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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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1.1.3- La saturation de l'environnement sonore

De la machine à tisser antique à la machine électronique moderne en passant par la machine à vapeur, la relation entre l'homme et les machines s'est consolidée. Ces machines/moteurs ont inauguré, avec leur considérable utilité à la vie de l'homme, une ère de bruit à telle enseigne que l'on puisse affirmer, sans euphémisme, avec V. Decleire (2006, p. 240) :« le bruit des moteurs est devenu l'une des composantes sonores emblématiques de notre société envahissant une bonne partie de notre environnement sonore »; en plus des moteurs qui constituent la majorité de notre environnement sonore, le génie technologique a rendu possible, ainsi qu'elle le dit: « les voix sans corps qui parlent et chantent par-delà le temps et l'espace» (V. Decleire, 2006, p. 240); E. Giuliani (2006, p.238) écrit: « les signes sonores de la technologie moderne - téléphones portables, montres à sonnerie automatique ou celles qu'une marque suisse fameuse agrémentée d'un tic-tac indélébile - ont enrichi la gamme des pollutions auditives ».

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La saturation sonore de notre environnement tout en étant un mal social, est une alarme qui interpelle sur les répercussions néfastes de la modernité sur l'homme et donc sur la société. Notons que le bruit est ici appréhendé comme l'ensemble des agitations bruyantes et désordonnées. Les répercussions négatives de cette pollution, tant ignorées restent pourtant réelles et très nocives. Elles sont d'ordres physiologique et psychologique. En effet d'après B. Leboucq (2006, p.232), la pollution sonore citadine frise les 90 décibels, or l'oreille souffre aux alentours de 110 décibels et les dommages définitifs de l'ouïe apparaissent quelques minutes après 115 décibels et la douleur s'établit à 120 décibels tout en sachant que l'ouïe se dégrade avant l'apparition de la douleur; étant donné que l'environnement sonore citadin se situe autour de 90 décibels, tout son, pour être audible, doit dépasser l'environnement sonore de 15 décibels c'est-à-dire doit atteindre 105 décibels avec l'oreille se dégradant à 120 décibels. Bref, ceci étant, plus de la moitié de la population mondiale cohabite le dommage de l'ouïe qui est un organe de sens indispensable à un jugement équilibré. La conséquence physiologique directe de la pollution sonore reste la perte de l'ouïe qui entraine une augmentation toujours croissante du bruit.

Nous vivons constamment dans le bruit, il suffit de penser à une journée de travail normale pour que nous nous rendions compte de la quantité de bruit que nous cohabitons. E. Giuliani (2006, p.235) écrit:

Après un claquement de porte et un vibrato d'ascenseur, vite oubliés, me voici dans la rue. D'une sonnette guillerette et écologique, une voisine vélocipédiste avertit les passants encore embrumés de sa trajectoire sillonnante entre trottoir et chaussée. Son allègre civisme antipollution et antibruit est vite laminé par le fracas des embarras de la circulation urbaine. Ici un automobiliste, déjà agressif, teste sur tout un chacun son trompetant klaxon ; là, le camion des poubelles siffle, ronronne, éructe pour signaler ses manoeuvres de pachyderme. Plus loin, un motocycliste pétaradant - existe-t-il une autre catégorie de motocycliste ? - cloue le bec à toute la gent à moteur. Je me réfugie dans un autobus, accueillie par le tintement argentin de la machine à contrôler les cartes de circulation. Plus virile et métallique semble la décharge de l'appareil à composter, destinée aux voyageurs munis de tickets. Ma ligne étant fort perfectionnée, une chaleureuse voix féminine (certes synthétique) annonce scrupuleusement chaque arrêt. Pour l'accompagner, les usagers exhibent les performances de leurs téléphones mobiles ou de leurs baladeurs numériques. (...)Studieuse sans doute, silencieuse sûrement pas, l'atmosphère du « bureau » où je m'installe résonne de mille bruits insistants, insinuants, stressants à la longue. De ceux dont on dit que « ça fait du bien quand ça s'arrête ! ». Je me sens comme prise dans une centrifugeuse sonore : le ronronnement des ordinateurs, le téléphone, les rappels à l'ordre des photocopieuses lorsque « l'original est oublié sous le capot », les diverses alertes informatiques et autres messages d'erreur qui, gentiment mais bruyamment, vous préviennent de l'arrivée d'un e-mail ou d'une frappe erronée sur le clavier... Pour échapper à cet arrière-plan bourdonnant, un petit tour de « shopping » à l'heure du déjeuner livre mon oreille à d'autres épreuves. L'attrait champêtre d'une petite robe d'été repérée dans une vitrine est aussitôt démenti par le bombardement sauvage des haut-parleurs qui truffent la boutique et déversent un flot de notes hyper-amplifiées.

