PARTIE 1 : Etat de l'art
I. Evolution du concept de la qualité et de sa
perception
La qualité, un concept général
Le mot qualité est utilisé dans
différents contextes. On parle ainsi de « qualité de
lumière » en photographie, ou encore de « qualité
morales » ou « qualités de coeur » pour un trait de
caractère. Le dictionnaire Larousse nous donne les définitions
suivantes : « Chacun des aspects positifs de quelque chose qui font
qu'il correspond au mieux à ce qu'on en attend ; Ce qui rend
quelque chose supérieur à la moyenne ». (Larousse,
2019)
L'Organisation Internationale de Normalisation
(International Standardization
Organization ou ISO), plus grand organisme de
normalisation au monde, caractérise quant à elle la
qualité comme étant « l'aptitude d'un ensemble de traits
distinctifs intrinsèques d'un objet à satisfaire des exigences
» (Editions ISO, 2015). La qualité d'un produit est donc sa
capacité à correspondre aux attentes de l'utilisateur, à
le satisfaire.
Dans le cas d'un produit pharmaceutique, on peut
définir deux types d'utilisateurs, ou clients : les médecins, qui
vont prescrire le produit, et les patients, qui vont l'utiliser. En marketing,
la satisfaction d'un client est « le sentiment de plaisir qui
naît de la comparaison entre des attentes préalables et une
expérience de consommation » (BAYNAST, LEVY, & LENDREVIE,
2017).
Les démarches qualités depuis les
révolutions industrielles
Après le XIXe siècle et la Révolution
Industrielle, le paysage économique est profondément
modifié. En effet, on passe d'une économie agraire et artisanale,
à une économie tournée vers l'industrie.
Avec le XXe siècle, ces changements économiques
conséquents aboutissent à l'apparition d'une consommation et une
production de masse. Cela entraîne bien sûr une modification
profonde de l'entreprise mais aussi du management dans son ensemble, et
notamment de la notion de qualité.
En effet, c'est dans les années 1880 que Frederik
Winslow Taylor met au point sa méthode d'organisation scientifique du
travail, qui prône une analyse rigoureuse des éléments de
travail,
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en recherchant la « meilleure façon de faire
» comme référence. En 1908, Henry Ford reprend ces
principes et présente un nouveau modèle d'organisation du
travail, basé sur la simplification et la standardisation des
composants, afin de permettre une production en série.
C'est aussi à cette époque que des
découvertes capitales en médecine sont effectuées, en
particulier la pénicilline et l'insuline, respectivement en 1928 et
1921, qui commencent peu après à être produites en
quantité industrielle, et donnent le jour à l'industrie
pharmaceutique.
Dans la première partie du XXe siècle, la
démarche qualité est avant tout une méthode de
contrôle, destinée à améliorer la fiabilité
des produits fabriqués, et ainsi garantir le bon fonctionnement de
l'entreprise. Cette période est caractérisée par deux
phases, selon Caby et Jambart (CABY & JAMBART, 2000).
Apparue dès le début des années 1900, la
première phase est une phase d'inspection. En effet, la production de
masse induit le besoin d'établir des modèles de fabrication
standards, pour comparer tous les produits fabriqués à ce
standard. Le principal inconvénient de cette méthode est le
coût de contrôle rapidement prohibitif, avec l'augmentation des
quantités produites. L'année 1924 mène à la
deuxième phase, celle de la maîtrise statistique. Les
spécialistes de la qualité cherchent alors, en utilisant des
outils mathématiques et statistiques, à s'assurer de la
fiabilité d'un processus. Il n'y a plus alors de nécessité
de contrôler tous les produits créés, mais seulement des
échantillons, abaissant considérablement le coût de
contrôle.
Une démarche qualité pour rassurer les clients et
contrôler les produits
Walter A. Shewhart (1931), dans son livre Economic Control
of Quality of Manufactured Products, nous dit que « la
qualité maitrisée n'est pas la qualité constante »
(SHEWART, 1931). En effet, quand on mesure la fiabilité d'un
processus, la mesure obtenue variera, en fonction de différents
paramètres. Selon Shewhart, l'important n'est pas d'obtenir une mesure
qui ne variera pas, mais que cette mesure varie dans des limites acceptables.
Pour cela, il est nécessaire d'évaluer à quel moment il
n'est plus intéressant économiquement de produire : c'est une
limite à ne pas dépasser.
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Edward Deming reprend les travaux de Shewhart, et
développe les outils statistiques d'un point de vue managérial,
dans son livre Out Of The Crisis. Il y développe les «
14 principes de fondamentaux du management » (DEMING, 1982).
L'Assurance Qualité a pris toute son importance pendant
la deuxième guerre mondiale. Il était alors vital de
contrôler la qualité de la production de masse pour l'industrie de
la défense. L'Assurance Qualité provient du mot anglais
insurance qui signifie inspirer confiance, rassurer. Elle a pour but
de garantir au client la qualité des produits proposés, et de
montrer l'aptitude d'une entreprise à acquérir et
pérenniser le niveau de qualité recherché.
Cette démarche a donc pour objectif de donner
l'assurance au client que l'on met en oeuvre des moyens pour proposer des
produits de qualité, afin de lui donner confiance. Le but est
d'atteindre et de maintenir les objectifs de qualité définis.
Le modèle de la Qualité totale
Après la 2e Guerre Mondiale, le Japon,
totalement détruit, cherche à relancer son économie. Les
dirigeants de Toyota mettent au point un système de gestion de
l'entreprise simple mais efficace, avec pour objectif de rattraper la
production américaine, qui était alors la première
puissance mondiale. Ils s'appuient sur cinq valeurs :
- Réduire les gaspillages
- Assurer une qualité optimale des produits, dès le
début de la production
- Produire à la demande des clients, pour réduire
les stocks
- Impliquer le personnel de production dans le diagnostic et la
résolution des problèmes
- Favoriser l'amélioration en continu, de façon
dynamique et en intégrant tous les acteurs
concernés
Cette méthode de management est aussi appelée
Total Production System, ou système de production totale.
L'objectif de cette méthode de management est d'impliquer la
totalité de l'entreprise dans la démarche qualité. Elle
permet une production plus efficace, et une implication des travailleurs, qui
sont directement investis dans la performance de l'entreprise.
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En 1979, Philippe Crosby publie un livre intitulé
Quality is Free2. Il y définit le concept du zéro
défaut comme standard de la performance : le but d'une entreprise
étant de vendre ce qu'elle produit à des clients, il est
primordial de satisfaire ces clients. Pour cela, il lui faut livrer un produit
conforme aux attentes du client, à ce qu'on lui a promis. Une
dérogation à cette conformité est une entorse à la
parole donnée. L'entreprise perd alors de sa crédibilité
envers ses clients externes, mais aussi envers ses clients internes. Cela nuit
fortement à la capacité d'amélioration de l'entreprise,
car elle a perdu en considération, vis-à-vis des clients et des
employés.
L'AFNOR retient la définition suivante pour la
Qualité totale : « Mode de management d'un organisme,
centré sur la qualité, basé sur la participation de tous
ses membres et visant au succès à long terme par la satisfaction
du client et à des avantages pour les membres de l'organisation et pour
la société » (ERNOULT, 2010).
Cette définition place la satisfaction du client comme
objectif à long terme d'une démarche qualité, et comme
condition sine qua non du succès d'une entreprise. Le
management total de la qualité implique aussi la mise en valeur des
individus, à travers la valorisation du personnel ou la reconnaissance
des mérites. La qualité totale est ainsi une politique de
management, qui implique tous les membres de l'organisation, qu'ils soient
concernés directement ou non par le processus de production de
l'entreprise.
Dans les années 1990, le succès grandissant de
Toyota, attribué au Total Production System intrigue les
américains. Jim Womak, Daniel Ross et Daniel Jones publient en 1990 un
livre intitulé The Machine That Changed The World3,
où ils exposent le système de production japonais, comparé
aux méthodes de productions américaines ou européennes. Ce
livre va permettre la diffusion des méthodes japonaises en occident, qui
sera alors appelé Lean Manufacturing, littéralement
« production allégée ».
2 Source : Crosby P. (1979). Quality is Free :
the art of Making Quality Certain. New American Library (NewYork)
3 Source : Jones, D.T; Ross D. & Womak,J.P
(1991). The Machine that changed the World. Simon and Schuster (New York)
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L'objectif de la méthode Lean est d'améliorer la
performance, en se basant sur les principes et techniques déjà
à la disposition des managers, et en suivant deux concepts principaux,
déclinés en principes de production :
- Le Juste-à-temps : défini comme «
La durée idéale de production d'un bien idéale, quand
elle correspond aux besoins du client » (BALLE & BEAUVALLET, Le
Management Lean, 2016)
o Nivelage de la production en fonction du volume et de la
période
o Le flux tiré : on produit pour honorer une commande et
pas avant
o Le changement rapide d'outils (SMED)
o L'intégration de la logistique
- L'Autonomation ou jidoka : défini par
« la responsabilisation des personnes chargées d'effectuer un
travail » (DELBALDO, 2009).
o La séparation de la machine et de l'Homme
o L'arrêt automatique de la chaine de production
dès le moindre défaut, sans devoir attendre une décision
de la hiérarchie
o Des détrompeurs pour éliminer les causes
d'erreur
o Analyser méthodiquement et systématiquement
les causes d'erreurs
Le Lean Management est une application des méthodes
Lean au management, c'est-à-dire au système d'organisation de
l'entreprise. Cette technique de gestion est décrite comme «
l'amélioration des performances de l'entreprise par le
développement de tous les employés » (BALLE, La
définition du Lean management, 2007). L'objectif est alors double :
permettre la satisfaction complète des clients, mais aussi le
succès et le développement de chacun des employés.
Pour résumer, la philosophie dérivant du Toyota
Production System, que l'on nomme « Lean », est un
état d'esprit appliqué au monde de l'entreprise, qui vise
à réduire toutes les formes de gaspillage, afin de créer
de la valeur pour les clients, internes ou externes. Il peut être
appliqué à la production, ou encore au management.
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