WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

De l’évaluation de l’impact des décisions judiciaires dans la protection des victimes de violences sexuelles en république démocratique du Congo. Cas de viol d’enfants.


par Sylvain KITENGE LOBABA
Université de Kinshasa - Master de recherche en droit international humanitaire et droits de l'homme 2017
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§6. Cas jurisprudentiel

Tribunal de grande instance de Kinshasa/Kalamu

JugementsousR.P. 14.216

En cause le MP c./ le prévenu LOLEKA MATONDO

Attendu que par sa requête aux fins de fixation d'audience n°4504/RMP 10.126/PR.022/ROK/SEC/2017 du 30 Décembre 2017, l'officier du Ministère public près le Tribunal de Grande instance de Kinshasa/Kalamu poursuit le prévenu LOLEKA MATONDO Vasco pour avoir à Kinshasa, ville et capitale de la République Démocratique du Congo, précisément à l'hôtel QUAI de MARQUE situé dans la commune de Kalamu en date du 29/02/2017, période non encore couverte par la prescription de l'action publique, introduit son pénis dans le vagin de l'enfant LOMAMA KAYO, âgée de 13 ans et ce, à l'occasion d'un environnement coercitif à savoir l'hôtel Quai de Marque où l'enfant a été entrainée en vue de craindre les Kuluna. Faits prévus et punis par les articles 170 et 171 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant ;

Attendu qu'à l'appel de la cause à l'audience publique du 14/05/2018, où cette cause a été instruite, plaidée et prise en délibéré, le prévenu a comparu en personne sans assistance judiciaire. Que sur comparution volontaire, le tribunal s'est déclaré saisi à son égard. Qu'ainsi la procédure suivie est régulière.

Attendu quant aux faits, il ressort des éléments du dossier qu'en date du 29/05/2017 vers 23 heures, la mineure LOMAMA était sortie de la maison pour voir si sa grande soeur qui l'avait laissé seule était de retour. Que c'est dans ces circonstances qu'elle s'était croisée avec le prévenu précité qui l'avait conduite à l'hôtel la Marque pour entretenir des rapports sexuels avec elle.

Qu'interrogé sur les griefs mis à sa charge, le prévenuprénommé les a niés en soutenant qu'en revenant du Rond-point Victoire, il avait vu un groupe des gens en train de se bagarrer au niveau de l'avenue OSHUE. Et lafille se trouvait aux environs et avait paniqué. C'est ainsi qu'il avait secouru la mineure en l'amenant audit hôtel en vue de la protéger contre les Kuluna. Mais devant le magistrat instructeur, il a déclaréqu'il avait passé nuit avec la fille sans la toucher et ce, dans le but de la sécuriser.

Dans ses réquisitions, le ministère public, analysant les faits de la cause, les dits constitutifs de l'infraction de viol d'enfant et sollicite la condamnation dudit prévenu à 15 ans de servitude pénale principale.

Attendu qu'en droit, l'article170, al. 1er point a) de l'article 170 dela loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant dispose que : « commet l'infraction de viol d'enfant ; soit à l'aide de violence ou de menaces graves , par contrainte à l'encontre d'une enfant , directement ou par l'intermédiaire d'un tiers , soit par surprise, pression psychologique, soit à l'occasion d'un environnement coercitif, soit en abusant de l'enfant qui, par le fait d'une maladie, par de l'altération de ses facultés ou par toute autre cause accidentelle a perdu l'usage de ses sens ou en a été privé par quelques artifices :

1) Tout homme qui introduit son organe sexuel, même superficiellement dans celui d'une enfant ou toute femme qui oblige un enfant à introduire son organe dans le sien » ;

Que pour son établissement, l'infraction de viol exige la réunionde éléments constitutifs, notamment la conjonction sexuelle, l'absence de consentement et l'élément intellectuel (Bonny Cizungu M. Nyangezi, Les infractions de A à Z, Kinshasa, Editions Nyangezi 2011, pp.761, 763 et 766).

Que par conjonction sexuelle, il faut entendre l'intromission du pénis dans le vagin. Le violeur introduit complétement ou superficiellement son organe sexuel dans celui de la victime (Bony Cizungu, op.cit., p.761) ;

Que par l'absence du consentement, il faut entendre le défaut absolu du consentement de la victime dû à l'âge de la victime (Bony Cyzungu, op.cit., p.763) ;

Que dans le cas sous examen, le Tribunalrelève que le prévenu su visé a bel et bien commis le viol sur ma mineure LOMANA en ce que, interrogé devant le magistrat instructeur, le prévenu sus visé a reconnu avoir passé la nuit avec la mineure dans le but de la sécuriser, mais a refusé l'hypothèse de coucher avec elle.

