4.3- Le BNB : un concept peu promu
Au coeur de notre contexte sociétal où
l'économie occupe une place prépondérante, le PIB reste
naturellement l'objectif à atteindre. Mais comme démontré
plus haut, cet étalon ne fait plus ses preuves depuis que les
préoccupations environnementales l'emportent sur l'accumulation des
richesses dont les conséquences connues sont les dégradations et
les inégalités environnementales. Face à cette valeur
démodée et inefficace (le PIB), se pose le Bonheur National Brut
(BNB), un nouvel concept qui résume en lui seul toutes les valeurs tant
souhaitées en ce XXIe siècle pour un indicateur
économique. Inconnu ou mal connu, ce nouvel cadre de
référence économique qui fait preuve d'audace et de
responsabilité, est un indicateur permettant de mesurer le bonheur des
habitants de façon holistique depuis plus de quarante ans.
Initié par le roi du Bhoutan Jingme Singye Wangchuck en
1972, l'ambition de ce dernier était de pouvoir mesurer de façon
concrète le niveau de vie de ses habitants en termes philosophiques et
holistiques alors que le reste du monde se préoccupait de la faire par
le truchement du Produit Intérieur Brut (PIB), du Produit National Brut
(PNB) ou encore de l'Indice de Développement Humain (IDH) dont
l'inefficacité était déjà soupçonnée.
L. Reuter (2009, p.18) écrit: « selon le monarque, les indices
« traditionnels» ne sont pas suffisants pour mesurer le bonheur des
habitants et ne prennent pas assez en compte les valeurs spirituelles
».
Tel que présenté, le Bonheur National Brut (BNB)
a pour fondement quatre piliers ; tel qu'il le dit: « croissance et
développement économique responsables ; conservation et promotion
de la culture; sauvegarde de l'environnement et utilisation durable des
ressources naturelles ; gouvernance responsable » (L. Reuter, 2009,
p.19).
Le BNB dans sa dimension économique, tel que le stipule
le premier pilier, est une révolution en ce sens qu'il parvient à
concilier de façon juste la course à la croissance
économique et la protection de l'environnement; en d'autres termes, le
BNB a pour ambition de faire le juste milieu entre économie et
environnement et dès lors que ce juste milieu est
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atteint, l'économie n'est plus une fin en soi mais une
aide au bonheur des populations; L. Reuter (2009 p.19) écrit:
Ceci peut se traduire par la mise au même niveau du
respect des valeurs humaines et de la course à la productivité;
la promotion d'une réduction du travail pour permettre aux gens de
consacrer plus de temps aux activités sociales, familiales ou
collectives; l'augmentation des taxes sur l'utilisation et la consommation des
ressources non renouvelables ou encore le renversement de la tendance de
dégradation de l'environnement et des structures sociales en faveur d'un
nouveau mode de production et de consommation plus durables
Pour être fidèle au quatrième pilier du
BNB qui est non moins important et qui porte sur la gouvernance responsable, le
roi Jingme Singye Wangchuck, initiateur du BNB et soucieux de laisser une base
démocratique à son pays, base tant nécessaire pour le
bonheur de tous les habitants du Bhoutan, abdique en décembre 2006 en
faveur de son fils Dasho Jigme Khesar Namgyel Wangchuck. Mais bien avant
d'abdiquer, il prend l'initiative de doter son pays d'une ouverture
démocratique. L. Reuter (2009, p.19) écrit:
Une ouverture démocratique multipartite avec
l'élaboration et l'adoption d'une constitution, la création d'un
parlement et d'un gouvernement. Les premières élections
législatives de l'histoire du pays ont eu lieu le 24 mars 2008. Dans
cette nouvelle structure étatique, le roi demeure le chef de l'Etat,
mais il pourra désormais être destitué par un vote
réunissant les voix des deux tiers des membres du parlement
Plus qu'une simple préoccupation pour la nature et le
développement économique, nous pouvons affirmer sans
exagérer que le BNB est tout un projet de société. Mais
cet indicateur de bien-être, le BNB, face auquel l'on ne peut que tomber
dans l'admiration, n'est pas promu. Une fois encore, tout porte à croire
que le développement durable, parallèlement aux idéaux
qu'il promeut, entretient la logique des classes; ceci confirme notre seconde
hypothèse spécifique qui prévoyait que, dans son
articulation, le développement durable, en tant que décision
internationale d'action, est devenu un outil au service de la politique et de
l'économique, limitant ainsi la possibilité d'une décision
libre et franche en faveur de l'environnement; et que par conséquent, le
développement durable en tant que mouvement international de lutte pour
la préservation de l'environnement souffre d'efficacité à
cause des contradictions et divergences qui prennent en otage les valeurs
environnementales.
Mais face à cet état de fait, devrions nous
rester les bras croisés, regardant notre planète se
dégrader de plus bel? Face aux générations futures,
serions-nous fiers de léguer une planète dépourvue de
ressources et totalement polluée?
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