dans le temps57(*). * 49 Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (charte de Venise 1964), * 50Johanne Brochu, `La Conservation Du Patrimoine Urbain , Catalyseur Du Renouvellement Des Pratiques Urbanistiques?? Une Réflexion Théorique Sur L ' Appropriation de La Notion de Patrimoine Urbain Par L ' Urbanisme La Conservation Du Patrimoine Urbain , Catalyseur Du Renouv' (Université de Montréal - Faculté des Études Supérieures, 2011). * 51RUSKIN JOHN (1819-1900)Écrivain, critique d'art et réformateur social, www.universalis.fr* 52 Valeur d'ancienneté d'Alois RIEGL, * 53Johon Ruskin, La Couronne d'Olivier Sauvage. Les Sept Lampes de l'Architecture. Traduction de George Elwall (Société d'édition artistique, 1900).p 257 * 54Ruskin. P 259 * 55Ruskin. * 56Mathieu Payette-Hamelin, `Pour Une Approche Urbanistique de La Conservation et Dela Mise En Valeur Du Patrimoine Bâti?:l'expérience Du Canal de Lachine À Montréal' (Université de Montréal, 2011). * 57Francoise Choay, L'allégorie Du Patrimoine, du seuil, 1992. |
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