La détention préventive et protection des droits de l'homme au Togo.par Lar KOMBATE Université de Nantes (France) - Master 2 droit international et européen des droits fondamentaux 2016 |
A. Les mécanismes et institutions onusiens de protection des droits de l'hommeLa protection ou la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux des détenus préventifs est garantie par plusieurs mécanismes et institutions internationaux onusiens dont les principaux sont : le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels (CODESC) qui est l'organe des Nations Unies chargé de surveiller l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Conseil des droits de l'homme138, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), le Comité des Droits de l'Enfant139, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, le Groupe de travail sur la détention arbitraire, l'UNICEF, le Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme chargé de l'Examen Périodique Universel et des procédures spéciales140tels que le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces mécanismes ou institutions apportent leur assistance à l'Etat togolais pour la mise en oeuvre des recommandations qu'ils ont formulées dans leurs rapports périodiques. 137Source site Nations Unies ( http://www2.ohchr.org/english/bodies/treaty/index.htm), cité par le professeur Eric MONDIELLI dans le cours droit international des droits de l'homme du master 2 droit international et européen des droits fondamentaux, p.14. 138Le Togo a été élu membre du Conseil des droits de l'homme en octobre 2015. 139 Organe des Nations Unies qui est chargé de surveiller l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. 140Procédures spéciales" est le terme généralement attribué aux mécanismes mis en place par le Conseil des droits de l'homme, qui s'occupent de la situation spécifique d'un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Il existe actuellement 38 mandats thématiques et 14 mandats par pays. 78 En cas de violation des droits de l'homme, le Système des Nations Unies a pour rôles d'ordonner, de contrôler, et de sanctionner les violations des droits des individus. Ainsi saisi pour violation des droits et de libertés fondamentaux dans l'affaire d'atteinte à la sûreté nationale, le Groupe de travail sur la détention arbitraire a, dans son avis N° 45/2014, qualifié la privation de liberté de Kpatcha Gnassingbé, Ougbakiti Seïdou, Esso Gnassingbé, et consorts, d'arbitraire et de violation des droits et libertés proclamés dans les articles 9, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que dans les articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques141. Par conséquent, le Groupe de travail « prie le Gouvernement togolais de procéder sans attendre à la libération de Kpatcha GNASSINGBE, OUGBAKITI Seïdou, Esso GNASSINGBE et consorts et d'ordonner une enquête indépendante et impartiale sur les actes de torture dont ces derniers auraient fait l'objet pendant leur détention au secret, d'en tirer toutes les conséquences légales relativement à ses engagements internationaux, en révisant leur procès ou en procédant à la réparation intégrale de leur préjudice, conformément à l'article 9, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. » Ne disposant pas de force juridique contraignante, ledit avis est resté lettre morte. Aucune mesure n'a été prise par les autorités togolaises afin que les victimes rentrent dans leurs droits. Les auteurs de ces exactions ont été simplement mutés de leurs postes de travail et promus ailleurs. Cet exemple n'est pas l'unique cas de violation des droits des prévenus. Les conditions de détention actuelles dans les établissements pénitentiaires sont très déplorables et constituent un danger pour la santé publique. Le système universel de protection et de garantie des Droits de la personne humaine ne prévoit pas un contrôle juridictionnel, ce rôle étant dévolu plutôt au Comité des Droits de l'homme, organe du système des Nations unies. Il s'appuie sur l'action des cours régionales à savoir la Cour européenne des Droits de l'homme, la Cour interaméricaine des Droits de l'homme et la Cour africaine des Droits de l'homme et des peuples. Lesdites cours assurent déjà un contrôle juridictionnel effectif par l'application de leurs dispositions conventionnelles respectives. Bien que la convention européenne ne soit applicable qu'aux pays membres du Conseil de l'Europe, la jurisprudence de ces organes de contrôle que sont la Cour et la Commission, est d'une telle richesse qu'il est tout indiqué de s'en inspirer. Les organisations de la société civile et le système des Nations-Unies doivent faire pression morale sur le Togo afin qu'il réinstaure les droits et libertés fondamentaux des 141 Conseil des droits de l'homme, Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa soixante et onzième session, 17-21 novembre 2014, A/HRC/WGAD/2014/45, Distr. Générale 11 février 2015. 79 détenus préventifs. Il est urgent que les mécanismes onusiens interviennent davantage et de façon régulière dans les établissements pénitentiaires togolais. Hormis l'influence du Système des Nations Unies, il existe d'autres institutions de défense des droits de l'homme qui interviennent au Togo. B. Les institutions internationales non onusiennes des droits de l'hommePlusieurs organismes internationaux et ONG internationales ou régionales oeuvrent inlassablement pour la protection des droits humains en général et des personnes vulnérables comme les détenus. Il s'agit de :l'Organisation Mondiale de la Santé, Comité International de la Croix-Rouge pour personne en détresse, Penal Reform international pour les conditions de détention, la Fédération internationale de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, Prisonniers sans frontières et Amnesty international, Human Rights Watch, Union Chrétienne de Jeunes Gens142, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, le Rapporteur Spécial des Prisons et Conditions de Détention en Afrique143, le Comité de prévention de la torture en Afrique et le Réseau des Institutions Nationales Africaines des Droits de l'Homme. Il faut préciser que cette liste n'est pas exhaustive. Dans le cadre de la protection des Droits de l'homme, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples a mis en place la Commission Africaine des Droits de l'homme et des Peuples. Cette Commission a crée quinze mécanismes spéciaux de protection des droits de l'homme. Les principaux mécanismes spéciaux intervenants dans l'administration judiciaire et pénitentiaire sont : Rapporteur spécial sur les prisons, les conditions de détention et l'action policière en Afrique, Rapporteur spécial sur les défenses des droits de l'homme, Comité pour la prévention de la torture en Afrique, Groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires en Afrique.144Depuis 1998, elle a été renforcée par le protocole instituant une Cour africaine des Droits de l'homme et des peuples. 142Union Chrétienne de Jeunes Gens joue un rôle remarquable en matière de monotoring dans les lieux de détention dans le monde. 143La fonction de Rapporteur spécial sur les prisons et les conditions de détention a été créée lors de la 20e session ordinaire de la Commission, à la suite du Séminaire sur les conditions carcérales en Afrique (Kampala, 19-21 septembre 1996). Il est donc un des plus anciens mécanismes spéciaux. Le Rapporteur spécial est habilité à examiner la situation des personnes privées de leur liberté dans les territoires des Etats parties à la Charte africaine sur les Droits de l'Homme et des Peuples. 144 Source : site de l'Union Africaine, http://www.achpr.org/fr/instruments/achpr/, (consulté le 29 mai 2016). 80 Toujours dans le cadre régional de protection des droits de l'homme, le Togo est membre de l'Union africaine et de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Cette dernière est devenue une communauté des droits de l'homme sans renoncer à l'esprit communautaire initial qui la sous-tendait. Elle s'est inscrite dans un processus d'intégration plus dynamique dont les fonds baptismaux ont été posés par le Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 Janvier 2005, portant amendement du Protocole A/P /17 /91, relatif à la Cour de justice de la Communauté. Ce qui confère un droit d'accès direct des justiciables au prétoire du juge communautaire de la CEDEAO. En effet, la nouvelle mission de la Cour de justice de la CEDEAO est de trancher des différends relatifs aux droits de l'homme c'est-à-dire des droits dont les individus sont directement titulaires. Cette institution sous régionale a été saisie à plusieurs reprises par les citoyens togolais pour violation des droits de l'homme. En effet, la Cour de Justice de la CEDEAO a, dans l'affaire Pascal BODJONA et autres, poursuivis des faits d'escroquerie internationale, affaire Kpatcha GNASSINGBE et autres, inculpés pour atteinte à la sûreté nationale, et dans l'affaire incendies du grand marché de Lomé et celui de Kara, condamné l'Etat togolais pour violation des droits de l'homme dans l'administration justice pénale notamment pour détention préventive arbitraire et de longue durée, procès inéquitable, pour traitements cruels, inhumains et dégradants. L'analyse de la jurisprudence de la Commission africaine et de la Cour de Justice de la CEDEAO font ressortir que ces instances régionales de protection des Droits de l'homme sont en quelque sorte boudées par des justiciables parce qu'elles sont inféodées à la Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement. Elles ont donc montré leurs limites. Les espoirs suscités par l'institution de ces Cours, en vue de pallier aux insuffisances des Commissions, s'émoussent face à la résistance des Etats membres à ratifier les textes relatifs à la création de ces Cours et à exécuter les décisions et arrêts desdites Cours, comme se fût le cas dans les affaires Kpatcha GNASSINGBE et Pascal BODJONA. La Cour régionale ne dispose pas de pouvoir coercitif afin de faire exécuter ses décisions. Néanmoins, ces institutions et ONG apportent à l'Etat togolais leur assistance et coopération technique en matière de la protection des droits de l'homme. Ils jouent un rôle prépondérant. Ils dénoncent les cas de violation des droits humains. Leur présence sur le territoire togolais, oblige les autorités à ne pas négliger les questions de détention. Le recours à ces institutions spécialisées est indispensable pour la mise en oeuvre du droit à la santé pour tous en général et du droit à la santé des détenus en particulier. En effet, en matière de la protection des droits de l'homme, la priorité est donnée aux groupes 81 vulnérables ou aux groupes marginalisés de la population parmi lesquels se trouvent les détenus, en matière d'aide médicale, de répartition et de gestion des ressources comme l'eau potable, les denrées alimentaires et des fournitures médicales.145 Le Togo devrait profiter au maximum de leurs expertises afin d'améliorer la prise en charge et la protection effective des droits fondamentaux des détenus préventifs. Ces actions en faveur du respect des droits fondamentaux des détenus sont également impulsées par les partenaires en développement. |
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