6.2- De la durabilité à la
responsabilité pour une justice environnementale
Apparu dans les années 1990 après le rapport
Brundtland, « la durabilité» en tant que concept voulait
exprimer de façon succincte, l'essentiel du rapport Brundtland à
savoir la juste articulation entre les aspects social - économique -
environnemental. A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.9) affirment: « la
durabilité se définit comme étant un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la
possibilité, pour les générations à venir, de
pouvoir répondre à leurs propres besoins».
Mais tel que nous l'avons démontré, les
dégradations environnementales n'ont cessé de battre les records
malgré « le sommet sur la terre» en 1992 suivi des 22
Conférences des Parties depuis 1995 dont l'objectif spécifique
était de réduire les effets nocifs des activités
anthropiques sur le climat. Tout porte donc à croire que la
durabilité tel qu'énoncée clairement dans le rapport
Brundtland n'est pas assez efficace pour apporter des solutions
adéquates aux crises environnementales; D. Bourg (2012, p.4)
renchérit ce présupposé en affirmant:
Le développement durable n'est pas un concept
opératoire pour faire face aux défis globaux auxquels doivent
répondre les sept milliards d'êtres humains mais, au contraire,
une déclinaison du conformisme, une manière de nous cacher,
encore une fois, que nous sommes devant une « cascade de finitudes
».
L'égalité des chances et l'équité
de la dette écologique ne se limitent pas à nous seules
générations présentes mais doit aussi s'étendre aux
générations futures et à leur avenir. Or parler des
générations à venir relève de la dimension de la
responsabilité et non de la simple durabilité; car, alors que la
durabilité est une pensée pieuses envers les
générations futures et aussi présentes, la
responsabilité quant à elle, comme l'énoncent Moroncini et
B. Ouchene, (2016, p.9) : « est le fait de devoir répondre de ses
actes ou d'avoir des décisions à sa charge, la
responsabilité joint l'acte à la parole; la responsabilité
est également synonyme d'obligation, de devoir d'assumer et de s'assumer
». Quant à l'avenir de ces générations futures dont
il s'agit, tel qu'ils le réitèrent: « l'avenir dont nous
parlons quand on évoque la responsabilité envers les
générations futures est l'avenir de ceux et celles qui ne sont
pas encore nés» (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7). En
d'autres termes, les générations avenir, selon ces auteurs, tout
comme H. Jonas (1979) l'avait précisé, sont celles qui ne sont
pas encore nées peu importe l'espace chronologique qui les sépare
de nous.
L'une des spécificités de la durabilité
est l'attachement encore remarquable envers la croissance économique.
Ayant révélé sa faiblesse, la durabilité encore
économique, doit laisser place à l'impératif
éthique d'Henry « le principe de copropriété ».
Selon ce principe,
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les générations présentes n'ont pas le
droit de désapproprier les générations futures pour
satisfaire à leurs besoins ; mais s'il arrivait que s'opère un
excès de ce type, les générations présentes doivent
oeuvrer à garantir un niveau de vie équivalent à celui que
pourraient avoir les générations à venir si aucun
excès n'advenait. (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016, p.7) notent:
Les générations présentes ne peuvent donc
exproprier les autres générations qu'à condition de leur
garantir une compensation suffisante, afin de les faire accéder au
niveau de bien-être auquel elles se seraient trouvées en l'absence
de l'altération. Analyser la portée d'un tel principe signifie
que, seules des négociations en vue d'une utilisation commune
permettraient d'atteindre des solutions aptes à réconcilier les
intérêts économiques et écologiques de toutes les
générations.
Dans ce processus, les générations futures sont
absentes et il revient aux générations présentes de faire
leur plaidoyer afin de leur garantir un avenir meilleur d'où
l'importance de la notion de responsabilité qui s'exprime pleinement en
tant qu'éthique et comme le disent une fois encore A. Moroncini et B.
Ouchene (2016, p.8) :« c'est en cela que toute réflexion sur la
durabilité débouche sur la question de la responsabilité
sur la condition des générations futures»
La spécificité de l'éthique de la
responsabilité est l'ouverture de la responsabilité
au-delà des frontières du présent dans un monde où
les répercussions des activités anthropiques se
révèlent à long terme en ne prenant pour exemple que les
bombes de Hiroshima et Nagasaki qui ont fait des milliers de morts et dont les
effets nocifs continuent jusqu'aujourd'hui; les déchets
nucléaires dont la radioactivité s'étend à des
dizaines de milliers d'années, etc. Autant d'inquiétudes pour
faire appel à la responsabilité; H. Jonas (1990, p.88)
écrit:
Or même en morale traditionnelle il existe
déjà un cas de responsabilité et d'obligation
élémentaire non réciproque (qui émeut
profondément même le simple spectateur) qui est reconnue et
pratiquée spontanément: celle à l'égard des
enfants qu'on a engendré, et qui sans continuation de
l'engendrement par la prévision et la sollicitude devrait périr.
Sans doute se peut-il qu'on attende d'eux un service rendu en échange de
l'amour et de la peine pour le temps de sa propre vieillesse, mais cela n'en
est certes pas la condition et moins encore celle de la responsabilité
reconnue à l'égard et qui est au contraire inconditionnelle.
A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.8) ajoutent:« en
introduisant l'idée d' "éthique de la responsabilité", H.
Jonas (1990) a voulu élargir la dimension spatio-temporelle
limitée de la responsabilité classique ». Alors:
Quel héritage allons-nous léguer à ceux
qui viendront après nous? Que faire des déchets produits et de
ceux que nous continuons de produire ? Les enfouir, n'est-il pas une
façon facile
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de fuir nos responsabilités? Opter aujourd'hui pour
cette méthode de traitement des déchets, sera-t-il sans danger
pour les générations futures ? (A. Moroncini et B. Ouchene, 2016,
p.8).
Autant de questions qui surpassent la dimension de
l'idée pieuse et font appel à l'action, à la
responsabilité. Contrairement à la durabilité
fondée sur le rapport Brundtland et qui a échoué à
cause de ses contradictions, la responsabilité dont la mission est de
pallier aux manquements de la durabilité, se veut un appel à tous
et un engagement de tous pour le mieux être de la biosphère et la
garantie de la vie tant présente que future. C'est par cet engagement
pour les générations futures que nous parviendront à la
justice environnementale.
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