3.2. Que P : subordonnée de V-Adj ou d'Adj. ?
En fonction de la structure dans laquelle elle est incluse, la
complétive sera régie soit par l'adjectif seul, soit par le
prédicat complexe. Deux possibilités s'offrent à nous.
Dans les structures incluant être, la complétive sera
complément de l'ensemble être + adj. On se demanderait
quelle est la nature de ce complément, c'est-à-dire s'il est un
complément d'attribution pour les structures personnelles et le sujet de
ce verbe complexe pour les structures unipersonnelles.
Dans les phrases actualisant un VEA ou un VOA, la
complétive dépendra soit de l'adjectif, soit du verbe seul. Quand
elle dépend de l'adjectif, elle conserve sa traditionnelle fonction de
complément de l'adjectif. Lorsqu'elle est régie par le verbe,
elle en devient un SN0, et l'adjectif est là pour porter un jugement ou
une modalisation sur le contenu de ce SN1. Dans le développement qui
précède, nous avons vu que des adjectifs rentraient dans les
structures personnelles, d'autres dans les structures impersonnelles. Il est
nécessaire de visualiser concrètement ce dont il s'agit et
d'illustrer les adjectifs de notre corpus qui rentrent dans l'une ou l'autre
structure.
3.3. Adjectifs qualificatifs et compatibilité aux
structures
Partons d'une observation empirique. Certains adjectifs
rentrent dans les constructions personnelles, d'autres se retrouvent dans les
tournures unipersonnelles. D'autres encore se prêtent aux deux types de
constructions. Selon Leger (2006 : 38), les adjectifs qualificatifs se
distinguent par la possibilité d'apparaître à la fois
dans les constructions impersonnelles et les tournures personnelles. La plupart
des adjectifs n'admettent pas cette « alternance ». La
majorité des adjectifs sont uniquement permis soit dans les
constructions impersonnelles, soit dans les tournures personnelles. Notre
corpus a des adjectifs qualificatifs des deux constructions. Loin
d'étudier leur possibilité d'apparaître dans l'une ou
l'autre et avec tel ou tel autre verbe, nous voulons en donner une liste. C'est
ce à quoi nous procédons ci-dessous.
Structures
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Constructions personnelles
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Tournures unipersonnelles
|
Être Adj
|
Convaincu (20),
|
Remarquable (02), nécessaire (03),
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Que P
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heureux,
Sûr (16), persuadé, certain
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vrai (65)
naturel (03), clair (05), normal (04), Rare
|
|
(07),
assuré, heureux (04), consterné, (mé)content
(05), soulagés, étonné (05),
|
étonnant (03), certain (05), Sûr (04),
Beau, heureux (02), (im)possible (12)
bon (02), évident (04),
|
|
persuadé (11) Surpris (02),
|
indéniable,
légitime, inutile (04), visible, inouï, probable
(05), Regrettable, visible, plausible,
incontestable, invraisemblable,
|
VEA Adj Que P
|
Convaincu, persuadé
|
Impossible, exclu, inconcevable, clair, connu
|
VOA Adj Que P
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Suspect, malsain, sain, regrettable, Certain, nécessaire,
normal (04) inconvenant, préférable, naturel,
convaincu,
|
|
(ellipse
et SN Adj Que
P)
|
Furieux, sûr (16), étonné, Convaincu (02),
persuadé
|
|
Tableau 3 : Adjectifs qualificatifs et
compatibilité avec les structures
Le tableau ci-dessus donne une vue globale des adjectifs de
notre corpus. Ces derniers peuvent se prêter à des constructions
précises. Ils sont une cinquantaine. Certains ont une fréquence
élevée, car ils ont en plusieurs dizaines d'occurrences. C'est le
cas de clair, vrai, (im) possible, persuadé, convaincu et
sûr. D'autres, bien qu'ils aient un nombre réduit d'occurrences,
n'en demeurent pas moins présents.
De ces cinquante adjectifs qualificatifs, il en est qui
rentrent simultanément dans les deux types de constructions. D'autres
choisissent soit la tournure personnelle, soit la construction impersonnelle.
Cela suscite d'autres questions. On s'interroge sur la possibilité
d'élaboration d'une distribution exhaustive de ces adjectifs suivant la
possibilité d'intégrer telle ou telle structure. Cette question
génère une autre : qu'est-ce qui, aux plans morphosyntaxique et
distributionnel, prédispose certains à se construire dans les
deux structures et quelles contraintes l'empêcheraient à d'autres
? Les réponses à ces interrogations peuvent certes être
envisagées. Mais le cadre et l'orientation actuelle de notre recherche
en reste peu adaptés.
En définitive, ce chapitre était consacré
à la complétive de l'adjectif, objet principal de notre travail.
La présentation de nos énoncés à complétive
adjectivale a été faite. Ce corpus répondait à
trois principales questions : savoir ce qu'est une complétive de
l'adjectif, mettre en lumière ses différentes structures et
essayer de les caractériser au plan distributionnel et
transformationnel. Le chapitre envisageait de statuer sur les liens unissant
V Attrib à Adj. On s'est demandé si le verbe et
l'adjectif de cette structure ont fusionné en un nucléus ou s'ils
étaient parfois dissociables. Cette question de la fusion a induit celle
de la rection de la complétive. Il était question de
déterminer son support : dépend-elle du complexe formé par
V-Adj, de V ou d'Adj.
À cet effet, des tests linguistiques ont
été mis à contribution, à savoir la substitution,
l'extraction, l'effacement et la pronominalisation entre autres. La
compatibilité avec un mode et la réécriture des
énoncés ont également servi l'analyse.
Au terme de ce parcours, il ressort que la définition
de la complétive de l'adjectif est dynamique. Elle réfère
d'abord à une subordonnée liée à l'adjectif ou
à un prédicat complexe au moyen de la conjonction de
subordination que. Une complétive adjectivale est donc une
proposition syntaxiquement liée à un adjectif qualificatif. Elle
rentre ensuite dans une construction attributive. Autrement dit, c'est une
proposition que l'on retrouve dans une phrase pourvue d'un verbe attributif
comme noyau central. La complétive adjectivale sera enfin une
proposition qui, introduite par le morphème Que, est
directement ou indirectement liée à l'adjectif qualificatif dans
sa fonction prédicative. En d'autres termes, nous avons proposé
qu'il y ait complétive adjectivale dès lors que ce dernier la
régit.
Par ailleurs, bien que les différences entre les
structures personnelles et impersonnelles soient nombreuses et non encore
systématisées, nous pensons que la sélection du mode, la
structure argumentale, les réécritures et réductions
possibles, les équivalences et les sous-classes de verbes attributifs
offrent des perspectives prometteuses pour cette entreprise.
Au regard des résultats consécutifs aux
analyses, nous sommes régulièrement revenu sur la
possibilité de substitution de la complétive adjectivale par
d'autres types de subordonnées. Ce fut le cas des circonstancielles, des
participiales et des complétives du nom, de l'adverbe et du verbe. Ce
constat nous conforte de plus en plus dans l'hypothèse d'une
unité formelle voire fonctionnelle entre les complétives.
Nonobstant le labeur déjà entrepris, nous pensons que cette
problématique mérite que l'on lui consacre toujours une
attention.
Que dire des adjectifs intégrés aux structures
attributives ? Le corpus a permis de mettre en lumière cinquante. Ils se
répartissent dans les deux structures fondamentales de la
complétive adjectivale. Certains ont la possibilité
d'apparaître dans les deux types de structures, d'autres non. Rappelons
au passage que tous les adjectifs n'entrent pas dans la phrase attributive
à complétive.
Ils semblent présenter des propriétés
distributionnelles et transformationnelles au sein de ces
énoncés. Ainsi, au-delà de la complétive
elle-même, nous pouvons d'ores et déjà nous demander les
caractéristiques de ces adjectifs. En début de travail,
l'hypothèse émise l'hypothèse était que la
catégorie sémantique d'un adjectif qualificatif pourrait
expliquer son fonctionnement syntaxique.
La structure syntaxique dans laquelle entre un adjectif
qualificatif lui confère un fonctionnement syntaxique. Au bout du
compte, plusieurs interrogations méritent une grande attention : quelles
sont les propriétés morphosyntaxiques et sémantiques des
adjectifs qualificatifs sus-relevés ? Quels critères peuvent
être choisis pour leur dresser des tables suivant la méthode du
lexique grammaire initiée par Gross ? Autant de questions qui
nécessitent une étude appropriée.
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