2.1.2.2. Verbes occasionnellement attributifs et
constructions personnelles
Les verbes occasionnellement attributifs (VOA) se distinguent
des verbes essentiellement attributifs (VEA) par deux propriétés
syntaxiques essentielles. Il s'agit de la réaction du groupe adjectival
attribut du sujet ou de l'objet à l'effacement et à la
pronominalisation. Selon Riegel (1981 : 23-24),
l'effacement de l'adjectif attribut est la
propriété syntaxique fondamentale qui caractérise les
verbes occasionnellement attributifs (rentrer/ finir, se lever / vivre/ partir.
Seuls les attributs du sujet précédés d'un verbe
essentiellement attributif sont pronominalisables. Si le verbe est
occasionnellement attributif, la substitution de la forme pronominale l', le
à l'adjectif attribut rend la construction agrammaticale.
À partir de cette explication, nous comprenons que, par
nature, les verbes dits occasionnellement attributifs se prêtent à
d'autres types de constructions. Il est question des constructions transitives,
intransitives ou unipersonnelles. Notre corpus contient trois verbes
occasionnellement attributifs, à savoir juger, trouver et
se sentir. Ils sont représentés dans les
énoncés ci-dessous :
7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne
voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)
7.b. Jacques Chirac avait jugé
inconvenant qu'on utilisât le 49-3 (LP14/03/03)
7.c. Il se sentait convaincu qu'ils
étaient de son avis (LP : 78)
7.d. Je trouve très sain qu'on
puisse débattre d'un média (LP07/03/03)
Avant d'analyser ce type de phrase, il convient de
s'interroger sur les statuts respectifs de la complétive et de
l'adjectif qualificatif. Deux points essentiels retiennent notre attention,
à savoir la fonction syntaxique de Que P et celle d'Adj
ainsi que leurs régissants respectifs. En effet, on se demande
d'une part quelles sont les fonctions syntaxiques de Que P et
d'Adj. D'autre part, il est utile de savoir si Que P est
régi par Adj ou par V occas attrib.
Commençons par un constat. Contrairement au VEA
où l'adjectif est toujours attribut du sujet, dans la structure à
VOA, l'adjectif qualificatif est attribut de l'objet. Selon
Maingueneau (1999 : 84),
l'attribut de l'objet est une relation qui, à
l'intérieur d'un même GV, lie un GN ou un GA à un
complément d'objet. On parle d' «attribut de l'objet » parce
que la relation sémantique entre le GN objet et le terme attribut est de
même nature que celle entre le GN sujet et l'attribut.
Selon Riegel et al. (2014 : 430), le GV dans lequel
l'AO apparait se formalise comme suit GV? V+N1+X. N1 représente le
GN directement régi par le verbe et X un troisième constituant
dit attribut du CO. Cette structure est présente dans
l'énoncé [7.a] repris ci-dessous.
7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne
voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)
En [7.a], le GV se réécrit : GV? trouvait +
suspect + qu'on ne voulut pas lui montrer les papiers. Suspect est
attribut de la complétive. Cette dernière est COD du verbe
trouvait.
En tant qu'attribut du COD (désormais AO), l'adjectif
suspect répond à la double propriété
définissant l'AO. Ce dernier, selon Riegel et al. (Op. cit.), n'est
pas un constituant interne du GN postverbal ; il entretient avec le CO N1 le
même rapport qu'un AS avec le sujet dans la phrase correspondante
N1-être-X.
Étant donné que la complétive Que P
est SN1 (COD) et que l'adjectif est AO, on se demande le traitement
à réserver aux P attributives actualisées pas un VOA. Il
s'agit de savoir si elles doivent être exclues du cadre de la
complétive adjectivale ou si une extension de ce cadre est
envisageable.
La deuxième possibilité nous attire davantage.
Une extension de la notion de complétive adjectivale est envisageable.
L'argument est la conservation du sens de la phrase adjectivale quand on
l'enchâsse dans la complétive objet de trouver. Une
complétive adjectivale est d'abord une proposition régie par un
adjectif qualificatif. Elle rentre ensuite dans une construction attributive.
Autrement dit, c'est une proposition que l'on retrouve dans une phrase pourvue
d'un verbe attributif comme noyau central. La complétive adjectivale
sera enfin une proposition qui, introduite par le morphème Que,
conjonction de subordination, est directement ou indirectement liée
à l'adjectif qualificatif dans sa fonction
prédicative. Conséquemment, la structure de la
complétive adjectivale avec VOA semble avoir toute sa place dans le
présent cadre.
Considérons les énoncés [7] repris
ci-dessous.
7.a. Mais K trouvait suspect qu'on ne
voulût pas lui montrer les papiers (LP : 172)
7.b. Jacques Chirac avait jugé
inconvenant qu'on utilisât le 49-3 (LP14/03/03)
7.c. Il se sentait convaincu qu'ils
étaient de son avis (LP : 78)
7.d. Je trouve très sain qu'on
puisse débattre d'un média (LP07/03/03)
Dans ces phrases, l'adjectif qualificatif ne peut pas
être pronominalisé. La pronominalisation de l'adjectif au moyen de
l' ou de le dans ces énoncés entraine une
agrammaticalité. Les énoncés [7.a' et 7.b'] le
montrent.
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