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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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Chapitre 7 : La justice environnementale participative : condition de possibilité de la durabilité

7.1-La participation

Dans un contexte contemporain où la protection de l'environnement fait partie intégrante de la vie de la société, la justice classique d'origine aristotélicienne n'est pas à la hauteur des défis contemporains; ainsi la justice environnementale se veut un dépassement des limites anthropocentrique et géographique de la justice Aristotélicienne. Ses grandes orientations sont généralement regroupées sous trois grands aspects: la légalité qui est du ressort du droit de l'environnement consacré à la légifération dont nous avons fait mention dans les paragraphes précédents; la justice environnementale distributive essentiellement orientée vers l'équité des bienfaits des qualités environnementales; et la justice environnementale correctrice tournée vers la réparation des dommages causés à l'environnement. Ces trois aspects de la justice environnementale sont soutenus par la justice environnementale participative qui exige un ordre sociopolitique permettant aux citoyens de prendre part au débat écologique et de participer à la délibération11.

La justice environnementale participative, telle que le note C. Larrère (2017), implique une réflexion sur l'égalité tout en faisant attention à ne pas construire un égalitarisme réducteur et autoritaire. Cette plausible confusion prend naissance à partir de la question: qui appelons-nous défavorisé? Ce sont des personnes qui manquent de ce que J. Rawls (1971) appelle les « biens primaires» qui sont des biens accessibles et nécessaires à tout citoyen libre. Ainsi concevoir l'égalité seulement sur la base des biens primaires est une conception réductrice car n'embrassant pas toute la compréhension de l'égalité et autoritaire car reléguant au second plans les personnes qui ne jouissent pas « des capabilités de base », pour parler comme A. Sen (2000), c'est-à-dire de ceux qui souffrent de handicap physique ou social; parler de justice revient donc à prendre en compte tous ces paramètres en donnant à chacun les moyens de se réaliser dans son être. Autrement dit, la démarche de la participation a en vue de faire de chaque individu l'agent de sa situation.

11Les trois aspects de la justice environnementale sus-cités notamment: la légalité, la justice distributive et réparatrice, sont tirés du cours inédit de théorie de la justice environnementale du Professeur K. Kouvon, 2016. En effet, ces trois aspects, loin d'être autonomes les uns des autres, constituent les pièces d'un puzzle dont le manque d'une seule saboterait la cohérence. Dans un contexte contemporain marqué par la dégradation de la biosphère couplée des diverses sortes d'injustice avec lesquelles l'humanité veut découdre, la justice environnementale dans ses trois aspects, est une pièce capable de soutenir le projet de la justice classique aristotélicienne.

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La justice environnementale participative consiste finalement : « pour ceux qui réclament la justice environnementale, d'être en capacité effective de décider» (C. Larrère, 2017, p.26). Allant au-delà de la simple décision, ainsi qu'elle insiste, la participation est plus une réappropriation active d'espaces communs. Précisément:

Il ne suffit pas, pour éviter les inégalités environnementales, que dans les objectifs des éco-quartiers, il y ait la mixité sociale, ou que la restauration des quartiers défavorisés inclut un volet de restauration écologique (...) le modèle d'égalité pour confronter et corriger les inégalités environnementales n'est pas seulement à rechercher du côté d'une réduction de l'échelle des revenus ou des patrimoines, mais dans le développement des pratiques collectives et des usages communs.(C. Larrère, 2017, p.26).

La fin ultime de la participation, c'est l'implication disciplinée de l'individu dans la lutte pour son bien-être global dans un environnement sain. Mais pour que cela soit possible, il convient de rappeler que trois maillons restent indissociables dans cette procédure. Comme le notent Jérôme Ballet, Damien Bazin et Jérôme Pelenc (2014, p. 10) :

La mise à disposition de l'information sans laquelle l'individu ne peut établir un choix raisonné ; être partie prenante sans quoi il ne peut exprimer les raisons qu'il a de valoriser tel ou tel objectif et ne peut contrôler la procédure qui permet les choix ; la coproduction d'information scientifique qui renvoie à la fois au fait de contrôler la procédure mais aussi au pouvoir effectif d'atteindre les objectifs.

Dans ce contexte la responsabilité revient au fait que tout acte reflète l'obligation de la préservation de la vie, ce qui renvoie en même temps à une attitude de durabilité qui consiste à préserver l'équilibre économie-société-environnement. La participation n'est donc que la conséquence d'une application conjointe de la durabilité et de la responsabilité ; c'est cette relation intrinsèque que remettent en exergue B. Ouchene et A. Moroncini (2016, p.20) quand ils notent: « (...) La relation est réciproque dans le sens où la durabilité débouche sur la responsabilité et, que la responsabilité implique la durabilité » ; responsabilité ici comprise au sens jonasien comme l'exigence « qu'un tel monde doive exister à jamais dans l'avenir-un monde approprié à l'habitation humaine- et que toujours à l'avenir il doive être habité par une humanité digne de ce nom » (H. Jonas, 1990, p. 38).

De cette application conjointe de la durabilité et de la responsabilité, naîtra une nouvelle façon d'exister au monde qui est celle de l'implication de tous dans la préservation de l'environnement pour une vie qualitative aussi bien pour nous, générations présentes que pour les générations futures.

Cet engagement se traduit d'ailleurs dans les gestes les plus simples de la vie quotidienne comme acheter des oranges. F. Baddache (2006, p.16) note:

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Il y a plus d'une façon d'acheter des oranges; j'achète les oranges selon l'approche traditionnelle. Si je fais attention à la dépense : j'achète les oranges les moins chères, en les choisissant de préférence de qualité. C'est l'argument qui prévaut. Si je veux me faire plaisir: j'achète les meilleures oranges, sans regarder leur prix, ni leur provenance, sans me demander non plus si c'est la saison des oranges. C'est une approche hédoniste.

Maintenant, j'achète des oranges selon l'approche du développement durable. Les arguments de l'approche traditionnelle restent valables: je peux tout à fait baser mes achats sur la recherche du meilleur rapport qualité/prix, ou sur la recherche du plaisir. Mais d'autres paramètres viennent nourrir ma réflexion avant l'achat. J'intègre désormais dans ma réflexion des critères environnementaux et sociaux. Ainsi, je m'interroge: dans quelles conditions ces oranges ont-elles été plantées et récoltées? Les travailleurs étaient-ils des ouvriers venus d'Afrique du Nord pour travailler dans des plantations du Sud de l'Europe où ils sont payés une misère et traités comme des moins que rien? Dans quel respect de l'environnement ces oranges ont-elles été produites? A-t-on utilisé pour ce faire des tonnes de pesticides et d'engrais? D'où viennent ces oranges? Si elles proviennent de l'autre bout du monde, les longues distances du transport ont sans doute été la source d'importantes émissions de gaz qui aggravent le réchauffement climatique.

Voilà comment nous pouvons participer à la justice environnementale. Ce qui conduit à ce que F. Baddache (2006) appelle la consom'action c'est-à-dire l'implication des individus, dans la préservation de l'environnement et aussi dans la lutte pour l'égalité des chances afin que tout homme, où qu'il soit, puisse subvenir à ses besoins et répondre ainsi à sa responsabilité envers les générations à venir; tel qu'il le dit: « la consom'action c'est tout simplement une consommation responsable, qui prend en compte à la fois la société dans laquelle nous vivons, et le statut d'acteur économique qui revient à tout acheteur »F. Baddache ( 2006, p.151). Ceci étant, limitant les risques de pollution, la consom'action introduit le concept d'égalité permettant à chacun de tirer équitablement profit des qualités environnementales tout en participant à la préservation de la nature.

Mais pour que cette participation fondée sur les capabilités individuelles, pour parler comme A. Sen (2000), nécessite une attention particulière au débat public afin qu'émergent les valeurs d'engagement commun. Jérôme Ballet, Damien Bazin et Jérôme Pelenc (2014, p. 10) le notent si bien:

Une attention particulière doit donc être accordée au rôle du débat public, aux espaces de discussions et aux possibilités d'interactions sociales itératives pour l'émergence de valeurs et d'engagements communs. Les capabilités collectives émergent de ces interactions sociales et sont différentes de la somme des capabilités individuelles. Elles permettent d'atteindre des objectifs que les capabilités individuelles ne garantissent pas de réaliser. La capacité d'agence collective ou la capacité d'un groupe à agir ne vise pas seulement à changer le niveau de bien-être de ses membres, mais aussi à favoriser le changement dans la société.

Bien que les intérêts des Etats altèrent souvent l'efficacité de la justice environnementale participative, l'ouverture d'un débat public sur les qualités

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environnementales reste l'une des voies qui pourrait mener un mieux-être de notre maison

commune.

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