CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Tout au long de notre travail, la problématique de la
gestion des forêts de la RDC et du respect des droits des
communautés forestières pour que règne la paix dans ce
secteur a été notre préoccupation.L'étude
entreprise « la contribution du programme cartographie
participative dans la promotion des droits des communautés
forestières de RDC »montre les droits qu'ont les
communautés locales et autochtones pygmées sur les forêts
auxquelles elles sont coutumièrement liées. Ces droits tirent
leur fondement dans la coutume et sont actuellement prévus par plusieurs
instruments juridiques, tant sur le plan national que sur le plan
international.
Le RRN, conscient des changements que la mise en oeuvre du
code forestier apporte dans la vie des paisibles communautés
forestières du pays, a commencé par renforcer les
capacités des communautés locales en plaidoirie pour la
défense de leurs droits traditionnels et coutumiers sur les
forêts. Pour rendre beaucoup plus efficace ses actions, il s'est servi
des expériences d'autres pays, le Cameroun, le Brésil et le
Venezuela. Dans ces pays, la société civile défend les
droits des communautés avec les preuves à l'appui. Et ces preuves
sont les cartes.
Les motivations profondes de la cartographie participative du
RRN en RDC reposent sur la Loi N°011/2002 du 29 août 2002 portant
Code forestier qui, tout en reconnaissant les droits des communautés
locales, est plus favorable à l'exploitation industrielle du bois et
à l'extension des aires protégées. Cet état de
choses a suscité la crainte partagée par le RRN et ses
partenaires de voir les droits traditionnels de ces communautés ne pas
être pris en compte lorsque l'Etat congolais aura à
concéder les forêts aux exploitants industriels comme il a
déjà été le cas au Cameroun.
En effet, durant ce processus de mise en oeuvre du code
forestier, le Gouvernement congolais réalise, avec l'aide de ses
bailleurs et de la société civile, des activités telles
que la vulgarisation du nouveau code forestier, l'élaboration des
mesures application, le zonage, les études sur la foresterie
communautaire et la conversion des titres en concessions
forestières.Comme préalable à la foresterie communautaire
et à la conversion des titres, il faudra que l'Etat élabore un
plan de zonage du territoire national qui tienne compte des droits des
communautés forestières. Mais, la participation active des
communautés locales et autochtones ne sera effective que si l'Etat
connaît l'espace de vie et de production pour chaque communauté
rurale afin d'éviter les conflits des limites dus à la
cohabitation avec les exploitants forestiers et les gestionnaires des
réserves et parcs.
Le zonage au Cameroun avait été fait sur base
des images photos aériennes, celles-ci n'ont pas réussi à
faire apparaître sur les cartes, des villages entiers ou encore des
habitations isolées situées sous le feuillage des arbres. C'est
ainsi que les pygmées Baka du Cameroun ont été
sérieusement lésés dans leurs droits. Le zonage test fait
en RDC, dans la province de l'Equateur sur l'axe Businga-Lisala-Bumba avec des
images satellitaires, avait reproduit les mêmes erreurs. Des villages
entiers de pygmées ne s'y étaient pas retrouvés. En
conséquence de ce manquement, une requête de ces peuples
autochtones et des associations les accompagnant a été introduite
à la Banque Mondiale pour contester la procédure. Cette
démarche a abouti à la suspension du zonage en RDC.
Le RRN a compris que pour mieux connaître l'espace de
production d'une communauté locale et/ou autochtone, il faut aller sur
le terrain auprès des communautés qui connaissent bien leur
milieu et qui sont capables de produire les cartes reflétant la
réalité de leurs terroirs villageois. La validité
juridique de ces cartes communautaires est souvent contestée en se
basant sur les capacités de ses auteurs. Néanmoins, elles
constituent des véritables, à notre humble avis, outils pouvant
renseigner les uns et les autres sur les droits qu'ont les communautés
sur la forêt. Elles tirent aussi les forces dans leur caractère
participatif. Elles ont déjà résolu plusieurs
problèmes d'accès aux ressources à Inongo et à
Batiabongena et continuent en résoudre à Itombwe et à
Nyamusisi.
La cartographie a comme particularité le fait d'amener
les communautés forestières à produire des cartes qui
visualisent des usages communautaires dans les terroirs des communautés
locales et peuples autochtones dans le but de montrer la superposition de leurs
droits soit avec la conservation, soit encore avec l'exploitation industrielle
du bois.De la sorte, l'approche de cartographie participative du RRN
apparaît comme :
- un véritable outil de plaidoyer et de lobbying en
faveur de ces communautés ;
- un mécanisme susceptible de résoudre beaucoup
de conflits liés à l'exploitation des forêts ;
- en définitive, elle apporte son concours à la
gestion durable des forêts congolaises pour le bien de ce peuple, du pays
et de l'humanité toute entière à cause de son rôle
combien important dans la régulation de l'écosystème dans
le monde.
Priver, restreindre ou ne pas reconnaître les droits des
communautés sur leurs forêts traditionnelles, conduit toujours
à une situation de conflit au cours de la quelle ni la conservation, ni
l'exploitation industrielle du bois ne peut se faire de manière
profitable aux uns et aux autres. C'est pourquoi, plusieurs recommandations
peuvent être formulées à l'endroit de :
L'Etat congolais de :
- faire participer les communautés forestières
à toutes les grandes décisions en rapport avec la forêt
à laquelle elles sont liées traditionnellement ;
- élaborer un plan de zonage national participatif
basé sur le principe de consentement préalable et libre ;
- renforcer les capacités de l'administration
forestière ;
- mettre en place d'un système légal et
transparent de contrôle et de bonne gouvernance du secteur
forestier ;
- installer des conseils consultatifs provinciaux des
forêts devant donner des avis avant tout projet de classement et de
déclassement, ainsi que sur toutes les autres questions qui leur sont
soumises ;
- accélérer le processus d'adoption des mesures
d'application du Code forestier non encore prises ;
Les exploitants forestiers et les institutions gestionnaires
des aires protégées de :
- respecter les engagements pris lors des négociations
aboutissant à l'établissement du cahier de charge ;
- impliquer les communautés locales et autochtones dans
les opérations d'exploitation du bois en respectant leurs droits
d'usage ;
- aller plus loin dans le processus de la gestion
participative des parcs et aires protégées (que nous avons
salué) pour déboucher à la conservation
communautaire ;
Rainforest Foundation et les autres Institutions
Internationales de :
- user de leur influence pour inciter l'Etat à ratifier
les instruments juridiques internationaux et en appliquer les dispositions
protégeant efficacement les droits des communautés
forestières, surtout ceux des pygmées tout en respectant celles
contenues déjà dans la législation nationale ;
- soutenir les actions du RRN et autres associations
impliquées dans la défense des droits des communautés
forestières en vue de leur réhabilitation, leur auto -promotion,
leur intégration harmonieuse ; bref leur
développement ;
RRN de :
- continuer à travailler en synergie au niveau de tout
le pays pour être fort et efficace ;
- mener un grand lobby afin que les mesures d'application du
code forestier à prendre ou déjà prises puissent tenir
compte des droits des communautés forestières ;
- intensifier les activités de cartographie
participative dans toutes les « zones chaudes » ;
- renforcer matériellement et techniquement les labos
(par exemple, les initier aux techniques du cyber tracteur, web 2.0, etc.) pour
la production des carte beaucoup plus fiables.
Nous croyons, que grâce à ces recommandations et
l'appui d'une cartographie participative réussie, les conflits
horizontaux et verticaux autour et dans les forêts congolaises peuvent
être éradiqués. En tout cas, les forêts visées
seraient mieux gérées et conservées qu'auparavant.
|