1. Définition conventionnelle
L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève
contient les garanties minimales applicables dans les conflits armés qui
ne présentent pas un caractère international. Cet article ne
fournit aucune définition spécifique de ce type de conflits
armés.
Il s'agit d'une définition en creux, qui a pour but de
recouvrir toutes les formes de conflits armés qui ne peuvent pas
être qualifiés d'internationaux et qui ne sont donc pas couverts
par les autres dispositions des Conventions de Genève. L'article 3
commun ne fournit aucune définition du conflit armé non
international ni des troubles et tensions internes permettant de
délimiter la frontière entre les deux types de situations. Il ne
s'agit certainement pas d'un oubli mais bien d'une stratégie juridique
destinée à préserver l'application de ces garanties
fondamentales de toute polémique concernant la qualification de la
situation.48
43 Article 1 du Protocole additionnel II de 1977
44 Article 3 commun de quatre conventions de
Genève de 1949
45 Protocole additionnelle II de 1977 contenant 28
articles complétant les garanties prévue par l'article III commun
pour les victimes des conflits armés non internationaux.
46 Idem
47 Bartels R, Conflit armé non
international, conflit armé interne, guerre civile, insurrection
rébellion, 2009, p1213
48 Idem
18
L'article 1 du Protocole additionnel II procède au
contraire à un énoncé descriptif du conflit armé
non international, en précisant que le conflit armé non
international se distingue du confit armé international ainsi que des
situations de troubles et tensions internes qui ne sont pas des conflits
armés.49 Cet énoncé descriptif a donné
lieu à une intense activité d'interprétation juridique de
chaque critère mentionné, qui a en retour dangereusement et
inutilement complexifié la qualification des conflits armés non
internationaux.
L'article 1.1 du Protocole additionnel II précise
d'abord que le protocole complète l'article 3 commun aux Conventions de
Genève sans modifier ses conditions d'application.
Cela signifie donc qu'aucun des critères
énoncés dans la suite de la définition du Protocole II ne
peut être invoqué pour contester l'application de l'article 3
commun à une situation qui ne remplirait pas ces critères.
L'article 1.1 affirme ensuite qu'il s'applique à tous les conflits qui
ne sont pas considérés comme internationaux « et qui se
déroulent sur le territoire d'une haute partie contractante entre ses
forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes
armés organisés qui,
Sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur
une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener
des opérations militaires continues et concertées et d'appliquer
le présent protocole ».50
L'article 1.2 du Protocole additionnel II conclut cette
définition des conflits armés non internationaux en affirmant
qu'il « ne s'applique pas aux situations de tensions internes, de troubles
intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et autres actes analogues, qui ne sont pas
considérés comme des conflits armés ».
Cette dernière disposition de l'article 1 fournit en
creux le seuil d'intensité de la violence qui fonde la définition
d'un conflit armé non international par opposition aux troubles et
tensions intérieurs. Les termes « émeutes » et «
actes sporadiques et isolés de violence» s'opposent ici à
des actes de violence qui seraient continus et massifs ou organisés
selon que le terme « isolé » fait référence
à l'élément territorial ou humain. Ce seuil
d'intensité de violence a donc une double dimension temporelle et
territoriale. Il implique
49 Article 1.1 du Protocole additionnel II
50 Nathan, R, Analyse des protocoles Additionnels,
p1102
19
clairement des actes de violence continus et installés
sur la durée. Ce critère de durée a été
reconnu par la jurisprudence internationale.51
Ces deux critères temporels et territoriaux sont
complétés par un troisième concernant le caractère
organisé des groupes armés, qui doivent disposer d'un
commandement et être capables de mener des opérations militaires
concertées.52
En dehors de la question du seuil d'intensité de la
violence, la définition fait aussi référence à une
série d'éléments matériels tels que la
territorialité du conflit, l'organisation des groupes armés, la
qualité du commandement de ces groupes, le contrôle d'une partie
du territoire par ces groupes, la continuité et la concertation des
opérations militaires de ces groupes et leur capacité à
respecter le droit humanitaire. L'interprétation de ces critères
soulève des difficultés. Certains y voient des
éléments descriptifs objectifs permettant de distinguer le
conflit armé des situations de troubles et tensions internes,
définis comme des actes sporadiques et isolés de
violence.53 D'autres y voient des critères juridiques
impératifs et cumulatifs préalables à toute invocation ou
application du Protocole II.54 Cette interprétation
littérale et cumulative des éléments de la
définition donne des résultats absurdes. Ainsi, le Protocole II
ne pourrait par exemple pas s'appliquer dans des situations où un
conflit non international s'étendrait sur le territoire de plusieurs
États parties, ou impliquerait des groupes armés transnationaux
ou étrangers à l'État partie au conflit. Le droit
international impose des règles d'interprétation des
traités respectueuses de l'intention des rédacteurs et conformes
à leur objectif.
La jurisprudence a permis dans certains cas de rétablir
une interprétation de ces définitions qui reste conforme à
l'esprit des Conventions de Genève et des deux Protocoles additionnels.
Cependant, les argumentations des tribunaux pénaux internationaux
doivent être prises avec précaution car ils n'avaient pas pour but
de qualifier le conflit en tant que tel mais de définir les crimes de
guerre qui y sont applicables. Or le droit pénal est soumis à des
règles d'interprétation strictes, contrairement au droit
humanitaire qui doit recevoir une application la plus large possible.
51 G, LABAUT, et N, KELOQ, commentaire sur les
protocoles Additionnel II, p104
52 G, LABAUT, et N, KELOQ, commentaire sur les
protocoles Additionnel II, p104
53 Idem
54 Op.cit., p104
20
De même, le concept de groupes armés
organisés a fait l'objet d'importants développements dans le
cadre de la jurisprudence internationale en tant que critère
d'internationalisation des conflits armés et non pas en tant
qu'élément de qualification d'un conflit armé non
international.
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