1.4- La dégradation du lien social : les
inégalités environnementales
Le dérèglement de la biosphère
causé par les activités anthropiques est aujourd'hui d'ordre
mondial et nul ne saurait nier cet état de fait. Cependant, les effets
de ces dérèglements ne sont pas subis par tous de la même
manière et, pour reprendre C. Larrère (2017), les dommages
environnementaux ne sont pas équitablement répartis entre les
groupes sociaux. De ce fait, nous pouvons comprendre les
inégalités environnementales comme étant des
inégalités d'exposition aux risques environnementaux car
certaines catégories sociales en souffrent plus que d'autres.
Selon les dernières estimations de l'OMS
publiées en mars 2016, 23% des décès sont causés
par des facteurs environnementaux; 12,6 millions de personnes meurent du fait
d'avoir vécu ou travaillé dans un environnement insalubre les
enfants et les personnes âgées étant les plus
vulnérables. Les dérèglements de la biosphère ont
donc des effets directs (vagues de chaleur, inondations, sècheresse,
ouragans et tempêtes) ou indirects : « pollution de l'air, maladie
à transmission vectorielle du type de dengue, insécurité
alimentaire et malnutrition, déplacement de populations et maladies
mentales résultant des phénomènes climatiques externes et
du réchauffement» (C. Larrère, 2017, p. 33) sur la
santé de l'homme. Ici encore les populations les moins nantis sont les
victimes ; ce sont ceux qui vivent dans des zones immergées et
incapables d'alternatives devant les intempéries de l'environnement
qui
4 Rapport Brundtland, 1987, p.196.
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sont encore victimes des dégradations de la
biosphère : ce sont les inégalités environnementales.
La question des inégalités environnementales
entre dans le débat de la crise écologique dans les années
1980 grâce aux mouvements de justice environnementale qui se sont
développés aux Etats-Unis. Avant cette révolution, parler
de la crise écologique se résumait juste au discours sur les
dégradations environnementales. Mais dès la révolution de
la justice environnementale aux Etats-Unis, il semble presque impossible de nos
jours de parler de crise écologique sans les inégalités
environnementales. Il s'est agit précisément pendant la
révolution de justice environnementale de 1980 d'une mobilisation locale
autour des problèmes liés à la pollution notamment les
habitations construites sur des sites pollués, le dépotage des
déchets toxiques autours des habitations, etc. La communauté
d'Afton dans le comté de Warren en Caroline du Nord, comme le souligne
C. Larrère (2017), est celle qui s'est le plus investie dans cette lutte
en allant jusqu'à protesté en faveur du sol surchargé en
pyralène (PCB), danger potentiel pour les populations; ces dangers
environnementaux frappant toutes les catégories vulnérables
à travers le monde. Mais au-delà d'une simple revendication de la
justice environnementale, ces mouvements revendiquent surtout un accès
aux ressources vitales qui restent inaccessibles jusqu'aujourd'hui à une
grande part de la population humaine. Or les dégradations de
l'environnement raréfient ces ressources, pire encore,
l'aménagement de l'espace sociétal rend de plus en plus
inaccessibles les ressources vitales pour les populations vulnérables.
C. Larrère (2017) en donne un exemple pertinent qu'est la
révolution verte dans les pays du Sud; cette révolution, en
réaffectant des terres, a rendu difficile l'accès à l'eau
et la collecte du bois de chauffage puisque les terres où les femmes
avaient accès à ces ressources sont affectées pour la
culture modernisée éloignant ainsi les espaces de ravitaillement.
Les inégalités environnementales, de façon simple se
comprennent ainsi:
A danger égal, les plus pauvres, les
défavorisés sont plus exposés: ils sont plus fragiles, ils
ont moins de solutions de rechange, ils ont plus de difficulté à
se construire. L'ouragan Katrina, qui a frappé La
Nouvelle-Orléans et sa région à la fin du mois
d'août 2005, entraînant des dommages considérables, tant
humains que matériels, est un exemple de cette inégalité
dans l'exposition aux risques (C. Larrère, 2017, p.10).
Même si cet ouragan a frappé de façon
équitable les habitants de La Nouvelle-Orléans, les victimes les
plus touchées, note C. Larrère (2017), sont les populations les
plus pauvres qui habitaient les zones les plus gravement submergées et
qui manquaient de moyens de les évacuer. Les inégalités
environnementales sont une conséquence non seulement des
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événements qui frappent les plus
vulnérables mais aussi de leur vulnérabilité et
incapacité à choisir une alternative. Ceci laisse donc dire que
les inégalités environnementales seraient une conséquence
des inégalités sociales.
En plus de cette plausible corrélation entre les
inégalités sociales et environnementales, les
inégalités environnementales ne sauraient être seulement
une conséquence des inégalités sociales mais aussi fruit
d'un manque d'investissement humain dans les dégradations
environnementales; ceci entraine l'accentuation des inégalités
environnementales, l'occupation accélérée des zones
à risques, le déboisement, l'insalubrité, etc. qui sont
tous des péchés contre l'environnement. C'est de la prise en
considération de ces paramètres de la crise écologique que
se forme progressivement une conscience environnementale avisée et qui
donnera plus tard naissance à la durabilité comme objectif de
développement.
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Chapitre 2 : La conscience écologique et la
construction conceptuelle de la durabilité
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