B. Le non-respect de l'exercice des autres droits
civils et politiques des détenus préventifs
Le prévenu qui n'a pas été
antérieurement frappé d'une condamnation restreignant sa
capacité civile et politique, jouit de la plénitude de ses droits
civils et politiques. C'est la conséquence logique de la
présomption d'innocence dont il bénéficie. Cette
règle doit être appliquée au prévenu placé
sous mandat de dépôt ou d'arrêt puisque
l'incarcération, pur fait, n'emporte pas, à elle seule de
conséquence juridique.
Le détenu préventif est juridiquement libre
d'agir en matière de droit patrimonial ou extra- patrimonial par le
biais du mandataire. Il faut signaler que l'exercice des droits civils et
politiques se heurte à des obstacles matériels dont le
règlement pénitentiaire doit tenir compte, et qui oblige à
admettre que la détention préventive limite en fait la
capacité d'exercice du détenu.
Quant à l'exercice du droit de vote, les textes sont
muets sur la question. Ce silence dans la législation togolaise fait
pérenniser un usage constant selon lequel les détenus ne votent
pas. Le vote par correspondance ou par procuration ne leur est pas non plus
reconnu. Cependant, l'analyse du droit comparé fait ressortir que le
droit de vote des détenus est un droit fondamental, consacré par
certaines législations. Elle est effective au Canada, en Afrique du Sud
et dans les Etats du Conseil de
l'Europe75.C'est l'arrêt
Scoppola c/ Italie de
74 Ibid., précité.
75 L'article 3 (droit à des élections
libres) du Protocole n° 1 à la Convention européenne des
droits de l'homme dispose que : « Les Hautes Parties contractantes
s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des
élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la
libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps
législatif. »
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2012 qui est venu clarifier l'interprétation de
l'article 3 du Protocole 1 de la CEDH qui garantit le droit de vote aux
citoyens des Etats parties.
La volonté ou le désir seul ne suffit pas pour
réaliser l'effectivité d'une règle de droit. De
même, la proclamation de celle-ci et l'installation d'organes de
contrôle ne suffisent pas pour atteindre son but social
recherché.
Au Togo, les conditions économiques et sociales ne sont
pas des plus reluisantes. Cette situation influence dans une large mesure la
mise en oeuvre des conventions internationales relatives à la prise en
charge des détenus préventifs. Cette situation est partout en
Afrique généralisée, c'est le constat fait par l'Honorable
Med SK Kaggwa76:« les détenus
provisoires sont souvent dans l'ombre du système de justice
pénale car leur détention et leur traitement ne sont pas soumis
aux mêmes niveaux de surveillance que les prisonniers condamnés.
Ils subissent des conditions de détention qui ne répondent pas au
droit à la vie et la dignité, et sont vulnérables aux
violations des droits de l'homme, y compris l'arrestation et la
détention arbitraire, le risque de torture et d'autres mauvais
traitements, ainsi que la corruption (où leur libération ou leur
accès au service dépend de leur volonté à
répondre aux demandes monétaires ou autres des officiers). Des
taux élevés de détention provisoire contribuent à
la surpopulation des installations de détention. Les garanties et les
conditions procédurales qui ne sont pas conformes aux normes minimales
convenues et qui portent atteinte à l'Etat de droit, ont un impact
significatif sur le reste de la chaine de la justice pénale, gaspillent
les ressources publiques et mettent en danger la vie des
détenus.»77
Ainsi, l'effectivité de la protection des
droits fondamentaux des détenus préventifs fait aussi appel
à la prise en charge des droits économiques, sociaux et culturels
des détenus.
76Commissaire à la Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples et Rapporteur Spécial des Prisons et
Conditions de Détention en Afrique.
77La Commission Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples, les Lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de
garde à vue et de détention provisoire en Afrique, Luanda :
Angola, du 28 avril au 12 mai 2014, p.38.
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