Partie I:
Les fondements de la durabilité
7
Dans cette première partie intitulée les
fondements de la durabilité, notre travail a consisté
à rappeler les fondements du développement durable permettant de
mieux cerner le contexte d'émergence de la durabilité et ses
enjeux. En effet, il s'est agit pour nous de répondre à notre
première question spécifique qui est: au nom de quels fondements
peut-on s'employer à comprendre la configuration de la
durabilité?
Les signes précurseurs de la durabilité en tant
que paradigme de développement, d'après nos recherches, se
regroupent en quatre faits complémentaires à savoir: une
surexploitation de la nature conduisant à l'altération de la
capacité de la planète à reproduire les conditions de son
équilibre, le réchauffement de la planète et les
inégalités environnementales. C'est dans ce contexte de crise
écologique qu'émergera plus tard la durabilité comme la
solution pouvant garantir un mieux être de l'homme en relation avec son
écosystème.
Pour élucider ces propos, nous avons structuré
notre première partie est deux chapitres; dans le premier chapitre
intitulé les signes précurseurs de la durabilité,
nous nous sommes appesanti sur la surexploitation de la nature qui a conduit
à l'altération de la planète à reproduire les
conditions de son équilibre; altération qui se manifeste par
l'épuisement des ressources, les pollution de l'eau, de l'air, de
l'environnement sonore; la destruction de la couche d'ozone, la pression sur
les écosystèmes.
Dans le second chapitre intitulé la conscience
écologique et la construction conceptuelle de la durabilité,
eu égard aux dérèglements de la biosphère auxquels
nous avons fait allusion au premier chapitre, nous avons mis en exergue
l'impact de la prise de conscience du mal-être de notre biosphère
qui s'est manifestée par la tenue des différentes
conférences sur l'environnement et finalement à la naissance
théorique du développement durable.
8
Chapitre1- Les signes précurseurs de la
durabilité
1.1- Les dérèglements de la
biosphère
1.1.1- L'effet de serre
La question de la crise écologique dont nous nous
proposons de rappeler les fondements, s'appréhende
généralement sous deux aspects essentiels ; la
préoccupation liée à la biosphère dans un premier
temps et celles liées aux ressources d'autre part. D. Bourg (2012, p.8)
écrit:
Il y a deux aspects essentiels sur le plan environnemental
aujourd'hui: D'une part, les questions liées aux
dérèglements de la biosphère : changement climatique,
érosion de la biodiversité- qui n'est pas tant la
réduction du nombre d'espèces que l'appauvrissement
génétique au sein de chacune d'entre elles qui obère
l'aptitude du vivant à s'adapter-, cycle de l'azote, acidification des
océans, etc. (...). D'autre part, les questions liées aux
ressources, qu'il s'agisse des énergies fossiles, des minéraux,
de l'eau douce, des ressources biotiques et des grands services
écologiques.
La possibilité de la vie sur terre a une dette envers
l'atmosphère riche en oxygène mais aussi à la
température terrestre adéquate au foisonnement de la vie. L'effet
de serre est en effet un piège énergétique qui retient une
partie de l'énergie solaire reflétée par la terre dans
l'atmosphère de façon à maintenir la surface de la terre
à une température moyenne de 15° idéale à la
vie, au cas contraire elle serait de - 19°. J.-P. Déleage (1992,
p.224) écrit en ce sens:
(...)La terre est une machine thermique recevant en permanence
un flux de rayonnement solaire d'une puissance de 1,75.1014
kilowatts (175 milliards de KW, soit dix mille fois la consommation annuelle
d'énergie de toutes les sociétés humaines). L'albedo
terrestre moyen qui représente la part de cette énergie
directement réfléchie ou rediffusée vers l'espace, est de
30%. Les 70% restant animent la grande machine planétaire: vaporisation
des eaux océaniques ; chauffage différentiel des masses d'air
à l'origine des vents, photosynthèse.
Cette harmonie entre la terre et tous ses constituants nous
laisse dire, toujours avec J.-P. Deléage (1992) que la terre est un
être vivant qui interagit constamment avec son environnement
physico-chimique, formant avec lui un seul être vivant; interaction qui
rend encore possible la vie sur terre.
Cette harmonie semblait aller de soi jusqu'à
l'avènement de la société de consommation qui a
désorganisé le rythme de ces phénomènes naturels
;désorganisation qui s'explique par le fait qu'il y a désormais
un déséquilibre entre le style de vie très consommateur
d'énergies et très polluant d'une part et le rythme de
régénération des ressources naturelles et de
l'atmosphère d'autre part. A. Kiss (2005, p.85) écrit: «
l'avènement de la société de consommation a rendu
manifeste le déséquilibre entre ce style
9
de vie et les ressources naturelles de la planète
». Ce déphasage entre le style de vie et la disponibilité
des ressources naturelles, surtout en ce qui concerne les ressources
énergétiques fossiles, ne va pas sans incidence sur
l'atmosphère; en effet, dans cette course aux ressources, l'Organisation
de Coopération et de Développement Economique (OCDE)
prévient que d'ici 2050, si aucune disposition n'est prise, le
coût de l'inaction pourrait être énorme; car d'ici 2050, la
demande énergétique augmentera de 80% couverte essentiellement
par les énergies fossiles. La conséquence directe de cette hausse
de la consommation énergétique est l'impact sur l'effet de serre.
En effet, la combustion des énergies fossiles libère
différentes sortes de gaz nocifs dont les plus reconnus sont le dioxyde
de carbone (CO2) et les chlorofluorocarbones; ces gaz a effet de serre sature
l'atmosphère qui est naturellement doté de l'effet de serre
entrainant ainsi une augmentation sensible de la température terrestre
avec pour conséquence le refroidissement de la stratosphère qui
favorise la destruction de la couche d'ozone.
Ces préoccupations pour la pureté de l'air
prennent de l'importance à partir des années 1960 car l'on avait
une conception traditionnaliste de la pollution celle de la pollution
ponctuelle de l'air. Elle devient mondiale après le constat des
catastrophes naturelles telles que l'acidification et la mort des lacs, la
disparition des forets, les pluies acides etc. c'est ce que notifie J. Vernier
(2007, p. 24) : « l'acidification et la mort des lacs scandinaves ou
canadiens, la mort des forets par les « pluies acides» en ont
été témoins. En 1968, l'Organisation des Nations Unies,
soucieuse de la détérioration de l'espace humain,
décrète une conférence mondiale sur « le milieu
humain », ce qui rendu possible la conférence de Stockholm en 1972
; mais bien avant cette conférence, en 1968 les chefs d'Etats et de
gouvernements africains organisaient une convention sur la conservation de la
nature et des ressources naturelles; néanmoins, la conférence de
Stockholm reste le principal témoin de la prise de conscience mondiale
de la préoccupation environnementale.
Ces deux conférences avaient toutes le même
objectif qui est celui de prendre conscience des dégradations
environnementales en général et de la pollution
atmosphérique en particulier dont les principales causes, d'après
J. Vernier (2007, p.23) sont:
Les installations fixes de combustion (chauffage domestique,
centrales électriques thermiques, chaudières industrielles), les
transports automobiles et certains procédés de fabrication
industriels quant aux usines (cimenteries, production de gaz naturel, usines
d'aluminium, usine de sidérurgie, raffineries de pétrole, usines
agroalimentaires).
10
Toutes ces rencontres ont préparé les travaux de
la commission Brundtland, qui dressait un récapitulatif de la pollution
atmosphérique en ces termes:
L'utilisation de combustibles fossiles et, dans une moindre
mesure, la disparition de la couverture végétale- notamment des
forets- accroissent l'accumulation de CO2 dans l'atmosphère. Avant
l'ère industrielle, la concentration atmosphérique de CO2
était environ de 280 parties par million (PPM).Cette concentration
atteignait 340 en 1980 et l'on pense qu'elle s'élèvera à
560 entre le milieu et la fin du siècle prochain. (...) En milieu
urbain, les émissions de combustibles fossiles les plus
préoccupantes, que leur source soit fixe ou mobile, sont les suivantes:
anhydride sulfureux, oxyde d'azote, monoxyde de carbone, divers composés
organiques volatils, cendres et autres particules en suspension1.
Dans ce contexte de pollution et de dégradation de la
couche d'ozone, les océans jouent le rôle de régulateur de
la pollution atmosphérique, car ils absorbent jusqu'à 50% du C02
produit par les activités anthropiques ; mais les océans
pourront-ils continuer à absorber les quantités de plus en plus
énormes de C02? Et l'homme pourra-t-il continuer à supporter le
réchauffement climatique et ses corolaires sans porter atteinte à
son espèce ? J. Vernier (2007, p.37) écrit dans cet ordre
d'idée:
Aujourd'hui 50% de CO2 produit est absorbé actuellement
par les océans, ce qui retarde le phénomène, mais les mers
ne seront-elles pas bientôt saturées? Le réchauffement
augmente l'évaporation de l'eau, mais cette vapeur d'eau
supplémentaire dans l'atmosphère amplifiera l'effet de serre :
n'y a-t-il pas risque d'accélération, voire d'emballement du
phénomène?
Les forêts qui ont également joué et
continuent de jouer un grand rôle dans la purification de
l'atmosphère sont soumises aussi à rude épreuves de nos
jours; selon les chiffres fournis par le Groupe d'Experts Intergouvernemental
de l'Evolution du Climat (GIEC), 60 % des écosystèmes sont
exploités au-delà de leurs capacités, 36,6 millions
d'hectares de forêts ont disparu au cours des cinq dernières
années, rendant plus vulnérable la protection contre les
pollutions atmosphériques.
Ces statistiques laissent voir clairement que ni la mer ni le
couvert végétal n'arrivent à jouer son rôle de
purificateur de l'atmosphère; mais tout comme l'air, l'eau, l'une des
ressources rares et pourtant indispensable à l'humanité, est
aussi soumise à rude épreuve.
|