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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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Chapitre 4 : La durabilité entre idéal et fait

4.1- La durabilité et la complexité de l'espace sociétal

Le développement durable en tant que « projet de société, choix pour la vie bonne et en commun sur Terre» (D. Pestre, 2011, p.32), arrive à point nommé dans un contexte de remise en cause du modèle de développement amorcé par l'humanité depuis le XVIIIème siècle et dont les conséquences laissent à désirer de nos jours. Systématisé par le rapport Brundtland, les implications des principes stipulés pour la mise en oeuvre de ce projet de société mettent en exergue le fait, tel que l'écrit D. Pestre (2011, p.34): « qu'il peut ici exister un grand fossé des promesses aux réalisations, des mots aux choses ». Cette situation qui handicape gravement l'évolution ou mieux la mise en oeuvre effective et efficace des principes de la durabilité, laisserait dire que le développement durable reste un idéal.

Par idéal, nous entendons ici ce que l'on pourrait souhaiter de mieux, ce qui est une construction de l'esprit et qui n'existe pas dans la réalité. C'est justement en ses principes que le développement durable pèche car il a une vision homogène de la vie et propose en conséquence une logique d'homogénéisation des actions durables. Or la réalité de nos sociétés est l'hétérogénéité dans les valeurs, les orientations, quelques fois même contradictoires. D. Pestre (2011, p.33) écrit:

La situation à laquelle ce projet de développement durable fait face est que les sociétés dans lesquelles il s'inscrit ne sont pas réglées par le principe unique qu'il met en avant, mais par des principes, des intérêts et des modes de déploiement contradictoires et nombreux.

. C'est en ce sens que l'on peut comprendre l'attitude du Brésil par rapport aux idéaux

environnementaux ; pays ayant abrité « le sommet de la terre » et doté d'outils pour mettre en pratique les résolutions qui en ont découlé afin d'être pays pilote du développement durable a échoué. Le Plan d'Accélération de la Croissance (PAC) lancé par la présidente Dilma Rousseff vingt ans après « le sommet de la terre » témoigne une fois encore de la complexité de l'application des recommandations du développement durable. C. Aubertin (2012, p.46) écrit:

La posture du Brésil est paradoxale. Il apparaît comme un défenseur et un excellent médiateur de la cause environnementale sur la scène internationale. Il possède des outils de conservation exemplaires (code forestier, système national des unités de conservation, veille satellitaire, etc.), Alors que sa pratique est controversée quant à l'application de ces outils, les droits de ses populations indigènes et la violence entretenue par les propriétaires terriens -les fazendeiros réunis sous la bannière des « ruralistes ». Depuis l'arrivée à la présidence de Dilma Rousseff, initiatrice du très productiviste Plan d'Accélération de la Croissance (PAC), on observe une nette remise en cause des acquis environnementaux.

La configuration de nos sociétés actuelles dominées par les intérêts politiques, constitue un frein au développement durable ; autrement dit, le développement durable tel que

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stipulé par le rapport Brundtland, n'est pas adapté à la configuration de nos sociétés. En plus de cette logique hétérogène de nos sociétés à laquelle se confronte la logique homogène du développement durable, s'ajoute la dimension de la temporalité. En effet, l'organisation économique de nos sociétés est marquée par le court terme; un investissement ne se voit généralement récompensé que lorsque les gains s'accumulent de façon rapide après l'investissement. Dans le cas des actions marchandes, les produits doivent être sur le marché mondial afin d'accroitre les chances de consommation massive au dépend de l'environnement, conduisant à la multiplication des moyens de transport plus consommateurs les uns des autres en énergie. Cette logique de rapidité ici caricaturé et qui est le modèle de la plupart de nos sociétés, fait désormais face à la logique de la durabilité qui préconise un rythme de développement à « la vitesse de la nature» afin d'incorporer au maximum nos activités dans l'équilibre écologique. D. Pestre (2011, p. 33) réitère:

La seconde tension relève des différences de temporalité de ces deux univers. Le premier a une logique d'action à court terme - ce qui importe est le retour rapide sur investissement ici et maintenant, la protection des intérêts bien compris des États, des individus et des entrepreneurs et ses critères d'évaluation ne sont pas de l'ordre d'un bien commun abstrait, mais les avantages particuliers qui peuvent être obtenus pour soi.(...) Et comme les avantages et inconvénients de ces nouveautés sont loin d'être jugés de la même façon partout un chacun - Quels sont les effets négatifs des OGM, if any? Assiste-t-on à un réchauffement de nature essentiellement anthropique ? - cette asymétrie temporelle est un handicap pour la précaution.

Ces différentes logiques sont celles qui remettent en cause le développement durable tel que stipulé par le rapport Brundtland. Toutes ces contradictions qui rendent presque impraticables les principes du développement durable, laissent croire que le développement durable est un oxymore; D. Pestre (2011, p.34) écrit:

Un oxymore qui a été utile au moment du rapport Brundtland pour dire l'importance de tenir ensemble des questions sociales, questions de développement et questions environnementales, qui est utile en lui-même dans de nombreuses situations, qui est utile par les institutions qu'il permet de secréter, mais un oxymore tout de même puisqu'il masque ou feint d'ignorer la complexité des situations, les tensions inévitables propres à tout univers social.

Tel est le développement durable dans ses différentes articulations et les contradictions qui le discréditent dans la sphère sociale. Ceci pose donc la question de savoir si l'on devrait faire tabula rasa de la durabilité eu égard à cet environnement complexe dans lequel il s'insère ou brandir toujours plus haut cet idéal mais en modifiant la méthodologie de son application? Mais bien avant de répondre à cette question cruciale, il importe de noter que, même si la durabilité telle que nous la connaissons communément par le truchement du rapport Brundtland, semble irréalisable dans ses principes, elle demeure néanmoins l'orient de

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l'humanité; sauf qu'il faudrait, pour l'atteindre, faire assez d'efforts de renonciation de notre confort actuel.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe