V. Les travailleurs et le Lean
Nous avons vu que l'amélioration des performances d'une
entreprise est possible en faisant évoluer trois variables :
l'acquisition des ressources, la fixation des objectifs et la production des
résultats. Ces trois variables sont contrôlées par l'Homme.
Ils sont le socle du travail, et contrôlent l'outil de production, de
l'opérateur au directeur. Nous allons maintenant étudier la place
de l'Homme dans une démarche de Lean Management.
L'importance du développement humain
Dans une industrie, les outils de production ne sont que des
moyens censés simplifier le travail de l'homme et le rendre plus facile.
Selon Ballé et Beauvallet, « la formation est le socle
nécessaire au développement des personnes, et se fait au poste et
une personne à la fois ». (BALLE & BEAUVALLET, Le
Management Lean, 2016)
Le but est d'établir une organisation spécifique
de la formation, avec des standards, qui sont des références sur
la méthode de travail produisant le moins de non-valeur ajouté.
Les équipes sont coordonnées par un travailleur
expérimenté, qui fait appliquer les standards, les règles
de sécurité, etc. ... Les agents les plus
expérimentés dispensent les formations, qui ont pour but de
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« développer la confiance que chacun a en son
jugement et dans chaque action de son travail » (BALLE &
BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016).
La pratique régulière de la formation permet le
« développement des collaborateurs, dont la
finalité est d'accroitre leur autonomie » (BALLE &
BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). Cette autonomie est une source de
satisfaction au travail. Elle permet un meilleur engagement des
salariés, et augmente leurs compétences pour la résolution
des problèmes : l'amélioration continue est mieux
gérée dans les situations de crise, qui ne sont pas
décrites dans les standards mais nécessitent des prises de
décision efficaces. Les processus sont ainsi plus efficients, et la
performance de l'entreprise en est accrue.
Intérêt de la démarche pour un manager
Un manager a pour rôle d'accompagner une équipe,
pour l'amener à réaliser la stratégie fixée par
l'entreprise. Il est responsable de la productivité de ses
collaborateurs et des résultats finaux. L'application d'une
démarche Lean au sein de son équipe a plusieurs avantages.
Le premier point positif est qu'une stratégie Lean
permet de donner du sens au travail effectué. Les activités se
concentrent sur ce qui a réellement de la valeur pour le client, qui est
au centre de la démarche. Les activités qui n'ont pas de valeur
ajoutée sont améliorées ou optimisées.
De plus, la recherche de gaspillages dans les activités
réalisées permet aussi de réaliser des économies
d'énergie et de temps. Ces ressources économisées pourront
être utilisées pour d'autres activités plus valorisantes et
à forte valeur ajoutée, comme pour réaliser des projets
d'amélioration par exemple.
Enfin, les collaborateurs sont plus efficaces au quotidien. La
résolution des problèmes est facilitée par le gain
d'autonomie des individus. Cela est permis par la montée en
compétence des personnes, et la prise en compte des capacités et
des talents de chacun.
Effets sur la santé et la sécurité des
travailleurs (INRS, 2016)
La sécurité des travailleurs et leur
santé est au coeur de la démarche de Lean Management. En effet,
la stratégie Lean, visant à optimiser et simplifier les
tâches en supprimant le gaspillage,
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ne prend pas seulement en compte l'environnement de travail et
l'outil de production, mais aussi l'homme et ses comportements.
L'ergonomie au poste de travail est importante dans
l'amélioration des processus. Des mouvements appropriés, et un
espace de travail pertinent et adapté permettent de réduire les
risques, d'une part pour le travailleur qui sera plus efficace et moins
fatigué, et d'autre part pour le produit, car cela réduit les
probabilités d'erreurs et donc de défauts.
De plus, l'amélioration de la performance, qui s'appuie
notamment sur huit gaspillages vus précédemment, doit aussi
être appliquée à l'homme. Par exemple, il est
préconisé d'étudier « les mouvements de pied, de
main et des yeux. Il faut voir les gestes répétitifs,
les efforts musculaires, les postures contraignantes, les surcharges cognitives
» (BALLE & BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016).
L'implication de la hiérarchie dans l'ergonomie au
poste de travail des salariés a un autre effet : « l'ergonomie
est un excellent sujet pour déclencher l'implication » (BALLE
& BEAUVALLET, Le Management Lean, 2016). En s'intéressant au travail
des personnes, et à leur bien-être physique, la hiérarchie
montre aux salariés qu'ils ont de la valeur pour l'entreprise, et qu'ils
ne sont pas qu'un outil pour produire. Les chantiers d'ergonomie symbolisent
alors « le coeur du contrat social : les managers s'engagent à
améliorer les conditions d'emploi, et les employés contribuent
aux efforts de la société » (BALLE & BEAUVALLET, Le
Management Lean, 2016).
Cependant, l'INRS (Institut National de Recherche et de
Sécurité) propose un dossier sur les risques liés à
la mise en place d'une stratégie Lean dans une entreprise. Cette
étude (INRS, 2016) apporte un regard critique sur ces démarches,
et mets en avant les différences de mises en oeuvre selon les
entreprises.
Le premier point abordé concerne les changements
organisationnels induits par la mise en place d'une démarche
d'amélioration Lean. L'INRS constate « un manque de formations
adéquates, et d'évaluation des impacts potentiels sur le
personnel » (INRS, 2016). Nous avons pourtant mis en lumière
l'impact de la formation sur l'implication des travailleurs dans le Lean, et
constaté l'importance du développement des compétences. Il
est donc important de ne pas
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négliger la dynamique d'apprentissage d'une
stratégie Lean, pour ne pas faire du déploiement et du maintien
de la démarche une finalité, mais un moyen de s'améliorer
continuellement.
De plus, l'INRS estime que « considérer les
actions à éliminer sur le seul critère de la valeur
ajoutée, du point de vue du client peut conduire à supprimer des
éléments essentiels à leur santé et à la
performance globale de l'entreprise » (INRS, 2016). La difficulté
réside donc dans l'évaluation de la valeur ajoutée
supposée des actions, pour le client. Dans le cas où un service
interne d'une entreprise peut être considérée comme une
organisation à part entière, on pourra prendre en compte le
client final, c'est-à-dire celui qui utilisera le produit ou qui
bénéficiera du service, mais aussi les clients
intermédiaires : le personnel de l'entreprise qui interagit ou est
impacté par un processus, ou bien une entreprise intermédiaire.
La valeur ajoutée d'une action doit alors être
évaluée en fonction de tous ces acteurs.
Pour conclure, nous avons pu voir que la place des
travailleurs dans le Lean est centrale. Le développement humain est une
condition nécessaire pour la viabilité des démarches
d'amélioration continue, mais aussi un moyen d'améliorer la
performance de l'entreprise. Il est aussi indispensable d'accompagner les
travailleurs dans le changement qu'implique une démarche Lean. Enfin, la
valeur ajoutée ne doit pas seulement être définie en
fonction du client final, mais aussi en fonction des intermédiaires.
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