SOMMAIRE
Depuis plus d'une trentaine d'années, Haïti
reçoit de la communauté internationale des fonds d'Aide Publique
au Développement pour son développement. Pourtant, loin de
favoriser ce dit développement, on assiste plutôt à une
situation de misère grandissante, de pauvreté
généralisée, d'insécurité alimentaire,
d'insécurité sociale, bref une situation qui traduit
littéralement la pauvreté et donc le sous-développement.
Les rapports publiés sur le développement humain par le PNUD nous
confirment que la situation va de mal en pis. Si les principes de l'accord de
Paris en 2005 ont mis l'accent sur le renforcement des institutions nationales
et locales en vue de l'efficacité de l'aide, le cadre institutionnel de
l'administration publique haïtienne est caractérisé, pour sa
part, par une faiblesse institutionnelle, la corruption, les gabegies
administratives qui sont des facteurs qui influent négativement sur le
développement du pays. Lorsqu'on tient compte que la bonne gouvernance
était devenue depuis après la crise de l'endettement comme
étant l'une des conditionnalités de l'APD, en Haïti, non
seulement elle n'était pas rendez-vous, mais aussi les bailleurs n'ont
pas oeuvré à sa mise en oeuvre, et l'aide, malgré cette
situation de mauvaise gouvernance, n'a fait qu'accroitre. Bien que la
littérature et les études faites sur l'APD ne confirment pas
qu'elle favorise le développement, mais certains pays l'ont
utilisée une façon qui leur permettent de faire certaines
avancées significatives sur le plan socio-économique et politique
comme par exemple le Rwanda, en Afrique. Alors que Kigali a conscience que les
bailleurs ne veulent que la dépendance du Rwanda par rapport à
l'APD, il a profité en mettant en place un cadre institutionnel
appréciable le permettant de l'utiliser efficacement. Ce que
Port-au-Prince, comme Bamako, n'a pas su faire. Nos dirigeants n'ont pas pu
faire, au cours de la période 2000 à 2011, de choix publics
pouvant répondre aux besoins de la population.
Problématique
Ces dernières décennies sont
caractérisées par la naissance d'un ensemble d'organismes, de
tout un ensemble de plans aussi bien que des programmes venant des pays
développés visant à renforcer ou à promouvoir le
développement et ses corollaires dans les pays pauvres ou en
développement.
Le montant d'aide alloués à l'endroit de ces
derniers croît à un rythme galopant surtout en destination les
pays de l'Afrique sub-saharienne, les pays de l'Asie du sud-est de
l'océan indien
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ou de l'Amérique latine (et caraïbes). L'OCDE
(2005) souligne qu'en 2003, les pays membres du CAD ont consacré
quelques 69 milliards USD d'APD nette au pays en développement, soit
l'équivalent de 0.25 pour cent de leur RNB cumulé. En 2002, le
montant des dettes effacées représentait en effet 11 pour cent
contre 7 pour cent en 2001 et 6 pour cent en 2000. Une projection a
été même faite par OCDE qu'en 2006, si les engagements pris
à l'occasion de la conférence internationale des Nations Unies
sur le financement pour le développement sont honorés. Si le
moment de ces aides croît ainsi, le niveau de vie et les conditions
socioéconomiques et politiques dans lesquelles ces pays évoluent
demeurent toutefois inchangées. Ainsi, les problèmes migratoires,
dont l'objectif primordial des ressortissants est la recherche de meilleures
conditions de vie, sont de plus en plus accrues. Nous tachons de rappeler qu'il
existe aujourd'hui 42 millions de réfugiés dans le monde,
déplacés notamment en raison de situations de conflits ou de
facteurs politiques et ethniques. Les inégalités entre genre, les
problèmes sociaux chroniques, la faim, les conflits armés
internes, l'inaccessibilité ou l'accès difficile à
l'éducation, les difficiles situations environnementales
écologiques, sanitaires provoquées par le changement climatique,
qui facilitent un terrain fertile à la propagation de maladies (AFD,
2010), ... sont entre autres des paramètres fondamentaux expliquant
l'environnement général des pays pauvres reparties dans l'Asie du
Sud 'Est, de l'Afrique Subsaharienne et des Caraïbes.
De part de son statut en tant que Pays pauvres et seul PMA de
l'Amérique, Haïti, étant voisin des pays de l'Asie du Sud
Est et de l'Afrique sub-saharienne, n'est pas exempté des alarmantes
situations dans lesquelles ils s'évoluent ; peut-être même
si la situation ne s'est pas plus à la hausse. D'ailleurs, ils ne sont
pas singuliers ceux qui pensent que la situation actuelle d'Haïti dans
tous les aspects considérés est critique. En fait, selon Fred
Doura (2003), Haïti était classée à partir de 1981
par l'ONU au rang du seul PMA dans l'Amérique et des Caraïbes. Cet
appauvrissement, poursuit-il, n'est pas le fruit du hasard mais d'un processus
[...].
Du point de vue économique, presque tout s'unit la voix
pour admettre que la situation de l'économie haïtienne va mal. Les
problèmes de la dégradation de l'environnement deviennent de plus
en plus immenses. De 2000-2011, les problèmes environnementaux n'ont
connu aucun essor, bien au contraire, ils persistent. En effet, jusqu'en 2014,
comme le souligne Jean-Richard Lahens (2014), le portrait de la
problématique environnementale en Haïti se résume ainsi :
- Déforestation et ses conséquences sur la
biodiversité ; - Désertification des terres arabes due à
l'érosion ;
xix
- Gestion des risques qui s'articule autour de la
vulnérabilité des catastrophes naturelles ; - Insalubrité
et pollution, etc.
A dire vrai, depuis bien des années Haïti a connu
de profondes modifications dans certains paramètres dans le secteur
agricole, due principalement à la baisse de la pluviosité.
L'état de l'environnement écologique du pays favorise
l'érosion et le climat prospère pour la terre infertile. A cela
s'ajoute aussi le phénomène du taux de croissance
élevé, induisant une forte réduction des superficies des
terres cultivables et actives dans le milieu rural par faute d'une politique
d'aménagement du territoire bien définie. Comme
conséquence, pour une population qui enregistre un taux de croissance
annuel d'environ 2 %, seulement 50 % des besoins alimentaires sont couvert par
la production nationale (Banque Mondiale, 2000), ce qui engendre une inflation
importée due même aux besoins de satisfaction de masse ou de
première nécessité. En terme macroéconomique, le
pays n'a pas vraiment connu un taux de croissance pouvant améliorer ou
relever le défi de l'économie : 0.88 % en 2000, -5.5 en 2010,
5.52 en 2011, selon MEF-IHSI (2014).
Faute à cette incapacité de production, la
monnaie locale connait de jour en jour une chute libre. Le pouvoir d'achat de
la population se trouve donc diminuer, d'où la cherté de la vie.
La valeur de la monnaie nationale a dégringolé en passant de 5
gourdes en 1990 à plus de 45 gourdes en 2014 pour un dollar, soit une
augmentation de plus de 900%. Cette situation s'explique par le fait qu'on
enregistre toujours un déficit de la balance des paiements car le pays
dépend à plus de 50% de l'extérieur pour assurer sa
consommation journalière (MEF-IHSI, 2014). Le PIB par habitant est de
450 $ et 70 à 80 % des habitants sont en dessous du seuil de
pauvreté : 60 % des haïtiens vivent avec moins de 0,70 € par
jour. En terme général, le pays se trouve toujours au dernier
plan dans tous les classements dans la zone Amérique Latine et
Caraïbes.
Le rythme d'accroissement de la population urbaine par rapport
à la population rurale illustre la spectaculaire croissance des grandes
villes traduisant un système primatial qui ne cesse de s'accuser avec
l'augmentation continuelle du poids urbain de l'AMP et des chefs-lieux de
département depuis 1950 (Joseph Duval C., 2013). Durant les derniers
recensements, le nombre de migrants pour l'ensemble du pays a presque
triplé (2.64) tandis que ceux de l'AMP et des villes chefs-lieux de
département ont été multipliés par 18. Ces derniers
qui représentaient 10.99% en 1950 sont passés à 77.07% en
2003. Si la littérature sur l'urbanisation et l'armature urbaine a
montré que les agglomérations sont étroitement
liées aux activités économiques, nous
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pouvons dire que ce flux de migrants orientant surtout vers
l'AMP a pour principal objectif un mieux-être économique. Ce que
ne confirment pas les chiffres puisque IHSI (2003) enregistre un taux effrayant
de chômage allant jusqu'à 60 %. L'espérance de vie est de
56 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. La mortalité infantile
(71 pour mille) est la plus élevée du continent
américain.
L'éducation est un autre des paramètres les plus
fragrants démontrant l'incapacité de l'Etat de répondre
aux besoins de la population. Les écarts entre genre, les
disparités villes-campagnes dans la disponibilité du nombre
d'école, le phénomène d'école illégales et
borlettes sont la problématique dominante du système
éducatif haïtien. Selon l'UNICEF2, le système
éducatif haïtien accueille environ 2 700 000 élèves
dans près de 17 000 écoles. Le taux net de scolarisation se situe
à environ 60 %. Environ 380 000 enfants âgés de 6 à
11 ans ne fréquentent pas l'école. L'échec scolaire
répété devient une plaque tournante : chaque année
on enregistre des taux d'abandon et de redoublement scolaire (14.5% pour le
1e et 2e cycle en 2010). Dans l'ensemble, selon MENFP
(2010-2011), le secteur non-public totalise 88% des écoles du pays
contre 12 % pour le secteur public. En ce qui concerne l'enseignement
supérieur, l'Université d'Etat d'Haïti, qui demeure le
premier choix des bacheliers, ne peut satisfaire que 6 à 10 % de la
totale de demande.
Ajouter à ces problèmes tant d'ordre structurel
qu'institutionnel la question de la corruption sous toutes ses formes qui ronge
l'administration publique. La corruption reste l'un des fléaux les plus
aigus de l'administration publique. RNDDH (mars 2015), dans un rapport
publié a écrit: « Depuis plusieurs décennies,
Haïti croule sous le poids de la corruption. Toutes les institutions
étatiques sont indexées3 » [...]. Dans un
document daté de 2009, l'un des organismes indépendants
créé justement dans la mouvance d'une quête de
modernisation de l'Etat, à savoir l'Unité de lutte contre la
corruption (ULCC), fait un décompte assez caractéristique des
maux minant l'administration publique. Elle cite ainsi, entre autres : les
mauvaises conditions de travail au sein de la fonction publique, la
centralisation excessive de l'administration publique et la lenteur
enregistrée dans les prestations de services publics à fournir
aux usagers, la non-reconnaissance du mérite et la pratique du
népotisme, la faiblesse et la dépendance du système
judiciaire, l'inapplication des dispositions légales de
répression
2 Evelyne, TROUILLOT MENARD, «
L'éducation en Haïti : inégalités économiques
et sociales et question de genre. La femme dans l'enseignement supérieur
», article paru dans la revue Haïti Perspectives, vol. 2
· no 3 · Automne 2013.
3 RNDDH, CSC/CS-Corruption : le RNDDH exige la
démission et la mise en examen de l'ex-président Monie
Matthieu, Port-au-Prince, 18 mars 2015, p3.
xxi
de la corruption, l'impunité, l'absence de
transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, l'absence de reddition des
comptes de la part des gestionnaires des deniers publics et la non
réglementation de l'accès aux informations
publiques4 [...]. Et, avec un IDH de 0.50, Haïti est
classé 146e pays sur 177, et ne laisse derrière que
des pays pauvres de l'Asie du Sud-Est et des pays africains ayant battu des
records en matière de corruption, ravagés par la guerre civile ou
encore en situation de post-conflit. Haïti cumule toutes ces
tragédies y compris la guerre civile5 surtout dans la
période allant de 2000 à 2004.
Force de considérations de tous ces problèmes
énumérés, et tenant compte que le pays
bénéficie depuis plusieurs décennies de l'APD (B. Paul,
2012), et que l'aide ne saurait octroyée à Haïti en
particulier et aux PED en général, sans la mise en place des
institutions fortes pour combattre la corruption, l'on est en situation et en
droit de se demander qu'est ce qui freiner le développement d'Haïti
au cours de la période 2000 à 2011 ? Est-ce que la bonne
gouvernance a été le pilier central de la mise en oeuvre des
fonds de l'APD ou du moins, les donateurs, s'efforcent-ils vraiment à la
création ou à l'instauration d'un climat d'une bonne gouvernance
institutionnelle pouvant sortir le pays du marasme auquel se trouve-t-il depuis
des décennies ?
Afin de répondre à ces questionnements, nous
avons formulé l'hypothèse suivante : Le cadre institutionnel
mis en place [par la constitution de 1987] pour la bonne de l'administration
publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la
corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas
assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au
développement appelée à favoriser le progrès
socioéconomique et politique en Haïti au cours de la période
2000-2011, divisée en deux sous-hypothèse qui sont
l'hypothèse secondaire 1 intitulé : Le cadre institutionnel
mis en place par la Constitution de 1987 pour la bonne marche de
l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du
phénomène de la corruption, de la non transparence et de la
mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de
l'aide publique au développement en Haïti au cours de la
période 2000-2011, et l'hypothèse secondaire 2 : Le
cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne
marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du
phénomène de la corruption,
4 MEF/ULCC, 2009, cité par Jean-Abel PIERRE
dans «Sociologie Économique de la corruption. Vers une étude
de l'implémentation des politiques publiques de lutte contre la
corruption en Haïti», thèse de doctorat, Université
Paris-Sorbonne.
5 Nadine, BAGGIONI-LOPEZ,
Saint-Domingue/Haïti : histoire, géographie, enseignement
(collèges, lycée professionnel, slnd, p63.
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de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a
pas favorisé le progrès socioéconomique et politique
d'Haïti au cours de la période 2000-2011.
Cadre théorico-conceptuel. -
Comme toute recherche digne de ce nom, notre travail de recherche est
circonscrit autour d'une cadre d'analyse qui favorise la démarche
objective de la recherche. Nous avons d'abord un cadre théorique,
ensuite un cadre conceptuel, et enfin le cadre méthodologique.
Le cadre théorique est composé de trois (3)
théories. D'abord la théorie de la bonne gouvernance qui se veut
d'abord et avant une théorie normative, dans le sens qu'elle
émette des principes, des marches à suivre, des règles
pour la bonne marche des institutions tant publiques que privées.
Ensuite nous avons la théorie des choix publics qui voient les hommes
politiques comme des entrepreneurs, dans le sens que ceux-ci ne veulent que
satisfaire leur ego. Au lieu de travailler pour le peuple comme ils le
prétendent, ces derniers n'ont fait qu'oeuvrer pour accumuler du
pouvoir, et ainsi, de la richesse. Enfin, nous avons choisi de travailler avec
la théorie de la dépendance pour comprendre la relation entre
l'aide et le développement. Cette théorie montre que les pays
capitalistes développés, appelé aussi pays du Centre sont
des pays impérialistes et que le développement ne saurait pas
possible avec l'impérialisme. Si donc ils maintiennent une relation
d'aide avec des pays pauvre, ce n'est que pour les maintenir dans la
périphérie et nom le développement. Le
développement suppose l'autonomie. Comme dans le cadre de notre travail
il s'agit d'institutions publiques, la théorie de la bonne gouvernance
est la théorie référentielle.
En ce qui concerne le cadre conceptuel, nous avons
tenté de définir les concepts-clés de la recherche comme
APD qui est un transfert de ressources des pays développés aux
PED ; le cadre institutionnel comme étant l'ensemble des institutions et
des normes qui gouvernent l'Etat et les CT ; la coopération
internationale comme étant l'activité qui vise explicitement
à soutenir les priorités de développement nationales ou
internationales et aussi la faiblesse de l'administration publique qui
signifie donc l'incapacité de celle-ci à diriger et exercer
son autorité, et in extenso, l'incapacité tout court de
l'Etat. Pour les démarches d'ordre méthodologiques, nous
avons adopté l'observation directe, la méthode documentaire et la
méthode historico-comparative.
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