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Cadre institutionnel, aide publique au développement et développement socioéconomique et politique en Haïti de 2000 à  2011.


par Smith Paul
Université d'état d'Haïti - Licence en Administration Publique  2019
  

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SOMMAIRE

Depuis plus d'une trentaine d'années, Haïti reçoit de la communauté internationale des fonds d'Aide Publique au Développement pour son développement. Pourtant, loin de favoriser ce dit développement, on assiste plutôt à une situation de misère grandissante, de pauvreté généralisée, d'insécurité alimentaire, d'insécurité sociale, bref une situation qui traduit littéralement la pauvreté et donc le sous-développement. Les rapports publiés sur le développement humain par le PNUD nous confirment que la situation va de mal en pis. Si les principes de l'accord de Paris en 2005 ont mis l'accent sur le renforcement des institutions nationales et locales en vue de l'efficacité de l'aide, le cadre institutionnel de l'administration publique haïtienne est caractérisé, pour sa part, par une faiblesse institutionnelle, la corruption, les gabegies administratives qui sont des facteurs qui influent négativement sur le développement du pays. Lorsqu'on tient compte que la bonne gouvernance était devenue depuis après la crise de l'endettement comme étant l'une des conditionnalités de l'APD, en Haïti, non seulement elle n'était pas rendez-vous, mais aussi les bailleurs n'ont pas oeuvré à sa mise en oeuvre, et l'aide, malgré cette situation de mauvaise gouvernance, n'a fait qu'accroitre. Bien que la littérature et les études faites sur l'APD ne confirment pas qu'elle favorise le développement, mais certains pays l'ont utilisée une façon qui leur permettent de faire certaines avancées significatives sur le plan socio-économique et politique comme par exemple le Rwanda, en Afrique. Alors que Kigali a conscience que les bailleurs ne veulent que la dépendance du Rwanda par rapport à l'APD, il a profité en mettant en place un cadre institutionnel appréciable le permettant de l'utiliser efficacement. Ce que Port-au-Prince, comme Bamako, n'a pas su faire. Nos dirigeants n'ont pas pu faire, au cours de la période 2000 à 2011, de choix publics pouvant répondre aux besoins de la population.

Problématique

Ces dernières décennies sont caractérisées par la naissance d'un ensemble d'organismes, de tout un ensemble de plans aussi bien que des programmes venant des pays développés visant à renforcer ou à promouvoir le développement et ses corollaires dans les pays pauvres ou en développement.

Le montant d'aide alloués à l'endroit de ces derniers croît à un rythme galopant surtout en destination les pays de l'Afrique sub-saharienne, les pays de l'Asie du sud-est de l'océan indien

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ou de l'Amérique latine (et caraïbes). L'OCDE (2005) souligne qu'en 2003, les pays membres du CAD ont consacré quelques 69 milliards USD d'APD nette au pays en développement, soit l'équivalent de 0.25 pour cent de leur RNB cumulé. En 2002, le montant des dettes effacées représentait en effet 11 pour cent contre 7 pour cent en 2001 et 6 pour cent en 2000. Une projection a été même faite par OCDE qu'en 2006, si les engagements pris à l'occasion de la conférence internationale des Nations Unies sur le financement pour le développement sont honorés. Si le moment de ces aides croît ainsi, le niveau de vie et les conditions socioéconomiques et politiques dans lesquelles ces pays évoluent demeurent toutefois inchangées. Ainsi, les problèmes migratoires, dont l'objectif primordial des ressortissants est la recherche de meilleures conditions de vie, sont de plus en plus accrues. Nous tachons de rappeler qu'il existe aujourd'hui 42 millions de réfugiés dans le monde, déplacés notamment en raison de situations de conflits ou de facteurs politiques et ethniques. Les inégalités entre genre, les problèmes sociaux chroniques, la faim, les conflits armés internes, l'inaccessibilité ou l'accès difficile à l'éducation, les difficiles situations environnementales écologiques, sanitaires provoquées par le changement climatique, qui facilitent un terrain fertile à la propagation de maladies (AFD, 2010), ... sont entre autres des paramètres fondamentaux expliquant l'environnement général des pays pauvres reparties dans l'Asie du Sud 'Est, de l'Afrique Subsaharienne et des Caraïbes.

De part de son statut en tant que Pays pauvres et seul PMA de l'Amérique, Haïti, étant voisin des pays de l'Asie du Sud Est et de l'Afrique sub-saharienne, n'est pas exempté des alarmantes situations dans lesquelles ils s'évoluent ; peut-être même si la situation ne s'est pas plus à la hausse. D'ailleurs, ils ne sont pas singuliers ceux qui pensent que la situation actuelle d'Haïti dans tous les aspects considérés est critique. En fait, selon Fred Doura (2003), Haïti était classée à partir de 1981 par l'ONU au rang du seul PMA dans l'Amérique et des Caraïbes. Cet appauvrissement, poursuit-il, n'est pas le fruit du hasard mais d'un processus [...].

Du point de vue économique, presque tout s'unit la voix pour admettre que la situation de l'économie haïtienne va mal. Les problèmes de la dégradation de l'environnement deviennent de plus en plus immenses. De 2000-2011, les problèmes environnementaux n'ont connu aucun essor, bien au contraire, ils persistent. En effet, jusqu'en 2014, comme le souligne Jean-Richard Lahens (2014), le portrait de la problématique environnementale en Haïti se résume ainsi :

- Déforestation et ses conséquences sur la biodiversité ; - Désertification des terres arabes due à l'érosion ;

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- Gestion des risques qui s'articule autour de la vulnérabilité des catastrophes naturelles ; - Insalubrité et pollution, etc.

A dire vrai, depuis bien des années Haïti a connu de profondes modifications dans certains paramètres dans le secteur agricole, due principalement à la baisse de la pluviosité. L'état de l'environnement écologique du pays favorise l'érosion et le climat prospère pour la terre infertile. A cela s'ajoute aussi le phénomène du taux de croissance élevé, induisant une forte réduction des superficies des terres cultivables et actives dans le milieu rural par faute d'une politique d'aménagement du territoire bien définie. Comme conséquence, pour une population qui enregistre un taux de croissance annuel d'environ 2 %, seulement 50 % des besoins alimentaires sont couvert par la production nationale (Banque Mondiale, 2000), ce qui engendre une inflation importée due même aux besoins de satisfaction de masse ou de première nécessité. En terme macroéconomique, le pays n'a pas vraiment connu un taux de croissance pouvant améliorer ou relever le défi de l'économie : 0.88 % en 2000, -5.5 en 2010, 5.52 en 2011, selon MEF-IHSI (2014).

Faute à cette incapacité de production, la monnaie locale connait de jour en jour une chute libre. Le pouvoir d'achat de la population se trouve donc diminuer, d'où la cherté de la vie. La valeur de la monnaie nationale a dégringolé en passant de 5 gourdes en 1990 à plus de 45 gourdes en 2014 pour un dollar, soit une augmentation de plus de 900%. Cette situation s'explique par le fait qu'on enregistre toujours un déficit de la balance des paiements car le pays dépend à plus de 50% de l'extérieur pour assurer sa consommation journalière (MEF-IHSI, 2014). Le PIB par habitant est de 450 $ et 70 à 80 % des habitants sont en dessous du seuil de pauvreté : 60 % des haïtiens vivent avec moins de 0,70 € par jour. En terme général, le pays se trouve toujours au dernier plan dans tous les classements dans la zone Amérique Latine et Caraïbes.

Le rythme d'accroissement de la population urbaine par rapport à la population rurale illustre la spectaculaire croissance des grandes villes traduisant un système primatial qui ne cesse de s'accuser avec l'augmentation continuelle du poids urbain de l'AMP et des chefs-lieux de département depuis 1950 (Joseph Duval C., 2013). Durant les derniers recensements, le nombre de migrants pour l'ensemble du pays a presque triplé (2.64) tandis que ceux de l'AMP et des villes chefs-lieux de département ont été multipliés par 18. Ces derniers qui représentaient 10.99% en 1950 sont passés à 77.07% en 2003. Si la littérature sur l'urbanisation et l'armature urbaine a montré que les agglomérations sont étroitement liées aux activités économiques, nous

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pouvons dire que ce flux de migrants orientant surtout vers l'AMP a pour principal objectif un mieux-être économique. Ce que ne confirment pas les chiffres puisque IHSI (2003) enregistre un taux effrayant de chômage allant jusqu'à 60 %. L'espérance de vie est de 56 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. La mortalité infantile (71 pour mille) est la plus élevée du continent américain.

L'éducation est un autre des paramètres les plus fragrants démontrant l'incapacité de l'Etat de répondre aux besoins de la population. Les écarts entre genre, les disparités villes-campagnes dans la disponibilité du nombre d'école, le phénomène d'école illégales et borlettes sont la problématique dominante du système éducatif haïtien. Selon l'UNICEF2, le système éducatif haïtien accueille environ 2 700 000 élèves dans près de 17 000 écoles. Le taux net de scolarisation se situe à environ 60 %. Environ 380 000 enfants âgés de 6 à 11 ans ne fréquentent pas l'école. L'échec scolaire répété devient une plaque tournante : chaque année on enregistre des taux d'abandon et de redoublement scolaire (14.5% pour le 1e et 2e cycle en 2010). Dans l'ensemble, selon MENFP (2010-2011), le secteur non-public totalise 88% des écoles du pays contre 12 % pour le secteur public. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'Université d'Etat d'Haïti, qui demeure le premier choix des bacheliers, ne peut satisfaire que 6 à 10 % de la totale de demande.

Ajouter à ces problèmes tant d'ordre structurel qu'institutionnel la question de la corruption sous toutes ses formes qui ronge l'administration publique. La corruption reste l'un des fléaux les plus aigus de l'administration publique. RNDDH (mars 2015), dans un rapport publié a écrit: « Depuis plusieurs décennies, Haïti croule sous le poids de la corruption. Toutes les institutions étatiques sont indexées3 » [...]. Dans un document daté de 2009, l'un des organismes indépendants créé justement dans la mouvance d'une quête de modernisation de l'Etat, à savoir l'Unité de lutte contre la corruption (ULCC), fait un décompte assez caractéristique des maux minant l'administration publique. Elle cite ainsi, entre autres : les mauvaises conditions de travail au sein de la fonction publique, la centralisation excessive de l'administration publique et la lenteur enregistrée dans les prestations de services publics à fournir aux usagers, la non-reconnaissance du mérite et la pratique du népotisme, la faiblesse et la dépendance du système judiciaire, l'inapplication des dispositions légales de répression

2 Evelyne, TROUILLOT MENARD, « L'éducation en Haïti : inégalités économiques et sociales et question de genre. La femme dans l'enseignement supérieur », article paru dans la revue Haïti Perspectives, vol. 2
· no 3
· Automne 2013.

3 RNDDH, CSC/CS-Corruption : le RNDDH exige la démission et la mise en examen de l'ex-président Monie Matthieu, Port-au-Prince, 18 mars 2015, p3.

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de la corruption, l'impunité, l'absence de transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, l'absence de reddition des comptes de la part des gestionnaires des deniers publics et la non réglementation de l'accès aux informations publiques4 [...]. Et, avec un IDH de 0.50, Haïti est classé 146e pays sur 177, et ne laisse derrière que des pays pauvres de l'Asie du Sud-Est et des pays africains ayant battu des records en matière de corruption, ravagés par la guerre civile ou encore en situation de post-conflit. Haïti cumule toutes ces tragédies y compris la guerre civile5 surtout dans la période allant de 2000 à 2004.

Force de considérations de tous ces problèmes énumérés, et tenant compte que le pays bénéficie depuis plusieurs décennies de l'APD (B. Paul, 2012), et que l'aide ne saurait octroyée à Haïti en particulier et aux PED en général, sans la mise en place des institutions fortes pour combattre la corruption, l'on est en situation et en droit de se demander qu'est ce qui freiner le développement d'Haïti au cours de la période 2000 à 2011 ? Est-ce que la bonne gouvernance a été le pilier central de la mise en oeuvre des fonds de l'APD ou du moins, les donateurs, s'efforcent-ils vraiment à la création ou à l'instauration d'un climat d'une bonne gouvernance institutionnelle pouvant sortir le pays du marasme auquel se trouve-t-il depuis des décennies ?

Afin de répondre à ces questionnements, nous avons formulé l'hypothèse suivante : Le cadre institutionnel mis en place [par la constitution de 1987] pour la bonne de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement appelée à favoriser le progrès socioéconomique et politique en Haïti au cours de la période 2000-2011, divisée en deux sous-hypothèse qui sont l'hypothèse secondaire 1 intitulé : Le cadre institutionnel mis en place par la Constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011, et l'hypothèse secondaire 2 : Le cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption,

4 MEF/ULCC, 2009, cité par Jean-Abel PIERRE dans «Sociologie Économique de la corruption. Vers une étude de l'implémentation des politiques publiques de lutte contre la corruption en Haïti», thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne.

5 Nadine, BAGGIONI-LOPEZ, Saint-Domingue/Haïti : histoire, géographie, enseignement (collèges, lycée professionnel, slnd, p63.

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de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le progrès socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011.

Cadre théorico-conceptuel. - Comme toute recherche digne de ce nom, notre travail de recherche est circonscrit autour d'une cadre d'analyse qui favorise la démarche objective de la recherche. Nous avons d'abord un cadre théorique, ensuite un cadre conceptuel, et enfin le cadre méthodologique.

Le cadre théorique est composé de trois (3) théories. D'abord la théorie de la bonne gouvernance qui se veut d'abord et avant une théorie normative, dans le sens qu'elle émette des principes, des marches à suivre, des règles pour la bonne marche des institutions tant publiques que privées. Ensuite nous avons la théorie des choix publics qui voient les hommes politiques comme des entrepreneurs, dans le sens que ceux-ci ne veulent que satisfaire leur ego. Au lieu de travailler pour le peuple comme ils le prétendent, ces derniers n'ont fait qu'oeuvrer pour accumuler du pouvoir, et ainsi, de la richesse. Enfin, nous avons choisi de travailler avec la théorie de la dépendance pour comprendre la relation entre l'aide et le développement. Cette théorie montre que les pays capitalistes développés, appelé aussi pays du Centre sont des pays impérialistes et que le développement ne saurait pas possible avec l'impérialisme. Si donc ils maintiennent une relation d'aide avec des pays pauvre, ce n'est que pour les maintenir dans la périphérie et nom le développement. Le développement suppose l'autonomie. Comme dans le cadre de notre travail il s'agit d'institutions publiques, la théorie de la bonne gouvernance est la théorie référentielle.

En ce qui concerne le cadre conceptuel, nous avons tenté de définir les concepts-clés de la recherche comme APD qui est un transfert de ressources des pays développés aux PED ; le cadre institutionnel comme étant l'ensemble des institutions et des normes qui gouvernent l'Etat et les CT ; la coopération internationale comme étant l'activité qui vise explicitement à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales et aussi la faiblesse de l'administration publique qui signifie donc l'incapacité de celle-ci à diriger et exercer son autorité, et in extenso, l'incapacité tout court de l'Etat. Pour les démarches d'ordre méthodologiques, nous avons adopté l'observation directe, la méthode documentaire et la méthode historico-comparative.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon