Cadre institutionnel, aide publique au développement et développement socioéconomique et politique en Haïti de 2000 à 2011.par Smith Paul Université d'état d'Haïti - Licence en Administration Publique 2019 |
5.2 Le développement économiqueLa situation politique et sociale du pays durant ces dernières années a fragilisé l'économie haïtienne. Les nombreux coups d'État, les catastrophes naturelles et le puissant séisme du 12 janvier 2010 ont renforcé l'extrême pauvreté dans laquelle « croupit » la population. La croissance économique ne suit malheureusement pas cette explosion démographique (Amicy, 2013) 5.2.1 Le PIB et le PPAAu sens strict, la croissance économique (mesurée par le PIB) décrit un processus d'accroissement de la seule production économique. Elle ne renvoie pas directement au développement économique qui, selon François Perroux, est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rend apte à faire croitre, cumulativement et durablement son produit réel, globale. Bien que la croissance économique ne mesure pas le niveau de bien-être de la population, mais il donne un aperçu de l'évolution ou son l'inverse de la richesse créée à l'intérieur de l'économie en question. En Haïti, nous écrit Lahens (2014), la croissance économique obéit aux mutations sociopolitiques et n'est pas constante. En effet, l'exorde rural qui sévit depuis plusieurs années combinées à l'érection des tentes pour abriter les 1 500 000 sans-abris, suite au séisme de 2010, ont fait grimper la population port-au-princienne alors que la croissance était positive avant le 106 JOSEPH Fritz-Pierre, La problématique de l'auto-construction non assistée et ses conséquences sur l'habitat et le niveau de vie de la population : le cas de Canaan, Cahiers du CEPODE, numéro 4, 4e année, janvier 2014. 107 Le logement est considéré, pour Chenet Jean-Baptiste qui cite Christian TOPALOV dans Le logement en France : Histoire d'une marchandise impossible, comme étant une marchandise compte tenu de la situation de la classe moyenne. La logique marchande, écrit-il, est prédominante dans la question du logement social. 98 séisme. Mais pourtant cette croissance ne signifie pas une amélioration des conditions de vie car, elle n'est pas soutenue, c'est-à-dire s'étend sur le long terme même s'il atteint un record en 2011 du probablement des flux de l'aide extérieur comme le démontre le tableau et le graphe ci-dessous. Dans le cas d'Haïti, c'était plutôt une période d'expansion économique.
Source : http://perspective.usherbrooke.ca , croissance du PIB en Haïti, consultée le 2 décembre 2018. Schématiquement, les données du précèdent tableau présente ainsi la croissance économique sur la période considérée. 99 Graphe: Graphe de l'évolution de l'économie haïtienne de 2000 à 2011 8 6 4 2 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 -2 -4 -6 -8 valeur du PIB La croissance moyenne de l'économie haïtienne de 2000 à 2011 a été de 0.64. Ce qui veut bien dire que l'économie n'a pas produit de richesse suffisante pour sa population et tant donnée que la croissance tend plutôt vers zéro et que la croissance démographique tend à la hausse. Ce qui explique une accumulation constante des fonds de la diaspora haïtienne. ST-MARTIN (2018) a écrit : « De 1980 à 2011 l'économie haïtienne fut caractérisée par un accroissement régulier et rapide des transferts provenant des haïtiens de l'extérieur. Suivant les données relayées [Montas], les transferts ont été respectivement de : 772 millions en 2000 ; 1 100 millions en 2006 et 1 400 millions sur la période 2007- 2011 » Le PIB par habitant, aussi appelé parité du pouvoir d'achat, bien que complexe, est l'un des mesures plus adéquates pour comparer des économies entre elles met elle permet d'avoir une image très juste de la richesse d'un pays. Ce tableau présente de 2000 à 2011 le PPA de l'économie haïtienne : 100 Tableau 17 : PIB par habitant en Haïti de 2000 à 2011 Années Valeur 2000 1 379 2001 1 372 2002 1 368 2003 1 378 2004 1 344 2005 1 391 2006 1 443 2007 1 507 2008 1 526 2009 1 561 2010 1 472 2011 1 562 Source : Perspective Monde [online], date de consultation : 2 décembre 2018 et Banque Mondiale La moyenne du PPA au cours de la période 2000 à 2011 a été de 1 441 dollars US alors qu'en 2005 celui de Saint-Marin était de 19 300, d'Aruba de 25 300 en 2011. Celui d'Haïti était le plus faible de la région. Selon les données de la Banque Mondiale, « plus de la moitié de la population dispose d'un revenu de moins d'un dollar par jour alors que 78 % de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour ». Cette situation de précarité permet de classer le pays comme étant le plus pauvre des Amériques et un des plus pauvres pays du monde avec un P11B de 725 dollars américains en 2011108. La situation économique du pays déjà fragile s'est aggravée suite aux nombreux désastres naturels qui ont frappé le pays, en particulier le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a détruit de nombreuses vies humaines ainsi que des infrastructures. Toujours selon la Banque Mondiale, les dommages et pertes occasionnés par ce tremblement sont estimés à environ 8 milliards de dollars, ou 120 % du P11B. Le pays a été également ravagé par de nombreuses 108 Voir www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview 101 tempêtes tropicales et ouragans au cours des dernières années qui ont causé des pertes estimées à 900 millions de dollars (soit 15 % du PIB) et qui ont mis à nu sa très grande vulnérabilité. Ces catastrophes naturelles ont fragilisé la production agricole rendant ainsi le pays de plus en plus dépendant de l'aide externe et de l'importation des produits de première nécessité. (EMMUS V, 2012) Au tournant des années 2000, la situation politique du pays était chaotique, et ce chaos politique avait de grandes incidences sur la structure de l'économie nationale. En effet, ce fiasco politique s'accompagne d'une dégradation des conditions économiques et d'une aggravation de la pauvreté. L'augmentation de la production n'a pas suivi l'accroissement naturel de la population. La production agricole déjà faible, qui subit les effets du déboisement, de l'appauvrissement des terres et ne connaît aucun investissement sérieux ne peut plus du tout nourrir la population. Haïti doit importer 51 % de sa nourriture et devient soumis aux fluctuations du marché (Haïti : Cadre de développement durable, 2017). La migration, lit-on dans Haïti : cadre de développement durable, fait partie intégrante de l'histoire d'Haïti et joue un rôle majeur dans la croissance économique du pays notamment du fait des envois de fonds. Les flux de migration interne sont également très importants en Haïti. En raison de ses caractéristiques économiques, politiques et socioculturelles, le département de l'Ouest est la destination principale des migrants internes, attirant 90 % d'entre eux (cité dans PNUD et République d'Haïti, 2014). Port-au-Prince, la capitale, reste et demeure la ville la plus peuplée de toute Haïti, elle fait partie de l'AMP109 et se trouve dans le département de l'Ouest. Selon toutes les études concernant les migrations internes, ce département est toujours le premier département de destination des migrants grâce à l'apport de l'AMP (IHSI 1981, Gardiner R. 1996, Duval Joseph C. 2006, 2011). Le secteur agricole représente environ la moitié des emplois en Haïti et compte pour 25 % du PIB (Gouvernement d'Haïti, 2010a ; Courrier international, 2010a, Cité par Dufour (2011). La pauvreté extrême répandue dans le milieu rural haïtien met la population paysanne dans l'impasse économique d'assurer leur quotidien dans la coupe des bois. Ainsi, « l'usage intensif du bois entraine de nos jours de graves problèmes de dégradation de sols, lesquels ont perdu leur couche arabe et leur éléments nutritifs par l'érosion. Conséquemment, dans les zones de fortes pénuries, en ressources ligneuses, la surexploitation se traduit par une désertification 109 L'AMP est composé de six villes : Port-au-Prince, Pétion -ville, Delmas, Carrefour, Cité -soleil, et Gabarre. Notons qu'en 1982 Delmas et Carrefour ont été créé alors que Cité -Soleil et Tabarre sont apparues en 2003. (Référence : Le MONITEUR, No 14 - Jeudi 2 février 2006 DECRET : Élévation de Cité Soleil et de Tabarre au rang de commune. 102 irréversible dont les conséquences dépassent largement le problème de l'approvisionnement en bois ». Ce phénomène débouche indubitablement sur l'érosion. Or, l'érosion est le pire ennemi de l'agriculture : c'est ce phénomène que rencontre-le plus l'agriculture d'Haïti. L'agriculture est l'un des principaux piliers d'un programme de lutte contre la pauvreté. L'amélioration du niveau et de la qualité de vie des groupes à faibles revenus en général et des communautés paysannes en particulier dépend dans une large mesure de la disponibilité de produits agricoles, en vue d'assurer la sécurité alimentaire et d'augmenter les revenus. En 2009, le secteur primaire dans son ensemble, c'est-à-dire incluant l'agriculture, la sylviculture, l'élevage et pêche, représentait seulement 24% du PIB (IHSI). Tous ceux qui se proposent de rendre compte de la situation économique d'Haïti ne manquent pas d'être frappés par la précarité chronique qui caractérise la société. La population haïtienne, à l'entame de la deuxième décennie du 21e siècle, accuse « l'incidence de pauvreté » la plus élevée de l'hémisphère occidentale comparativement à d'autres pays de la région en calculant l'indice de la pauvreté humaine (IPH) (voir le tableau ci-dessous). 103 TABLEAU 18 : INDICE DE LA PAUVRETE HUMAINE CROISEE A L'IDH COMPAREE A QUELQUES PAYS DE LA REGION
Source : Wikipédia, Classement des pays par Indicateur de pauvreté en 2000, 2-12-2018, format PDF Tableau 19 : Indice de l'espérance de vie, de scolarisation, du PPA et de l'IDH en Haïti et d'autres pays voisins
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Source : PNUD, Human développement Report 2011, cité dans Jean-Abel PIERRE, p64 105 Près de trois quarts de la population vivent avec un revenu de moins de deux dollars par jour. Selon une estimation de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) en 2003, 55% de la population soit 4.4 millions de personnes vivent à partir d'un revenu de moins d'un dollar américain ($1US) par personne/jour. Pour les haïtiens pris dans ce carcan, cela signifie de vivre, par exemple, sur la base du revenu d'un paquet de cigarettes (ou d'une petite marmite de pistaches grillés) achetées et vendues une à une dans la journée pour gagner $1 US/jour. Selon un rapport du BID en 2007, dans certaines régions du pays le niveau de pauvreté atteindrait un taux de 93%. (P. J. Abel, p.62) D'après les résultats de l'enquête sur les conditions de vies des ménages, menée par l'IHSI en 2001, 56% de la population, soit 4,4 millions de personnes, vivent avec moins de 1 dollars par jour. On peut mieux voir la gravite de la situation de précarité socioéconomique d'Haïti en comparant les données nationales avec d'autres pays de la région, comme nous le démontre ce tableau 20. |
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