Qu'en considération de ce qui précède, dira établie en fait comme en droit la prévention de viol d'enfant mise à charge de dudit prévenu, le condamnera à 7 ans de servitude pénale principale et à une amende de 800.000 fc payable dans undélai de 45 jours ou il subira 30 jours de SPS en cas de non payement ;

Allouera d'office à la partie victime LOMAMA l'équivalent en francs congolais de 1.000 $ usd à titre des dommages et intérêts pour les préjudices subis ;

Attendu qu'il le condamnera aux frais d'instance payables dans un délai légal ou ilsubira 15 jours de contrainte par corps.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard du prévenu LOLEKA MATONDO Vasco ;

Vu la loi n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant en ses articles 170 et 171 ;

Le Ministère public entendu en ses réquisitions ;

- Dit établie en fait comme en droit l'infraction de viol d'enfant telle que libellée à charge

du prévenu LOLEKA MATONDO Vasco, en conséquence l'en condamne à 7 ans de SPP et à une amende de 800.00° fc payable dans un délai de 45 jours ou il subira 30 jours de SPPen cas de non-paiement ;

- lecondamne d'office au paiement de l'équivalent en francs congolais de 1.000 $ à titre des dommages et intérêts pour tous les préjudices subis ;

- Le condamne enfin aux frais de la présente instance payable dans le délai légal ou il subira 15 jours de contraintes par corps ;

Ainsi jugé et prononcé par le Tribunal de Grande instance de Kinshasa/Kalamu siégeant en matière répressive au premier degré à son audience publique de ce 28/05/2018 à laquelle ont siégé Ilunga Kalulua Jonathan, président de chambre, Mbuya Dada et Nkunda Munzembe Benoît, juges, avec le concours de Milambu Ukulu Vincent, officier du ministère public et le concours de Tshishimbi Pierre, greffier du siège.

Commentaires

I. Quant à la forme

Ce jugement contient trop d'incohérences etmentions inappropriéesnotamment :

1°) dans la présentation des faits, il indiqueque le prévenu est poursuivi « ...pour avoir...introduit son pénis dans le vagin de l'enfant LOMAMA KAYO, âgée de 13 ans et ce, à l'occasion d'un environnement coercitif à savoir l'hôtel Quai de Marque où l'enfant a été entrainée en vue de craindre les Kuluna. Faits prévus et punis par les articles 170 et 171 de la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l'enfant ».

Cette phase peut s'écrirede la manière suivante : « ...avoir...commis le viol d'enfant sur la personne de mademoiselle LOMAMA, âgée de 13 ans et ce, à l'occasion d'en environnement coercitif...»282(*) sans plusieurs détails qui apparaîtront dans le corps du jugement.

2°) Lors que le viol d'enfant a été commis par une autre personne que les personnes prévues à l'article170, il est conseillé de dire : « faits prévus et punis par les articles 171 et 170 de la n° 09/001 du 10 janvier 2009 portantprotection de l'enfant et non 170 et 171 comme il en est le cas dans ce jugement car, on doit commencer par la disposition qui érige en infraction l'acte posé par le prévenu et terminer avec celle qui prévoit la peine en guise du respect au principe « nullum crimen nulla poena sine lege » ou ( principe de la légalité des délits et des peines).

3°) Erreurs de syntaxe, fautes d'orthographe et omissions ;

Au 2ème attendu de ce jugement il est dit : « attendu qu'à l'appel de la cause à l'audience publique du 14.05.2018 où celle-ci ... » nous pensons que l'adverbe « où » devait laisser place à la locution adverbiale « à laquelle... ».

Au 3ème attendu, le jugement ditce qui suit « Qu'interrogé sur les griefs mis à sa charge... » alors qu'utilement les juges pouvaient dire « qu'en réplique», ce verbe(répliquer) traduit mieux le respect du droit de la défense au lieu d'une longue phrase inutile.

Le terme « mineure » employé pour signifier la fille victime de viol est abusif car le législateur lui-même utilise le concept « une enfant ».

A la page 2, au 5ème attendu, le jugement omet de renseigner le pronom personnel qui doit remplacer le « mot tribunal », on peut noter qu'entre le mot précède et dira, il ya omission d'unmot qui doit désigner le tribunal alors que les juges étaienten train de décider.

A la page 3, le mot « payable » devait s'accorder avec le mot « frais » auquel il se rapporte qui du reste est au pluriel.

II. Quant au fond

Ce jugement est insuffisamment motivé.

Si l'évidence est quela loine définit pas la motivation. Elle ne définit pas non plus de quellemanière le juge doit motiversa décision, néanmoins l'article 21 de la constitution exige que tout jugement soit motivé.

Le défaut de motivation peut découler soit ...de l'insuffisance de motivation, imprécision de la motivation, la non-réponse à conclusions et le vice de logique dans la construction syllogistique283(*).

Dans le cas sous examen, il résulte du jugement a quoque, les juges après, avoir défini l'infraction du viold'enfant et précisé ses éléments constitutifs, il se dégage qu'ilsont entretenu un flux crucial en ce qui concerne l'élément intentionnel.

En effet, les jugesn'ont pas dit en quoi sur le plan légal, consiste cet élément avant de l'analyser en faits. Alors quecelui-ci est caractérisé par la volonté consciente qu'a le prévenu de consommer les relations sexuelles avec une personne non consentante284(*).

Il en est également desdommages et intérêts.Lorsque les juges allouent à la victimeune 1000 $ usd sans justifier les éléments d'appréciation tel que le veut le législateur qui leur assigne l'obligation de requérirunmédecin ou un psychologue à ces fins.

Au-delà de ce qui vient d'être dit, on peut égalementconstater qu'il se dégage une contradiction entre la motivation et le dispositif dansle jugement au sujet de cesdommages et intérêts en ce sens que, si dans la motivation le tribunal précise qu'il les allouera à la victime LOMAMA pour les préjudices subis, il s'ensuit que dans le dispositif, le tribunal condamne le prévenu au dommages et intérêts pour les préjudices subis.

En d'autres termes, les juges ont condamné le prévenu à s'auto-indemniser, au lieu d'indemniser la victime. Alors que s'ils voulaient indemnisercette dernière.Les jugesauraientdit que :« ...le tribunal condamne le prévenu à ...pour les préjudices causés » et non pour les préjudices « subis ».

S'agissant de frais d'instance, on peut noter que le prévenu ne peut subir les contraintes par corps qu'à défaut du paiement desdits frais dans le délai fixé par les juges.Mais dans le cas d'espèce les juges condamnent le prévenu aux frais d'instance ou de contrainte par corps sans préciser que c'est à défaut de paiement de frais d'instance qu'il peut subir les contraintes par corps.

Le tribunal n'avait condamné le prévenu qu'en se fondantsur ses aveux bien que celui-ci avait nié les devant lui. Il est nécessaire dans pareil cas de recourir à l'expertisemédicale pour se faire éclairer. Pourquoi ne pas recourir au registre de l'hôtel Quai de Marque ou au témoignage du gérant de celui-ci ? Ceci permettrait au tribunal d'éviter des aveux de complaisances.

Toutes ces incohérences relevées dans ce jugement révèlent la qualité des décisions de juridictions congolaises bien que cet unique cas ne constitue pas suffisant pour apporter un jugement global.Mais il peut servir d'exemple car les cas pareils sont légions.

A la lumière de ces révélations, pouvons-nous conclure sur l'inefficacité de l'appareil judiciaire lutter contre les violences sexuelles ?

La réponse est mitigée, il est sans équivoque que la justice a du pain sur la planche dans la lutte contre les violences sexuelles faites à l'enfant. Cette justice qui ne s'inscrit pas dans la logique d'une politique criminelle responsable et capable de produire les résultats escomptés, notamment la réduction de la recrudescence de celles-ci.

Ilfaut toutefois reconnaître que quelques efforts sont fournis quant à ce, bien que timidement.

L'examen des autres indicateurs ayant trait avec à la lutte contre les violences sexuelles peut mieux confirmer cette réponse.

* 282 Lire à ce sujet KATUALA KABA-KASHALA et NGONDO BOYELI, in Le libellé des préventions, Edition mise à jour au 30 octobre 2011, Kinshasa, Editions Service de documentation et d'études du Ministère de la Justice et Garde des sceaux, 1992, p.167.

* 283 MATADI NENGA GAMANDA, Droit judiciaire privé, Louvain la neuve, Academia Bruyant, 2007, n°557, p.511.

* 284 B. CIZUNGU M. NYANGEZI, Les infractions de A à Z, Kinshasa, Ed. Laurent Nyangezi, 2011, p.766.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote