2.d''.*était comme une bête aux abois
L'apposition et l'épithète ne se distinguent
nullement par la pause à l'oral ou le signe de ponctuation à
l'écrit. En réalité, pour Feuillet (1984 :148-150),
l'adjectif ne connait pas d'apposition. En fait, on devrait réserver
le nom d'apposition aux groupes de même nature. L'adjectif ne peut
connaitre l'apposition que comme fait syntaxique, mais jamais comme fonction.
Ainsi, l'épithète et la pseudo apposition dont il est
question ici constituent deux variantes de la qualification.
L'épithète, à valeur sélective, correspond à
ce que Feuillet nomme la qualification inhérente. L'adjectif
s'attache au GN avant que celui-ci soit en connexion avec le procès.
L'apposition, à valeur explicative, est une qualification
incidente. Pour cette deuxième fonction, l'auteur propose de
parler non pas de l'apposition, mais de l'élargissement.
Constatant en définitive que toutes ces fonctions sont en
distribution complémentaire, feuillet recommande que l'on parle
« d'archifonction du GA ». Ces reproches peuvent s'appliquer
à toutes les autres grammaires traditionnelles. En dépit des
nuances que les unes et les autres apportent, la définition de
l'adjectif reste constante, ses fonctions les mêmes.
Wagner et Pinchon (1962 :125 ; 147 ; 150) ne sont pas
éloignés de la précédente conception. Ils
définissent l'adjectif qualificatif à partir de son sens et de sa
forme. Pour eux, les adjectifs (autres que les possessifs, les
démonstratifs, les numéraux et les indéfinis) sont des
mots qui servent à caractériser une personne, une chose sous le
rapport de la qualité.
les adjectifs appartiennent à la classe des noms.
Ce sont des mots d'espèce variable. Ils entrent dans la catégorie
du genre et dans celle du nombre, mais n'en prennent les marques que
d'après le genre et le nombre du terme principal auquel ils se
rapportent.
Ils assignent donc à l'adjectif qualificatif deux
fonctions, à savoir épithète et attribut. Parlant de la
place de l'adjectif, les auteurs, comme Dubois et al., pensent que
la place de l'adjectif épithète n'est pas
déterminée par des règles ; elle s'explique dans chaque
cas par
des raisons particulières qui tiennent au sens ou
à l'effet de style qu'on recherche. Pour eux aussi, la classe de
l'adjectif qualificatif peut varier en degré d'intensité et en
degré de comparaison.
Deux points de leur étude nous rappellent une
réminiscence de la classification grecque et latine, basée sur la
morphologie flexionnelle. L'adjectif est situé dans la classe du nom.
Dans la tradition gréco-latine. La classe du nom comprend noms se
subdivisent en noms substantifs ou nomen substantivus et en
noms adjectifs ou nomen adjectivus. Les nomen substantivus
renvoient aux noms de la terminologie moderne et nomen adjectivus
aux adjectifs. Cette tradition vient du fait que les noms et les adjectifs
se déclinent de la même façon en grec et en latin. On les
classait donc ensemble.
Wagner et Pinchon évoquent le statut prédicatif
de l'adjectif qualificatif. Ce point est intéressant relativement
à notre recherche. Ce statut prédicatif met en lumière le
fait que l'adjectif peut aussi recevoir des expansions. Pour Wagner et Pinchon
(op. cit. 560), les propositions conjonctives peuvent avoir pour
support un adjectif ou une forme adjectivée du verbe. Par exemple,
heureux que sa bonté daigna tout oublier ; C'est
méchant et menteur, indigne qu'on le croie. Cette
remarque, même si elle est brièvement faite dans le livre
préfigure en quelque sorte notre travail. Elle met en lumière
l'existence de la structure Adj+Que P. Les auteurs n'y insistent pas
outre mesure. Le développement de Chevalier et al. est proche
de ce dernier.
Chevalier et al. (1964 : 190-208) inscrivent
l'adjectif qualificatif au sein de la classe du nom. Cette dernière se
compose du substantif et de l'adjectif qualificatif. Ils suivent la tradition
des Anciens qui ont subdivisé la classe du nomen en nomen
substativus et nomen adjectivus. L'ouvrage de Chevalier et al.
procèdent à une distinction entre substantif et adjectif.
Les points essentiels à retenir sont que le substantif et l'adjectif ne
se répartissent pas de la même façon entre deux genres et
deux nombres. L'adjectif seul varie en degré. D'un point de vue des
fonctions, seul le substantif désigne une substance (être, objet
ou idée abstraite) munie de qualités constantes. L'adjectif
qualificatif désigne une qualité attachée à une
substance.
Comme les études précédentes, Chevalier
et al. confèrent à l'adjectif trois fonctions par
rapport au substantif. Il peut tour à tour être
épithète, apposé ou attribut. Les définitions de
ces fonctions sont identiques à celles données par Dubois et
al. La place de l'adjectif épithète est aussi
débattue. Chevalier et al. (1964 :204-205) concluent que
des facteurs
variés interviennent pour déterminer la
place de l'épithète, et se mêlent souvent de façon
à défier les efforts d'analyse du grammairien. Trois
principaux ressortent donc les facteurs syntaxiques, rythmiques et
syntaxiques.
Bien qu'inscrite dans le même sillage, l'analyse de
Grevisse (1980) est utile pour notre recherche. Pour Grevisse (1980 : 366),
l'adjectif est un mot que l'on joint au nom pour exprimer une
qualité de l'être ou de l'objet nommé ou pour introduire ce
nom dans le discours. L'adjectif qualificatif est celui qui exprime une
manière d'être, une qualité de l'être ou de l'objet
par le nom auquel il est joint. On peut faire fi des degrés de
signification de l'adjectif qualificatif développés par la
plupart des grammaires traditionnelles et de la bipartition de la classe de
l'adjectif en deux, à savoir, adjectif qualificatif et adjectif non
qualificatif appelé traditionnellement « adjectifs
déterminatifs ». Intéressons-nous à la
complémentation de l'adjectif que suggère Grevisse.
Le bon usage laisse voir que l'adjectif qualificatif
peut aussi être le support de d'autres constituants. De ce fait, selon
Grevisse (1980 : 209-210), l'adjectif qualificatif ou le participe pris
adjectivement peuvent être accompagnés d'un adjectif ou d'un
adverbe, des compléments déterminatifs (nom, pronom, infinitif)
ou d'une proposition introduite par que. Ces diverses possibilités
de rection s'illustrent dans les énoncés 3 ci-dessous.
3.a. le politique lui-même est
évidemment ébranlé (LP 05/04/02 :3)
3.b.Il est différent de son entourage (LP 05/04/02
:7)
3.c. Patrick Grossouvre a été
convaincu de rompre le silence (LP 05/04/02 :9)
3.d. il est possible que j'ai déjà sa
signature (LP :230)
Plusieurs constats se dégagent au terme de la
présentation qui précède.
Les grammaires classiques semblent mêler des
critères variés dans la présentation de l'adjectif
qualificatif. Elles allient critère logique, sémantique et
formel.
L'adjectif qualificatif est un mot. En ce sens, il est
considéré dans son unicité. Son inscription en tant que
constituant d'un groupe n'est pas révélée. La notion de
groupe y est d'ailleurs absente. Seules la dépendance morphologique et
sémantique de l'adjectif vis-à-vis du nom est perceptible.
L'impression d'une confusion entre qualification et
détermination empêche une réelle distinction entre
qualificatifs et déterminatifs. Le classement des adjectifs parait
équivoque. La distinction entre qualificatifs et déterminatifs
semble intuitive et subjective.
On se demande si la plupart de ces grammaires s'appuient
véritablement sur la réalité linguistique.
En somme, la grammaire traditionnelle ne donne pas une saisie
circonstanciée de la classe de l'adjectif qualificatif. Les contours de
ce constituant demeurent flous. Peut-être évoluera-t-on avec les
grammaires d'option structurale.
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