Le bruit est considéré comme une pollution dans une certaine mesure; et comme le note C. Grino (2001, p. 41) :

L'environnement est un mot dont l'origine anglo-saxonne signifie «milieu ». Il est introduit en France en 1927 par le géographe français Vidal de La Blache et désigne dans son acception écologiste le cadre de vie, c'est-à-dire l'ensemble des conditions externes qui rendent possible et conditionnent l'existence des êtres vivants, d'une population, d'une communauté, y compris des sociétés humaines. Le terme « environnement » suppose un sujet placé au centre, qu'entoure l'environnement. Il met donc directement en rapport l'environné avec son milieu. L'environnement dont il est question dans les discours écologistes est celui de l'homme, non du lapin ou de la luzerne. Le bruit par exemple est souvent dénoncé en tant que pollution sonore, alors qu'il ne constitue pas un facteur de perturbation des écosystèmes. Il ne devient une pollution qu'en référence à l'environnement humain.

Le bruit ne serait donc pas objet de notre réflexion s'il suffisait de montrer qu'il contribue à la perte de l'ouïe et par conséquent à une surdité mondiale. Le bruit nuit à l'humanité du fait qu'il est l'agent principal qui maintient le monde dans une voie qui est responsable de la dégradation écologique et dont nous essuyons déjà les conséquences. C'est-à-dire que le consumérisme qui est le maitre-mot de la modernité et de la postmodernité a été et reste encore divulgué par le truchement des « voies sans corps» qui identifient besoin et plaisir conduisant à une consommation sans raison ni limite; elles sont les principales voies de divulgation d'un mode de vie irresponsable principalement par le truchement des publicités et de la célébration d'un mode de vie occidentalisé tel que le note D. Tabutin (2000) et qui est responsable de l'aggravation de la crise écologique. Abondant une fois encore dans le même sens, E. Giuliani (2006) affirme que de sérieuses études en marketing ont révélé une corrélation favorable entre la diffusion de la musique et le taux d'achat des clients. La musique en particulier apparaît ici comme une drogue dont le but est de limiter le raisonnement logique sur les choix nécessaires pour laisser libre cours au désir afin de n'opter que pour le plaisant plutôt que le nécessaire; une façon de taire la délibération. En plus du conditionnement psychologique dont est responsable le bruit et qui conduit à l'obstination sur la consommation, le bruit, qu'il provienne des moteurs ou machines, présuppose une consommation d'énergie; par conséquent, l'augmentation du bruit dans l'atmosphère ambiante due à la surdité généralisée présuppose également une augmentation de la consommation énergétique déjà inquiétante.

Plus qu'un danger physiologique, l'environnement sonore, comme explicité plus haut, est une drogue subtile qui éloigne du nécessaire vers le plaisant et donc capable de mettre en danger l'humanité tout entière par des options peu réfléchies tant individuelles que communautaires qu'il inspire.

La saturation atmosphérique, les pollutions de l'eau et de l'environnement sonore, bien qu'ayant une responsabilité importante dans l'avènement de la durabilité, n'en sont pour autant pas les seuls facteurs ; l'épuisement des ressources, très inquiétant, en est un aussi.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe