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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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7.3- La transition écologique

Méconnu et ne figurant pas parmi les pays les plus développés au monde, le Bhoutan encore appelé DrukYul ( la terre du dragon) se fait distinguer par la résistance qu'elle adresse au reste du monde concentré sur le PIB, indicateur conventionnel de développement, quand le BNB, base du bonheur et de la cohésion des peuples, est l'indicateur en vigueur dans ce pays. Ce pays qui intéresse de plus en plus les écologistes, est de nos jours l'exemple palpable que l'option de l'écologie comme orient, est possible à l'échelle étatique et par analogie à l'échelle mondiale aussi.

Reconnu plutôt comme un royaume, le Bhoutan est enclavé entre l'Inde et la Chine (région autonome du Tibet) avec une superficie de 46 500 km2 (L. Reuter 2009, p.18). Très conservateur, le Bhoutan reçoit sa renommée de son état; malgré les différentes mutations aussi bien politique, économique que sociale qui ballotent le monde entier, le Bhoutan reste focalisé sur ce qui le caractérise: le bonheur de ses habitants par le biais d'un équilibre économie-environnement-société extraordinaire. A en croire L. Reuter (2009, p.18) : « le Bhoutan est un des pays les plus énigmatiques au monde. Malgré différentes décisions politiques prises depuis les années 1960 pour « ouvrir » le pays et le sortir de son isolement, il reste toujours entouré du« mythe »d'être le dernier « Shangrila », le « paradis terrestre » ».

Sur le plan économique notons que l'économie du Bhoutan est l'une des moins développée de la planète. L. Reuter (2009, p.18) écrit:

Elle est fondée principalement sur l'agriculture et l'exploitation forestière - qui fournissent un moyen de subsistance à plus de 90% de la population- et sur la vente à l'Inde d'électricité d'origine hydrodynamique. L'enclavement du pays limite non seulement le développement et la construction de routes et d'infrastructures, mais rend également l'agriculture et l'élevage très difficiles. Par conséquent, la survie économique est basée sur de forts liens commerciaux avec l'Inde et une certaine dépendance de leur aide financière. Le secteur industriel est technologiquement très en retard avec une prédominance d'ateliers familiaux.

En d'autres termes nous dirions que le Bhoutan est situé dans des conditions extrêmes qu'un pays puisse expérimenter. Dans ces conditions géographiques extrêmes, l'amorce d'un développement au sens courant du terme, ne pourrait se faire sans destruction d'une grande partie de ce paradis naturel considéré par la modernité comme entrave au développement. Il

suffit de se faire à l'idée les étendues de terres et surtout les écosystèmes qui sont détruits chaque année pour la construction des routes et aéroports, d'usines et de villes. E. Bonnefous (1973, p.22) écrit: « chaque année des dizaines de millions d'hectares de sols productifs sont dévorés par les routes, les usines, et les villes ». Ceci, une fois encore, met plus de lumière sur les dégâts causés par le développement sur les écosystèmes et donc sur l'équilibre de la biosphère tout entière.

Ces conditions extrêmes qui sont celles du Bhoutan, conditions considérées comme causes de pauvreté dans certains pays, constituent en fait un levier pour le bien être de sa population et du monde entier.

Pour L. Reuter (2009, p.18), amorcer un développement en préservant « l'intégrité de l'environnement et de sa culture » n'est certes pas facile surtout dans un contexte où le monde entier veut tout quantifier. Avec un relief hostile allant de +97 à +7553m, le Bhoutan est un des écosystèmes les plus préservés du monde avec 5500 espèces végétales dont environ 300 plantes médicinales, 750 espèces d'oiseaux et 165 mammifères. D'où lui vient la force qui maintient le Bhoutan dans la droite ligne de la préservation de l'environnement et la culture du bonheur plutôt qu'à la course capitaliste?

La première force d'une telle option, c'est la volonté politique. Le Bhoutan n'a pas depuis toujours eu comme indicateur le BNB; en effet ce fut depuis 1972 que, sous l'impulsion du roi Jingme Singye Wangchuck, qui estima que les indicateurs conventionnels étaient inadéquats pour mesurer le bonheur des populations, ce concept vu le jour. Bien que le Bhoutan soit le seul pays où le bouddhisme tantrique soit la religion d'Etat et que l'on puisse croire que le BNB ait des présupposés bouddhistes tel que la recherche du nirvana, cet antécédent religieux n'infirme en rien la place capitale qu'occupe la volonté politique dans une telle option puisse que tous les pays à majorité bouddhiste ne sont pas autant engagés envers l'environnement; ce qui nous permet de déduire que chez les Bhoutanais, une rationalité environnementale qui surpasse les présupposés religieux est bien enracinée; la Chine est un exemple palpable en ce domaine. Une fois encore est réaffirmée ici la nécessité de revenir aux valeurs qui donnent sens à la vie telles que la culture de la paix et du bonheur faisant ainsi appel à D. Méda (2012) qui n'a cesser de marteler en reprenant M. Weber (1964) que la passion de l'enrichissement est issue de la conversion des énergies spirituelles vers l'ici-bas.

La deuxième raison de l'efficacité de cette option, est l'adhésion des Bhoutanais à un tel idéal. Attentive et informée grâce à une démocratisation bien élaborée du débat écologique, les Bhoutanais ont épousé sans tarder cette philosophie. L'on pourrait une fois

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encore interpréter l'adhésion de la population aux idéaux environnementaux comme une dictature qui ne dit pas son nom; mais si tel fut le cas, la tendance aurait probablement changé depuis la démocratisation du pays en 2005. Autrement dit nous voyons là une adhésion totale de la population aux valeurs telles que le bonheur, le bien-être environnemental la culture de la paix etc. Cette adhésion sociale au BNB se fait ressentir à travers des actes tels que la préservation des réserves écologiques malgré la situation économique très complexe et de laquelle la population pourrait échapper par la vente clandestine des ressources forestières telles que c'est encore le cas dans nombre de pays aujourd'hui.

La force de l'adhésion des Bhoutanais aux valeurs environnementales se comprend par la compréhension du bien fondé d'une telle option ; et nous pouvons indexer, une fois encore, le bouddhisme d'être à l'origine de la construction d'une telle hygiène de vie ce qui laisse voir que la compréhension de l'intérêt de la préservation de l'environnement est un pilier très important à la construction d'une justice environnementale participative; sans cette dernière, la volonté politique ne pourrait pas à elle seule arriver aux fins escomptées ce qui est le cas dans la majorité des pays où le développement durable, ne parvient pas à prendre forme dans les habitudes des différentes populations à cause de l'intérêt mal compris.

Bref, la justice environnementale participative n'est possible que dans la satisfaction de trois conditions. D'abord une volonté politique pilotée par les dirigeants animés par les idéaux de la durabilité; Cette première condition est réalisable grâce à l'adhésion des populations qui à leur tour agissent de façon responsable en faveur de l'environnement; cette responsabilité se matérialise par un engagement concret reflété dans les actes quotidiens et qui manifestent la protection de l'environnement. Même si des poches d'inégalités environnementales demeurent encore au Bhoutan, il demeure toujours un exemple admirable sur le chemin de la participation environnementale.

Tout ceci confirme notre troisième hypothèse qui émettait l'idée selon laquelle une solution à la crise écologique reste néanmoins envisageable dans la mesure où, ceux qui réclament justice participent non seulement à la délibération mais aussi à la restauration des qualités environnementales.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon