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De la critique de la durabilité pour une justice environnementale participative.


par Tchilabalo Adjoussi
Institut Supérieur de Philosophie et des Sciences Humaines Don Bosco (ISPSH Don Bosco) - Master ès-Sciences de l’Homme et de la Société 2018
  

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Partie II:

Evaluation critique de la durabilité

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En vue de pallier tous les dérèglements environnementaux qui mettent en danger la pérennité de la vie sur terre, et dont nous avons fait allusion dans la première partie de ce travail, la durabilité est apparue comme une solution qui permettrait à coup sûr de rétablir le déséquilibre aussi bien environnemental que social perdu. Force est alors de constater que malgré les dangers courus par notre planète à cause d'un rythme de développement en déphasage complet avec celui de la restauration de la nature par elle-même, la durabilité peine à tenir ses promesses plus d'un quart de siècle après son adoption. Cette problématique est au coeur de cette seconde partie de notre travail intitulée : évaluation critique de la durabilité.

Notons que la critique de la durabilité dont il est question, n'est pas un reniement complet de la durabilité mais une critique d'une certaine logique du développement durable caractérisé par une forte institutionnalisation qui n'implique pas les populations victimes des dérèglements environnementaux. Les difficultés qu'éprouve la durabilité dans un tel contexte sont d'origines diverses à savoir les contradictions définitionnelles, éthiques, politico-économiques, le tout conduisant à un pessimisme sur la concrétisation de la durabilité. C'est dans cette logique que cette seconde partie de notre travail est subdivisée en deux chapitres. Dans le chapitre 3 intitulé les contradictions internes de la durabilité, il sera essentiellement question de rappeler les différentes causes de l'inefficacité de la durabilité. Dans le chapitre 4 intitulé la durabilité entre idéal et fait, il s'agir pour nous de mettre au jour les implications d'un tel état de fait de la durabilité.

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Chapitre3 : Les contradictions internes de la durabilité

3.1- Les contradictions définitionnelles de la durabilité

Vulgarisé par « le sommet de la terre », le développement durable est devenu le fondement de la plupart des discours politiques. Repris sur les médias sans cesse, ce concept ne cesse d'être au coeur de tous les débats sociaux à tel point que l'on pourrait l'identifier, comme le note D. Pestre (2011), à l'idéologie du XXIe siècle qui s'exprime à travers les énoncés de principes comme « la bonne gouvernance », « la transparence », « les partenariats public-privé» etc. Cet élargissement du développement durable à tous les domaines s'explique par un flou conceptuel qui, empêchant de cerner clairement l'approche opératoire de la durabilité, laisse comprendre ce concept de travers compromettant ainsi son efficacité. D'après le Ministère de l'Écologie, de l'Énergie du Développement durable et de l'Aménagement du territoire français (2009, p.14):

John Pezzey de la Banque mondiale en recensait 37 acceptions différentes et dès le départ, (...), le développement durable, cet oxymore, contient en lui-même ses divergences, pour ne pas dire ses contradictions : pour les uns, c'est un développement respectueux de l'environnement, pour les autres l'important est que le développement tel qu'il est puisse durer indéfiniment.

J. Villancourt (1998) note par ailleurs que si le développement durable prend assez d'ampleur et s'adapte à tout discours, c'est parce qu'il a été dénué de son sens initial et ce, à cause d' « un nombre impressionnant de définitions sectorielles du développement durable ». Il suffit de jeter un coup d'oeil sur lesdites définitions pour se rendre compte des différentes priorités que toutes revendiquent au nom du développement durable ; ainsi qu'il le dit:

Écodéveloppement (« Environment ally sound development ») Maurice Strong et Ignacy Sachs. Concept qui désigne un type de développement intégré qui tient compte des contraintes écologiques et du long terme, un développement socio-économique écologiquement viable. Développement autre ou société de conservation.

Fondation Dag Hammarsköld, Kimon Valaskis, Edward Goldsmith et Société Royale du Canada proposait un autre type de développement confiant en soi, endogène, centré sur les besoins réels, en harmonie avec la nature et ouvert au changement institutionnel.

Développement durable (axe conservation), PNUE, FMN, FAO, UNESCO, Stratégie mondiale de la conservation (SMC). Le développement durable est défini comme la modification de la biosphère et l'emploi de ressources humaines, financières, vivantes et non vivantes, pour satisfaire aux besoins des hommes et améliorer la qualité de leur vie. Pour assurer la pérennité du développement, il faut tenir compte des facteurs sociaux et écologiques, ainsi que des facteurs économiques, de la base des ressources vivantes et non vivantes, et des avantages et désavantages à long terme et à court terme des autres solutions envisageables.

Développement durable - Déclaration de Rio (Déclaration adoptée par les représentants de 170 pays en 1992). La déclaration stipule que le développement durable est centré sur le droit des

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êtres humains à une vie saine et productive en harmonie avec la nature, et que le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures (J. Villancourt 1998, p. 26).

Si nous optons pour la définition la plus répandue du développement durable qui est celle de la Commission Mondiale de l'Environnement et du Développement (CMDE) :« Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs », nous ne sommes pour autant pas éloignés des contradictions liées à ce concept; car ici encore, au coeur de la durabilité, une tension très forte existe encore entre la durabilité forte et la durabilité faible. D. Bourg (2012, p.4) écrit:

La durabilité faible, telle qu'elle est définie par Robert Solow, c'est l'idée que la destruction du capital naturel - qui découle immanquablement de nos activités économiques- peut être compensée par la création de capital reproductible et donc de technologies diverses. Ce n'est ni plus ni moins que la conception propre de ce que l'on appelle l'économie mainstream. L'un des sens du développement durable, c'est donc l'absence de développement durable, le retour au statu quo ante!

La durabilité forte, c'est l'idée contraire : à savoir celle selon laquelle une grande part du capital naturel n'est pas technologiquement substituable et donc remplaçable par des technologies. Le développement durable signifie donc une chose et son contraire (...)

Cette difficulté définitionnelle est la faiblesse fondamentale de la durabilité. De cette confusion naît une inefficacité dans la régulation des inégalités environnementales qui ne sont pas non plus privées de confusion. En effet, dans la gestion des inégalités environnementales, l'on est également partagé entre d'un côté, oeuvrer à l'égalité des bien environnementaux comme l'aménagement équitable des espaces verts des éco-quartiers; et de l'autre côté, les inégalités sociales qui nécessitent un plan stratégique efficace; deux responsabilités colossales dont l'étreinte simultanée semble impossible. Une tâche ardue à laquelle sont confrontées les politiques environnementales.

La presqu'inertie de la durabilité depuis la conférence de Rio s'explique donc par ce manque de précision dans les objectifs et les méthodes permettant d'aller à une société vraiment durable. Ceci justifie l'idée de D. Pestre (2011) selon qui, le ralliement précipité des grandes institutions telles la Banque mondiale, les institutions du consensus de Washington, les politiques et les entreprises aux idéaux du développement durable se comprend par le fait que le développement durable est vague et elles ne perdraient rien en s'alliant, bien au contraire, elles gagneraient plus de notoriété en affirmant être au service d'un monde meilleur.

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Cette faiblesse théorique du développement durable se fait remarquer aussi dans le rapport Brundtland qui donne une liberté sans précédent aux différentes autorités politiques de faire l'option des stratégies durables qu'elles pensent bénéfiques à long terme pour elles. Cette lassitude accordée complique la coordination mondiale des progrès dans les efforts pour la protection de l'environnement et peut constituer une excuse pour les pays retissants. Le rapport Brundtland stipule: « Nous n'avons pas de cadre strict à imposer ; nous nous contentons d'indiquer une voie qui permettrait aux peuples de la Terre de multiplier les sphères de coopération».

Tel est le manque de précision dans les orientations du développement durable. Dans la même perspective, dans le bilan dressé par Francesco di Castri (2000), président du Comité de l'UNESCO pour le suivi de la conférence de Rio, repris par J. Villancourt (1998), il ressort que la démotivation des gouvernements dans les efforts pour le développement durable s'explique par un manque d'objectifs concrets dans l'option d'une direction claire à suivre. La conséquence directe d'un tel état de choses est le manque de financement des initiatives durables, il fait remarquer en outre que l'on n'a pas encore amorcé la marche vers la conciliation entre le développement et la durabilité. J. Villancourt (1998, p.6) note:

Elle est marginalisée le plus souvent dans les ministères de l'Environnement, eux-mêmes marginalisés au sein de leurs gouvernements. Le développement durable est de leur ressort, tandis que l'autre développement est suivi par les bien plus puissants ministères des Finances, avec le plus souvent un net clivage entre les deux. Même dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies qui ne peut que refléter la situation des pays, un fossé infranchissable sépare la Commission pour le développement durable ou le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) du Fonds monétaire international (FMI) ou de l'Organisation mondiale pour le commerce. »

Ces contradictions définitionnelles de la durabilité constituent un handicap à la mise en oeuvre de ce paradigme de développement. Ces contradictions entrainent avec elles des désaccords politique et économique.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote