3.2. La suite Adv Que P et ses fonctions syntaxiques
Les mots ou les groupes de mots d'une phrase sont liés
par des rapports de subordination. Cette subordination induit l'existence des
fonctions syntaxiques. Il n'est pas inutile de rappeler ce qu'est une fonction
syntaxique. Cette dernière désigne un type de rapport
précis existant entre deux termes de la phrase. Il s'agit
précisément de la relation entre un terme subordonnant et son
subordonné. Nous avons indiqué ci-dessus que la phrase ayant une
complétive de l'adverbe comporte deux termes, à savoir l'adverbe
Adv. et la complétive Que P. En tant que constituants
d'une phrase, ils doivent irrémédiablement et respectivement
être dotés de fonctions. De ce fait, quelles sont les fonctions
syntaxiques des deux éléments structurant la suite Adv Que P
? Telle est la question à laquelle nous tenterons
de répondre ici. Wilmet (1998 :567) estime que ces
complétives sont des compléments de l'adverbe. Il ajoute que les
adverbes sont des compléments circonstanciels de l'énonciation
dans cette structure. On s'interroge non seulement sur sa terminologie, mais
aussi sur la réalité des faits observés,
c'est-à-dire le fonctionnement syntaxique réel fonctionnement des
deux constituants.
Dans le couple tête lexicale et complément,
l'existence syntaxique du complément est liée à la
présence de la tête. L'effacement de la tête lexicale
déchoit le plus souvent le complément de toute existence. Dans
une phrase donnée, la tête lexicale est la condition d'existence
de tout complément. Ce dernier n'a donc généralement pas
d'existence indépendamment du régissant dont il dépend.
Par exemple, l'effacement du verbe dans une construction transitive directe
prive le COD de toute existence. De même, dans le GN sujet élargi,
on ne saurait effacer le nom central sans que cela ne déteigne sur le
complément du nom.
Ainsi, si la pseudo complétive était
complément de l'adverbe, aurions-nous toujours une phrase
grammaticalement correcte après effacement de l'adverbe ?
10.a'''. Heureusement que je suis un vieux fauve
10.b'''. Bien sûr qu'elle l'était
à sa façon
10.c'''. Peut être que je réussis une vie
ratée
10.d'''. Sûrement qu'ils attendraient le soir pour
manger son bouc
Or, la proposition fonctionne sans adverbe. Il semble
même qu'il n'y ait pas de lien entre les deux. Nous avons
précédemment établi qu'il s'agit d'une proposition
indépendante sur laquelle l'adverbe agit en modalisateur. Ne devrait-on
pas conclure qu'en tant que proposition indépendante, cette
séquence n'a pas de fonction ? Elle serait donc un tout
prédicatif. Qu'en est-il de l'adverbe ?
Contrairement à ce que pensait les analyses
grammaticales, l'adverbe ne régit pas la complétive dans la suite
Adv QUE P. Nous ne savons pas réellement à quoi
réfère l'expression compléments circonstanciels de
l'énonciation que Wilmet emploie pour traiter de la fonction de
l'adverbe dans la suite syntaxique étudiée. Cette terminologie ne
nous semble pas adaptée. La définition de la fonction de
l'adverbe passe par la mise en lumière de ses propriétés
au sein de la structure étudiée.
Nous savons déjà que l'adverbe y est
suppressible. Nous vérifions ci-dessus sa portée et sa
mobilité.
11. a». /Heureusement/, je suis
/Heureusement/ un vieux fauve,
/Heureusement/,
11.b». /Bien sûr
!/, elle l'était /Bien
sûr / à sa façon, /Bien
sûr
11.c». Peut-être, / je
réussis/ peut-être/ une vie ratée,
/Peut-être /
11.d». /Sûrement/ ils
attendraient /sûrement/ le soir pour manger son bouc,
/sûrement/.
Dans toutes ces phrases, l'adverbe peut occuper
indifféremment n'importe quelle place au sein de la phrase. Par
ailleurs, il porte sur tout l'énoncé, pas sur une partie de ce
dernier. Il se comporte donc comme un circonstant. Le terme complément
de phrase ne sied-il donc pas ? Nous disons qu'il sied, mais davantage dans la
construction sans complétive. N'est-il pas plus acceptable que celui
proposé par Wilmet ? Au-delà de ces fonctions, nous porterons
l'attention sur la structure dont serait issue Adv Que P.
|