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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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6.1- Les fondements de la responsabilité envers les générations futures

L'engagement pour les générations futures trouve son fondement dans la prise de conscience des impacts négatifs du développement sur la nature et donc des dangers potentiels qu'engendrent les activités humaines sur la vie des générations présentes et futures. Précisément ce fut au XIXe siècle que ces préoccupations font surface et prennent définitivement forme au XXe siècle avec le Club de Rome qui proclame « la croissance zéro ». C. Gollier (2010, p. 218) écrit:

Pendant des dizaines de milliers d'années, les activités humaines n'avaient qu'un impact marginal sur l'environnement. Le cycle de la vie semblait se répéter de façon immuable : les historiens nous ont appris que la croissance économique a été quasiment nulle entre le néolithique et le début du XIX siècle. Ainsi l'être humain n'a-t-il pu développer une conscience de sa responsabilité envers les générations futures que fort récemment, dès lors qu'il a pris conscience du fait que son développement rapide risquait de se faire au détriment de celui des générations à venir.

Notons que si chez C. Gollier (2010) la question des générations futures se justifie par la prise de conscience des dommages causés à la nature par les activités anthropiques et dont les répercussions menacent déjà les générations présentes et à venir par la suite, ce qui est qualifié d' « éthique traditionnelle » par H. Jonas (1990); d'après ce dernier, le souci des générations futures se justifie par « un comportement parfaitement désintéressé face à une progéniture non encore autonome et non le rapport entre adultes autonomes » (H. Jonas, 1990, p.88). Mais, cette nouvelle configuration de l'éthique qu'apporte H. Jonas (1990) qui prétend transcender le souci des conséquences néfastes de l'industrie, a pourtant partie liée avec ces dernières. Car même si H. Jonas (1990) parle du désintérêt comme fondement de la responsabilité, le concept de « responsabilité» a émergé dans le contexte de la crise environnementale contemporaine et se comprend en tant que « panacée» du long terme dans un contexte où la révolution scientifique, augmentant l'impact de l'homme sur la nature et les conséquences à long terme, implique des préoccupations qui dépassent l'ordre de l'immédiateté d'où A. Moroncini et B. Ouchene (2016, p.10) affirment:

Voilà donc que nous apparaissons désormais responsables, ou du moins coresponsables, d'une action collective dont les développements et les effets nous sont largement inconnus ; voilà que se trouve brisé le cercle de proximité qui m'obligeait seulement à l'égard du proche et du prochain, et distendu le lien de simultanéité qui me faisait comptable des effets immédiats, ou à tout le moins voisins, des actes que je posais aujourd'hui.

Bien que le souci pour les générations futures s'apparente au souci que se fait un parent pour son enfant, il faudrait noter une différence entre ces deux responsabilités. En effet,

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la responsabilité d'un parent face à son enfant qui vit déjà avec ses droits qui font face aux devoirs du parent à son égard est parfaitement fondée du fait que le parent est l'auteur direct de la vie de l'enfant et est par conséquent tenu par devoir moral d'en prendre soin. H. Jonas (1979, p.89) écrit:

L'obligation de prendre soin de l'enfant que nous avons engendré et qui existe maintenant se laisse parfaitement fonder, même sans recourir à la stimulation du sentiment sur la base de la responsabilité effective contractée du fait que nous somme l'auteur de son existence et ensuite du droit qui appartient maintenant à cette existence - donc en dépit de la non-réciprocité elle découle du principe classique des droits et des obligations bien que dans le cas présent ceux-ci soient unilatéraux.

Le souci pour les générations futures se distingue de celui pour de la progéniture directe ou mieux de celle d'un père pour son enfant du fait qu'ici, les générations futures dont il est question ne sont pas encore effectives et de surcroît, tout le monde est obligé d'en être auteur et donc responsable; c'est dans ce contexte que se justifie le désintérêt vis-à-vis des générations futures que nous avons souligné plus haut. C'est de cette responsabilité qu'il s'agit quand on parle de la responsabilité envers les générations futures. H. Jonas (1979, p.89) renchérit:

Mais autre chose que l'obligation résultant du fait d'être auteur d'une existence qui nous fait face avec ses droits, serait l'obligation de devenir auteur, d'engendrer des enfants, celle de la procréation en tant que telle: si elle existe, cette obligation est incomparablement plus difficile à fonder et en tout cas elle ne peut pas être fondée sur le même principe (...) or c'est d'une obligation de ce type qu'il s'agit avec l'obligation à l'égard de l'humanité future, car elle veut dire en premier lieu que nous avons l'obligation de l'existence de l'humanité future - indépendamment même de la question de savoir si notre propre postérité en fait partie- et en second lieu il s-agit de l'obligation de son être-tel.

Ce devoir nous incombe, nous générations présentes car nous sommes les héritiers de nos prédécesseurs et il est pour nous un devoir de garantir un avenir meilleur à ceux qui viendront après nous. Désormais, tel que S. Ferrari (2010, p.6) le note: « la responsabilité trouve maintenant sa source dans le futur et non plus dans des obligations passées ou présentes ». Et cette responsabilité passe obligatoirement par la diminution de l'ampleur de nos activités qui dégradent l'environnement et la régulation des inégalités. Tel qu'elle le dit:

L'origine de ce changement d'éthique réside dans les menaces issues de la puissance de la technologie engendrée par l'homme. La limitation de l'agir humain résulte de l'obligation que nous avons à l'égard de l'avenir qui nous oblige à être responsable aujourd'hui (...) Dans un tel contexte, la nature de la responsabilité est directement liée au pouvoir de l'agir humain devenu dangereux pour l'espèce humaine du fait de la puissance de la technique qu'il a créée. L'homme contrôle la nature à l'aide de techniques qu'il ne contrôle pas. L'exemple le plus marquant est celui révélé par l'impact d'origine anthropique sur le climat, exemple qui révèle l'incapacité des sociétés à assurer leur responsabilité en matière environnementale. (S. Ferrari, 2010, p.6).

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L'agir humain dont il urge de limiter l'impact sur l'environnement a pour conséquence, la dégradation du capital naturel nécessaire à la satisfaction des besoins des générations futures conduisant, au cas contraire, à une injustice environnementale. C'est fort de cette évidence qu'il faudrait sacrifier les générations présentes, sacrifice bien sûr au sens de S. Ferrari (2010, p.8): « s'il y a sacrifice au sens de réduction de la consommation aujourd'hui». Dans le même temps, avec le même auteur, cela implique de revoir l'interprétation de la durabilité du développement: « il s'agit en fait de considérer qu'il peut y avoir simultanément non-décroissance du bien-être et décroissance de la consommation pour les générations présentes les plus favorisées ». Tout ceci, dans le souci de réduire l'injustice environnementale car, la réduction de la consommation entraine obligatoirement la baisse de la production et un gain pour la nature et par conséquent une assurance pour les générations futures dans la pleine réalisation de leur humanité. Bien que les pays développés soient ici indexés, il faut aussi insister sur la limitation des ardeurs consuméristes dans les pays en voie de développement pour qui l'objectif est de ressembler aux pays développés.

Le lien entre générations présentes et futures n'est plus à démontrer; l'impératif jonasien : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre» (IT. Jonas, 1990, p.89) le résume; ceci implique également un engagement de la part des politiques qui doivent aussi oeuvrer à cette fin.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci