Problématique
Mon choix de départ s'est porté sur la prise en
charge d'un patient détenu au sein d'un centre pénitencier.
L'objectif visé par le soin était d'effectuer une
sérologie d'entrée lors d'une première consultation d'un
patient détenu. L'intérêt que j'ai eu à choisir
cette situation consistait pour moi à mener un travail de
réflexion sur un soin qui me semblait maitriser, mais qui finalement
s'est avéré plus complexe à conduire. L'analyse de cette
situation a mis en avant que les difficultés que j'ai pu rencontrer
étaient la résultante des représentations que j'ai pu me
faire du milieu carcéral, ainsi que du patient que j'avais pris en
charge. Un patient arrivé au sein du service en colère et
très agité et qu'on m'annonçait comme potentiellement
dangereux. En effet, l'annonce du motif de détention par le surveillant
(double meurtre avec préméditation) n'était pas de nature
à me rassurer. Ma situation est également intervenue très
tôt dans mon stage. Il s'agissait d'une première rencontre avec le
milieu pénitencier.
Mon interrogation initiale s'est naturellement portée
sur l'influence que pouvait avoir les représentations sociales du milieu
carcéral dans la pratique soignante. L'objectif était donc pour
moi de soumettre mon questionnement à la réalité du
terrain soignant.
Les résultats exprimés par mon enquête
sont venus confirmer que même pour des professionnels
d'expérience, les représentations viennent influencer la prise en
charge du patient détenu. Celle-ci est une réalité car le
cadre où s'exerce la profession vient rappeler la réalité
environnementale dans laquelle s'inscrit le soin. Le cadre rappelle
également aux soignants le type de population qu'ils prennent en charge
et le caractère potentiellement dangereux. La spécificité
des lieux enquête m'a permit également de me rendre compte que
l'entrée dans la relation avec le patient devait tenir compte de
plusieurs dimensions. Il y a bien entendu la caractère potentiellement
dangereux du patient pris en charge mais également l'influence de
l'environnement dans les comportements aussi bien pour le soignant dans sa
posture professionnelle , que pour le patient qui doit entrer dans un rapport
à l'autre qu'il n'a pas choisi mais qu'il subit. Face à ce danger
potentiel, la prise en charge soignante en milieu carcéral met en
question la notion de neutralité dans le soin, la distance qui peut
parfois être prise de manière inconsciente lorsque le soignant est
amené à soigner un pédophile ou un meurtrier.
Mon cadre conceptuel s'est donc centré principalement
sur les notions de représentation et de dangerosité. La
représentation est une notion que j'ai choisi de mieux comprendre en me
centrant sur le champ de la sociologie et de la psychologie sociale. Les
auteurs s'accordent à dire qu'il s'agit d'une reconstruction de la
réalité, qui peut parfois être interprétée.
Les représentations orientent et organisent nos conduites. La notion de
dangerosité et son corolaire qui est la violence ont été
abordés dans les champs de la psychiatrie et de la criminologie. Une
notion que j'ai choisi d'étudier sous l'angle de deux disciplines
intéressant naturellement mon sujet. Le danger ne doit pas être
nié dans le contexte d'exercice du soin. Il doit être
présent à l'esprit du soignant mais sans entrainer une situation
de blocage. La violence est définie comme un passage à l'acte.
Cette violence peut être l'expression d'une souffrance consciente qu'elle
soit morale, physique ou d'une souffrance inconsciente lorsque celle-ci est en
lien avec un trouble psychiatrique. Les recherches effectuées sur les
représentations et sur la notion de dangerosité m'ont ensuite
amenés à comprendre dans quelles mesures ces deux notions
pouvaient influencer la relation soignant-soignée notamment en termes de
proxémie. J'ai donc fait le choix d'étudier cette notion d'un
point de vue anthropologique et sociologique. Le champ anthropologie m'a permis
d'avoir un aspect théorique plus global permettant d'avoir une vision
holistique du concept de distance et son implication dans le soin. Le champ de
la sociologie m'a permis de mieux comprendre le type de relation mis en jeu
entre soignant et patient détenu. Une relation marquée par
l'empreinte de la société et régit par des normes sociales
qui conditionnent le rapport que le soignant entretient avec le
soigné.
Au vu de mon cadre conceptuel et de mes recherches
théoriques, le concept que je juge être le plus pertinent pour mon
étude porte sur la notion de représentation dans le champ de la
sociologie. Cette discipline est celle qui revient majoritairement à
chaque concept que j'ai pu étudier. Cet angle d'étude permet
ainsi de s'interroger sur la posture professionnelle du soignant, de mieux
saisir les facteurs internes et externes qui contribuent à influencer le
soignant dans sa pratique, mais également de repositionner le soignant
dans son milieu d'exercice. Un milieu social avec lequel il interagit et qu'il
doit apprendre à apprivoiser.
Hypothèse
L'étude de mon champ conceptuel m'a permis de
comprendre que les représentations prennent une part importante dans le
comportement et les attitudes prises par le soignant lors d'un soin. Ce savoir
être peut être profondément modifié lorsqu'il
intervient dans un milieu « extraordinaire » comme celui de
la prison ou face à un patient potentiellement dangereux comme la
soulignait la mise en garde du surveillant lors de mon soin. Ma question de
recherche avait principalement pour objectif de comprendre si effectivement ces
représentations du danger pouvaient influencer ce rapport à
l'autre en termes de proxémie et si ce questionnement se posait dans le
cadre de ma future profession. Les entretiens infirmiers que j'ai
réalisés sont venus confirmer la validité de ce
questionnement. Partant de l'étude de mes concepts et des entretiens
infirmiers, Il semblerait qu'une bonne connaissance de soi et de ses
limites serait un outil essentiel permettant au soignant une meilleur maitrise
de son savoir être lui permettant ainsi la déconstruction de ses
représentations du danger et une prise en charge optimale du patient
détenu en milieu carcéral.
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