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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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2.1- Du progrès scientifique à l'inquiétude écologique

Inondations, destruction de la couche d'ozone, pluies acides, fonte des glaciers, disparitions des espèces et des écosystèmes, déboisement, réchauffement terrestre, changements climatiques, avancée du désert, etc. sont des évènements qui, autrefois effrayants, sont vécus et assumés aujourd'hui presque de façon indifférente. La crise écologique qui menace la vie sur terre et qui est abusivement identifiée sous le vocable de « changements climatiques» qui renvoie plutôt à une modification durable des paramètres statistiques du climat global de la terre ou des divers climats régionaux dus à des processus intrinsèques à la terre et causé par des influences extérieures ou encore aux activités humaines, est parvenue à son état actuel par une obsession de la productivité présente dès les premiers instants de la modernité. La conscience écologique bien qu'étant récente et remontant aux années 70, ne peut mieux se comprendre qu'à travers une reconsidération holistique de la science moderne.

La caractéristique de la modernité est essentiellement la structuration technologique à outrance. C'est en ceci que la science moderne, marquée par un rapport permanent entre l'application et la théorie, se démarque de celle antique où la science essentiellement théorique se distinguait de la technique. Nous remarquons cette distinction chez Platon dans le livre 5 de la République où, argumentant sur le réel et l'apparent, il affirme que seuls les philosophes peuvent parvenir à la science par le biais de la contemplation qui ouvre sur les Idées, archétypes de toute chose, et dont la pâle copie est le monde réel. Mais la modernité installe un nouveau rapport entre la théorie et la technique à telle enseigne que la frontière entre ces deux domaines de savoir n'existe presque plus. Cette distinction entre science spéculative et science pratique est également signalée par R. Descartes (2014, p.34-35) qui écrit:

Mais, sitôt que j'ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j'ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s'est servi jusques à présent, j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu'il est en nous le bien général de tous les hommes : car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie ; et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature.

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Par cette affirmation, la rupture entre la science antique essentiellement théorique et la science moderne qui se veut un mixage de la théorie et de la pratique, est consommée. Cette séparation se comprend aisément dès lors que l'on considère l'esprit de la Modernité. La Modernité située selon V. Citot (2005) au XVe siècle, se pose et s'impose, ainsi qu'il le dit, comme:

Une entreprise individuelle et sociale de libération par rapport aux diverses tutelles qui maintenaient l'humanité dans un état d'hétéronomie : la tutelle spirituelle, morale et scientifique de l'Église, la tutelle politique et économique de la monarchie, la tutelle esthétique des Anciens, la tutelle sociale et psychologique de la famille patriarcale, etc. L'esprit de la modernité est un esprit d'affranchissement, de libération, d'autonomisation. La modernité apparaît ainsi comme la possibilité historique de la liberté (V. Citot, 2005, p.3).

En un mot, la modernité est la célébration de la liberté, liberté qui fut pendant longtemps noyée par de longs siècles de tutelle spirituelle et politique. L'esprit de la modernité, en octroyant la liberté à l'individu par son arrachement à la tutelle politico-spirituelle, se veux aussi l'inscrire à présent dans un monde universel; ainsi nous pouvons dire que la modernité tout en se voulant le royaume de l'individu, se veut aussi un royaume universel. La conséquence de cette nouvelle configuration de l'homme moderne est l'autonomie; autonomie qu'il faut comprendre dans son sens littéral comme « trouver en soi sa norme » et qu'il faut différencier, avec beaucoup de dette envers V. Citot (2005), de l'idio-nomie (réduire la norme à soi).Cette autonomie présuppose que chaque individu a la pleine disposition de lui-même et par conséquent capable de s'élever à la pensée universelle. E. Kant (1784, 1) écrit:

Qu'est-ce que les Lumières? La sortie de l'homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c'est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l'entendement mais dans un manque de décision et de courage de s'en servir sans la direction d'autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Ait le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

De cet impératif à l'usage de la raison découle l'attachement des modernes à l'égalité. Ainsi, l'égalité est reconnue entre tous les hommes car, bien entendu, dans la cité Grecque qui fut le fondement de la démocratie moderne, même si la parole était laissée à tous les participants de l'agora, cette égalité n'était pour autant pas partagée avec les femmes et les esclaves. Ce fut ainsi qu'il le dit: « Ainsi, les hommes de la Renaissance ont les premiers pensé une telle orientation, en taxant le passé de dépassé, en définissant un « moyen âge » dont ils entendaient se distinguer, eux qui se sont définis comme hommes des « temps modernes » (V. Citot, 2005, p.42).

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Dès lors, un nouveau concept voit le jour: « le progrès» qui ne signifie pour le moment que la supériorité par rapport aux époques précédentes. Ce concept a pris la connotation scientifique de l'innovation sous l'impulsion des sciences du XVIe et XVIIe siècle.

Dans la mise en oeuvre de ce projet de l'humanité, il s'est agit essentiellement, dans un premier temps, de la mise en place des valeurs essentielles de la modernité. Les grandes révolutions sont culturelles. Bien que toutes ces révolutions contribuent à la naissance de la pensée moderne, nous nous intéressons ici uniquement aux révolutions scientifiques et philosophiques. En effet, les XVIe et XVIIe siècles constituent le point d'ancrage de la pensée moderne car ce fut en cette période que l'ancienne représentation aristotélicienne du cosmos tombe devant les découvertes de ce qu'il convient d'appeler la science moderne. Ce qui coïncide aussi avec la réfutation du géocentrisme en faveur de l'héliocentrisme dont Copernic est le premier théoricien.

Les conséquences de l'héliocentrisme sur les sciences modernes ne sont plus à démontrer. Néanmoins, notons que d'une part, comme le stipule A. Koyré (1973), le triomphe de l'héliocentrisme ouvre la voie à une nouvelle conception de l'univers qui n'a pas de fin;

La révolution copernicienne aura pour conséquence ultérieure une nouvelle conception de l'univers : il n'a plus de centre, il est infini, il est comme la géométrie euclidienne, homogène, uniforme, déshumanisé (l'homme n'en est plus le centre, et bientôt, Dieu n'en sera plus l'architecte) V. Citot (2005, p. 54).

D'autre part, la révolution copernicienne ouvre la voie à la vague des différentes recherches scientifiques sur un objet qui n'est plus la pâle copie de quoi que ce soit. C'est dans ce contexte que R. Descartes(2014), par le « cogito ergo sum » est l'un des philosophes incontournables dans la construction conceptuelle de la modernité; car il introduit le « je » comme une condition sinéquanon pour atteindre la vérité; en d'autres termes seule « l'intelligence » peut nous conduire à la vérité: « Je doute, je démontre, et pendant ce temps, Dieu attend » (V. Citot 2005, p.55).

La nouvelle compréhension du monde inaugurée par l'héliocentrisme couplée avec la confiance dans le « je » sont les principes porteurs de la révolution industrielle née au XVIIIe siècle en Europe occidentale et qui est le summum de la Modernité, la pleine expression de la science.

La science moderne a donc donné naissance à une nouvelle ère dans l'histoire de l'humanité: l'ère de la machine. Caractérisée désormais par l'application, la science a donné naissance à une infinité de machines qui permettent à l'homme d'effectuer avec plus de facilité ses activités. Rappelons que ce qui est convenu d'appeler « révolution industrielle » du XVIIIe siècle commence par la construction de la machine à vapeur en 1712 par T. Newcomen utilisable dans l'industrie et qui sera améliorée plus tard par James Watt (1712). Or qui parle de machine, parle aussi d'énergie pour rendre opérationnelles ces machines. Cette invention monumentale sera suivie par celle de la locomotive à vapeur, toutes deux dépendantes de la houille comme source d'énergie. Un peu plus d'un siècle après, en 1859, le pétrole jaillit en Pennsylvanie grâce au Colonel américain E. Drake qui réussit à forger le premier derrick (tour de forage)5 , les autres découvertes et inventions suivront.

Par cet engouement pour la science, durant deux siècles, l'humanité a bouleversé l'équilibre de la biosphère. Tous les déchets résultant de cet activisme technologique, ne pouvant pas être tous éliminés, sont délaissés dans la nature polluant les alentours des usines qui généralement sont installées dans les périphéries des villes où habitent les populations les moins nantis. Aussi les gaz très polluants tels le CO2 et le CFC, libérés par la combustion des énergies fossiles, ne croisent pas de frontières conduisant à une dégradation globalisée de l'environnement dont les répercussions sociales ne sont plus à démontrer. Dès lors la crise écologique est non seulement une crise environnementale mais aussi sociale par l'introduction des inégalités environnementales.

Bien entendu, identifier la révolution industrielle comme la cause des dégradations environnementales que nous essuyons aujourd'hui n'insinue pas un reniement des prouesses accomplies par l'humanité dans l'accroissement du confort dans tous les aspects de la vie notamment sanitaire, alimentaire, communicationnel, intellectuel, etc. grâce à la révolution industrielle; mais identifier la révolution industrielle comme cause de la crise écologique contemporaine revient plutôt à dire que la première cause qui à conduit à la crise écologique est, comme D. Méda (2012, p.2) écrit :« la focalisation de l'ensemble des énergies sur l'activité de production » et l'ignorance des conséquences à long terme d'un tel comportement sur l'environnement et le tissu social; J. M. Bergoglio (2013,p.93) ajoutera: « Ces problèmes (environnementaux et sociaux) sont étroitement liés à la culture du jetable dans laquelle nous

5Les grandes articulations historiques de la révolution industrielle nous ont été accessibles par le biais du lien http:// www.linternaute.com. Consulté le 20 mars 2016. Ces informations nous ont permis de mettre au jour, de façon chronologique les différentes révolutions scientifiques dans l'histoire couplées avec le harcèlement de l'environnement.

vivons » justement parce que la production y est surabondante. C'est de la connaissance de tous ces revers de la science moderne que le développement durable se pose comme le nouveau paradigme de développement pouvant sauver encore notre environnement.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle