2.3. Complétives adjectivales et constructions
impersonnelles
La tradition grammaticale consacre le nom de construction
ou tournure impersonnelle à des énoncés construits
obligatoirement avec le morphème il.
Pour Riegel et al. (2014 : 744), on appelle
verbes impersonnels les verbes qui ne s'emploient qu'à la
troisième personne du masculin singulier. Pour la grande
majorité, il s'agit des verbes météorologiques. Par
contre, il y a construction impersonnelle lorsqu'un verbe à conjugaison
et à construction pleine se trouve structurellement mis à la
troisième personne du masculin singulier sans variation possible. Le
verbe dans ce contexte est doté d'un il dont la substance
sémantique est indéterminée et dont la morphologie est
immuable. Il ne connait pas de variation. On peut à ce titre comprendre
le questionnement de Bonnard (2001 : 244) :
le pronom il dans ces phrases
désigne-t-il un `'hors-moi» (atmosphère, nuages, ciel) tenu
pour siège ou pour cause du phénomène ? Comme il ne peut,
en tout cas, représenter un nom antécédent f...] ni
recevoir une épithète détachée, le plus sûr
est de le tenir pour un élément morphologique indissociable du
verbe conjugué, marque de la tournure
impersonnelle.
En d'autres termes, pour reconnaitre une tournure
impersonnelle, on se fie au pronom il. Ce dernier n'a pas d'autonomie.
Les constructions les plus représentatives du corpus sont bâties
sur sembler, arriver, pouvoir, faire, (ap) paraitre, et quelques
autres verbes. Construites avec un adjectif, ces tournures admettent une
complétive. Elles soulèvent des interrogations : quelle est leur
structure argumentale ? Comment la question du mode peut-elle y être
traitée et à quelles transformations peuvent-elles se
prêter ?
2.3.1. Structure argumentale de la suite
unipersonnelle
La structure argumentale d'un énoncé
réfère au nombre d'argument que son prédicat de base
actualise dans une construction. Selon Lefeuvre (2012 :8-9), les
nominalisations prédicatives gardent une organisation argumentale
quel que soit leur contexte d'usage. Nous pouvons appliquer cette remarque
aux suites attributives unipersonnelles. Elles se présentent sous le
schéma général suivant : IL + V + Adj + Que P.
C'est le cas dans les énoncés ci-après :
10.a. Il est évident que l'approche de Jacques Chirac
a été influencée par les leçons d'Ailes (LP05/04/02
:27)
10.b. Il est nécessaire pour y parvenir que
l'accusé et son auxiliaire restent en contact avec la justice (LP
:202)
10.c. N'est-il pas vrai que je vous salue ? (TSTA :
168)
Dans [10.a], le morphème il ne
réfère à rien, il n'a pas de contenu
référentiel. Il n'y a donc réellement que, d'une part, le
prédicat, formé du verbe et de l'adjectif prédicatif, et
d'autre part l'argument, qui n'est constitué que de la proposition. Or,
la structure argumentale d'un énoncé est l'ensemble des arguments
dont est pourvu un prédicat. Donc, contrairement aux constructions
personnelles, les tournures unipersonnelles sont monoargumentales dans notre
corpus. Dans certaines constructions impersonnelles, l'adjectif dénote
la vériconditionnalité d'une proposition. En [10.a.] et [10.c],
l'adjectif qualificatif assigne sa propriété à la
proposition seule. Il n'y a pas une autre entité qui en soit
dénotée. C'est différent dans [10.b].
Nécessaire ne qualifie pas la valeur de vérité de
la proposition, et admet un argument supplémentaire, l'infinitive en
pour, qui peut commuter avec un complément en à
:
Il est nécessaire au succès de
l'opération que l'accusé et son auxiliaire restent en contact
avec la justice
Le fait que ces deux compléments en pour et en
à s'excluent mutuellement permet de les analyser comme deux
manifestations d'un même argument, et non comme des circonstants :
*Il est nécessaire au succès de
l'opération pour y parvenir que l'accusé et son auxiliaire
restent en contact avec la justice
Notre corpus comporte cent cinquante (150)
énoncés impersonnels. Comme ce sont des phrases attributives avec
des adjectifs prédicatifs, nous les avons réparties en trois
sous-groupes. Les structures unipersonnelles avec être, celles
dotées des succédanées de être. Les
constructions dotées d'un VOA n'y sont pas
actualisées. Leur observation permettra de mettre en lumière les
particularités des structures impersonnelles.
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