II -- Les outils de détection au service de
l'entreprise
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Source: PwcFrance, département «
Forensic ». (2014). Etude mondiale sur la fraude en entreprise: «
Global economic crime survey ». p6
127 Association Transparency International. (2011).
Principe de conduite des affaires pour contrer la corruption
239.
95
Comme le montre ce diagramme il existe divers modes de
détection des fraudes. Outre la détection permise grâce aux
contrôles internes et externes des entreprises dont nous avons
évoqué les contours précédemment et les rotations
du personnel, un mode de détection va faire ici l'objet de toute notre
attention: le lanceur d'alerte ou « whistleblowing » (A). L'autre
moyen de détection que nous préciserons est la l'analyse de
données (B) (« data analytics »).
A - Le rôle essentiel des lanceurs d'alerte dans
la détection de la corruption
240. Les collaborateurs du fraudeur, aux
premières loges de la fraude. Bien souvent, et c'était
le cas dans les deux principales illustrations que nous avons
détaillées au cours de cette étude, les salariés
collaborateurs des principaux instigateurs de la corruption privée sont
les premiers au courant lorsqu'une fraude est en train ou va se dérouler
au sein de leur entreprise. Etant donné leur proximité, ils
seront généralement les premiers à détecter ou
à se voir proposer une participation à un schéma de
corruption. Ils constituent donc une source d'information
privilégiée qui ne doit pas être négligée par
les entreprises et par les pouvoirs publics. En effet, beaucoup de
salariés pourtant au fait de comportements douteux vont
préférer se « murer » dans leur silence plutôt
que de risquer leur réputation voire leur poste. On estime qu'entre 75 %
à 99 % d'entre eux préfèrent se taire en l'absence de
législation de protection128. Les causes de ce silence sont
souvent la peur des représailles mais sont aussi parfois empruntes d'une
culture française du silence héritée de la période
d'occupation, les dénonciateurs étant souvent assimilés
à des délateurs.
241. Origines du whistleblowing. Né
aux États-Unis dans les années 1970, le whistleblowing,
signifiant « tirer un coup de sifflet » est
l'équivalant anglo-saxon de notre « lanceur d'alerte ».
Transparency International définit le lanceur d'alerte comme
étant « un employé faisant un signalement touchant à
l'intérêt général : crime ou délit, erreur
judiciaire, corruption, atteintes à la sécurité, la
santé publique ou l'environnement, abus de pouvoir, usage illégal
de fonds publics, graves erreurs de gestion, conflits d'intérêts
ou dissimulation des preuves afférentes »129.
128 Nicole Marie MEYER. (2014). Le droit d'alerte en
perspective : 50 années de débats dans le monde. AJDA, 24
nov. no 39, p. 2242
129 Alain-Christian MONKAM. (2015). Avocat spécialiste
en droit social. whistleblowing : une protection en demi-teinte.
Jurisprudence Sociale Lamy
242.
96
Une position fragile des salariés.
Aussi, bien que le législateur ait fait entrer la corruption
dans le régime procédural de la criminalité
organisée, sans pour autant considérer explicitement que
l'infraction fait partie de cette catégorie de délinquance et
bien qu'il existe, comme nous l'avons vu, un corps d'incriminations permettant
d'appréhender la corruption privée sous toutes ses formes, la
lutte contre la corruption en général et la corruption
privée en particulier passe aussi par « la protection des
personnes que leur fonction place en situation privilégiée pour
en observer les pratiques et par la suite de les dénoncer
»130. Ainsi, c'est la raison d'être de l'article
L.1161-1 du Code du travail, issu de la loi n°2007-1598 du 13 novembre
2007, qui dispose qu' « aucune personne ne peut être
écartée d'une procédure de recrutement ou de
l'accès à un stage ou à une période deformation
entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné ou
licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de
formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification,
de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat». pour avoir dénoncé ou témoigné
de bonne foi de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans
l'exercice de ses fonction. L'alinéa 2 ajoute que « toute
rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou
tout acte contraire est nul de plein droit». Si une mesure de
rétorsion est prise à l'encontre d'un salarié ayant
endossé le rôle de lanceur d'alerte, c'est à l'auteur de la
mesure qu'appartiendra de supporter la charge de la preuve du caractère
justifié et étranger à la dénonciation de cette
mesure prise à l'égard du salarié131. Il est
important de noter que la charge de la preuve ne fait pas l'objet d'une
inversion totale, en effet, le salarié devra d'abord établir
« des faits qui permettent de présumer qu'il a relaté ou
témoigné de faits de corruption »132.
243. Une absence d'obligation de
dénonciation. L'article 40 alinéa 2 du Code de
procédure pénal dispose que : « toute autorité
constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice
de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est
tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et
de transmettre à ce magistrat tous les renseignements,
procès--verbaux et actes qui y sont relatifs ». L'absence
d'obligation similaire à l'égard des acteurs du secteur
privée démontre une fois de plus que l'accent est mis sur la
probité des agents publics qui se doivent d'être exemplaires.
130 Agathe Lepage, Patrick Maistre du Chambon, Renaud Salomon,
manuel « droit pénal des affaires », LexisNexis,
3ème édition, 2013, p169
131 Agathe Lepage, Patrick Maistre du Chambon, Renaud Salomon,
manuel « droit pénal des affaires », LexisNexis, 3ème
édition, 2013, p169
132 CA Paris, 13 mars 2013, no 12/03679 ; CA Paris, 21 mars 2013,
no 11/06352
244.
97
Un renforcement récent de la protection des
lanceurs d'alerte. La loi du 6 décembre 2013 a
créé l'article L.1132-3-3 du Code du travail afin
d'empêcher toute sanction à l'égard d'une personne «
pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits
constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu
connaissance dans l'exercice de ses fonctions ». Ainsi que l'article 40-6
du Code de procédure pénale qui dispose que : « la
personne qui a signalé un délit ou un crime commis dans son
entreprise ou dans son administration est mise en relation, à sa
demande, avec le service central de prévention de la corruption lorsque
l'infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce
service ». D'aucuns considèrent que ces nouvelles dispositions
sont créatrices d' « un droit général de
dénoncer toute infraction »133.
245. Le rôle des entreprises en matière
d'alerte. Un cadre législatif accueillant n'est pas suffisant
pour encourager les initiatives des salariés en matière de
dénonciation. Non seulement les salariés n'ont pas
nécessairement conscience que leur protection juridique est plutôt
garantie (à condition qu'ils soient de bonne foi) mais la perception
négative des « délateurs » constitue toujours une
barrière morale à la dénonciation des fraudes par les
salariés qui en ont connaissance. Une fois encore, l'éducation et
la formation des salariés semblent être la clef et le prolongement
incontournable des dispositions légales qui ont été
adoptées ces dernières années. Les entreprises doivent
donc mettre en place des systèmes afin d'enregistrer et traiter les
éventuelles alertes. Pour cela les supports de communications tels que
le téléphone ou internet doivent être
privilégiés pour l'anonymat qu'ils offrent. En outre, les chartes
éthiques peuvent mentionner la possibilité pour les
salariés de dénoncer les comportements illicites de leurs
collaborateurs afin de pouvoir gérer la situation en interne. Les
entreprises veulent rester maîtresses de leur image et ne souhaitent pas
que les affaires soient systématiquement rendues publiques. Beaucoup
d'entreprises internationales n'ont pas attendu la loi de 2013 pour mettre en
place des dispositifs d'alerte.
B - La détection par l'analyse des données
forensic
246. Des méthodes récentes.
Parmi tous les moyens de lutte contre la corruption, un moyen de
détection progresse particulièrement depuis quelques
années: la détection par l'analyse des données. Rappelons
que l'édition 2014 de l'étude mondiale sur la fraude en
entreprise de PWC a permis de mettre en exergue le fait que le nombre de
fraudes reportées n'est probablement pas lié à leur
augmentation mais au fait que les entreprises soient mieux armées pour
les
133 Jean-Denis ERRARD. (2014). Les nouveaux lanceurs
d'alerte: le civisme de la dénonciation. Droit et patrimoine. 5
mai. no 236
98
détecter. Un des moyens de détection dont les
résultats sont les plus significatifs est l'analyse de données.
Ces systèmes ont vu leur utilisation généralisée
depuis l'avènement de la crise et la prise de conscience par les
entreprises du fait que la fraude peut engendrer des coûts financiers et
d'image importants. Dès lors, la détection de fraude est de moins
en moins le fruit du hasard et de plus en plus permise par la montée en
puissance de l'analyse de données.
247. Exemples de progrès permis par l'analyse
informatique des données134. La data forensic
consiste à analyser les supports électroniques à l'aide de
logiciels et de matériels « technico--légaux ». Ce sont
des solutions généralement proposées par des entreprises
spécialisées d'audit et de sécurité. Par
l'utilisation d'équipements techniques spécialisés ils
vont pouvoir collecter et sécuriser les preuves éventuelles,
traiter et analyser des volumes conséquents de courriers
électroniques, confronter les données suspectes et identifier les
auteurs et responsables, apporter un soutien aux enquêteurs, avocats et
parties. Ces solutions vont permettre également de numériser des
documents papiers afin de les analyser par mots clefs ce qui permet de gagner
un temps considérable.
248. La France, pays leaders dans l'analyse
informatique des données. Aujourd'hui, 25% des fraudes
détectées (dont la corruption) l'ont été
grâce à ces systèmes de détection
automatisés. D'après l'étude menée par PwcFrance,
en Europe de l'ouest et en France plus particulièrement la relation
entre le nombre de fraudes détectées et l'utilisation de ces
nouveaux systèmes est plus élevée qu'au niveau mondial. Un
chiffre frappe quant à l'efficacité de ces méthodes de
détections: « 80% des entreprises françaises ayant
reporté au moins une fraude avaient au préalable
réalisé une évaluation (analyse informatique des
données) de leur risque de fraude »135
249. Ainsi, la lutte contre la fraude en
général, la corruption en particulier et donc la corruption
privée doit faire l'objet d'une attention toute particulière de
la part des entreprises. Nous avons vu que ces dernières disposent d'un
arsenal conséquent à mettre à oeuvre afin d'assainir leurs
pratiques. Toutefois, les autorités publiques nationales et
internationales ont le devoir de s'investir dans la lutte. Non seulement en la
rendant possible - on a pu mesurer ce rôle au regard des
évolutions législatives sur les lanceurs d'alerte - mais aussi en
encourageant la lutte.
134
https://www.pwc.ch/fr/nos_services/conseil_economique/forensic/forensic_technology_solutio
ns.html
135 PwcFrance, département « Forensic ».
(2014). Etude mondiale sur la fraude en entreprise: « Global economic
crime survey ». p8
99
Section 2nd - Les initiatives
nécessaires des pouvoirs publics en matière de lutte contre la
corruption privée
Bien que des progrès conséquents aient
été faits par les entreprises en matière de lutte
anti-corruption, il reste encore beaucoup à faire (I). Au regard des
insuffisances subsistantes, il convient de s'interroger sur le rôle que
jouent les pouvoirs publics en la matière (II)
I - Une lassitude des entreprises en matière de
lutte anti-- corruption?
250. Une implication toujours insuffisante des cadres
dirigeants au regard des risques encourus. L'ensemble des
études que nous avons présentés sur la corruption dans les
services achats des entreprises françaises et sur la fraude dans le
monde permettent d'arriver à ce même constat que nous avons
déjà évoqué: Les personnels dirigeants sont ceux
qui font le moins preuve d'intégrité, contournent le plus souvent
les contrôles et sont le moins impliqués dans les formations
anticorruption. Ces comportements sont doublement préjudiciables pour
les entreprises. Non seulement il sera reproché aux cadre-dirigeants de
ne pas montrer l'exemple ni de ne pas encourager suffisamment les
procédures de lutte anti-corruption mais surtout, en tant que
responsable et représentant de leur entreprise, le comportement de ces
derniers exposent d'autant plus leur entreprise à une mise en cause de
sa responsabilité pénale.
251. Accentuation de la coopération
internationale. Cette insuffisance est d'autant plus regrettable que
les régulateurs semblent avoir accentué leurs efforts en
matière de lutte contre les fraudes en entreprise. Gérard Zolt,
associé du cabinet EY et responsable de la section FIDS (Fraud
Investigation & Dispute Service) pour la région France et Luxembourg
affirme que « les régulateurs investissent massivement afin de
renforcer leur capacité à exploiter les données de grandes
sociétés pour identifier de potentielles
irrégularités. Les plus récents outils de visualisation de
données peuvent contribuer à l'identification plus rapide et
efficace de signaux d'alarme en matière de comptabilisation des recettes
ou en matière d'achats. Les conseils d'administration devraient
s'interroger sur la manière dont la direction capitalise sur l'expertise
en matière d'analyse des données « big data » afin d'en
tirer le meilleur parti pour l'amélioration de la conformité
ainsi que des résultats d'enquêtes
»136. Avec l'accentuation de la
coopération internationale, les
136
http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/Corruption_dans_le_monde_lutte_des_conseils_d_ad
ministration_pour_y_faire_face/$FILE/June14_fraud_survey_FR.pdf
100
normes anti-corruption sont de plus en plus appliquées
et de façon plus strictes. Les pouvoirs de poursuites ont
été renforcés, en terme de volonté et de budget.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à s'être mis à
poursuivre les faits de corruption.
252. Un ralentissement de la conformité.
Les études que nous avons présentées mettent
aussi en exergue un certain essoufflement de la part des entreprises en
matière de conformité. Au regard de l'accentuation de la lutte de
la part des régulateurs et de la meilleure coopération
internationale, ce ralentissement est inquiétant pour les entreprises.
En 2014, une entreprise sur cinq dans le monde n'a toujours pas mis en place de
charte anti-corruption. Près d'une sur deux n'a pas mis en place de
système de communication pour accueillir les informations des lanceurs
d'alertes éventuels et une personne sur deux (interrogée) n'a pas
participé à une formation anti-corruption137. Ainsi,
encore trop d'entreprises n'ont pas intégré la
nécessité de mettre en place ce type de procédures . Le
symptôme le plus parlant étant sans doute le faible nombre
d'entreprises ayant mis en place une « hotline » à destination
des lanceurs d'alerte, « plus petite composante d'un processus de
déclenchement d'alarme efficace et exhaustif
»138.
II - Les initiatives des pouvoirs publics
Cette dernière partie sera consacrée à
l'étude des initiatives les plus actuelles des pouvoirs publics
français en matière de lutte contre la corruption (A) puis
à la présentation d'un organe Etatique relativement ancien de
lutte contre la corruption, le Service Central de Prévention contre la
Corruption (B).
A - 2013 et la mise en oeuvres de nouvelles mesures
destinées à lutter contre la grande délinquance
économique et financière.
253. On a déjà pu remarquer que les
condamnations du chef de corruption privée sont encore quasiment
inexistantes en France. Pourtant, étant donnée
l'omniprésence avérée du phénomène et
notamment au sein du secteur achats des entreprises, on peut imaginer que la
répression pourrait s'intensifier. Toutefois, l'infraction de corruption
est par essence très difficilement réprimable et cette
caractéristique semble avoir été prise en compte par les
pouvoirs publics. En effet, depuis peu, l'Etat français a
souhaité s'armer pour lutter contre la grande
137 13ème étude mondiale sur la
Fraude menée par EY (Ernst Young) « Overcoming compliance fatigue:
reinforcing the commitment to ethical growth », juin 2014
138 Propos de Gérard Zolt, associé du cabinet EY et
responsable de la section FIDS
http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/Corruption_dans_le_monde_lutte_des_conseils_d_ad
ministration_pour_y_faire_face/$FILE/June14_fraud_survey_FR.pdf
101
délinquance économique et financière, la
délinquance complexe qui ne peut être mise à jour que par
des spécialistes, formés et qualifiés.
254. La création d'un procureur de la
République financier139. C'est la loi du 6
décembre 2013 relative au procureur de la République financier et
la loi du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et
à la grande délinquance économique et financière
qui ont permis la mise en place d'un procureur de la République
financier à compétence nationale. Ce dernier est directement
rattaché au tribunal de grande instance de Paris. Outre sa
compétence exclusive et nationale en matière de délits
boursiers, le procureur financier a une compétence partagée en
matière d'atteintes à la probité et notamment en
matière de corruption privée lorsqu'elles revêtent une
certaine complexité (grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes
ou grande dispersion géographique des faits). Le procureur financier est
aussi compétent pour poursuivre le blanchiment de l'ensemble de ces
infractions. Toutefois, en matière de corruption privée, il y a
fort à parier que ce procureur financier ne fera pas office de
révolution, ce dernier n'ayant finalement vocation qu'à
s'intéresser à des affaires à portée nationale ou
internationale et donc uniquement pour les dossiers impliquant des responsables
au plus haut de la hiérarchie d'entreprises « à forte
visibilité économique »140.
255. Les services d'enquête
spécialisés141. Le procureur de la
république financier a aussi pour possibilité de saisir des
services d'enquête spécialisés de la direction centrale de
la police judiciaire tels que l'office central pour la répression de la
grande délinquance financière (OCRGDF) et surtout l'office
central de lutte contre la corruption et les infractions financières et
fiscales (OCLCIFF) créé en octobre 2013, permettant de doubler
les effectifs consacrés aux infractions de corruption. L'OCLCIFF est
chargé des enquêtes en matière de corruption nationale et
internationale, des atteintes à la probité, des infractions au
droit des affaires, de la fraude fiscale complexe et du blanchiment de toutes
ces infractions. L'OCLCIFF a vocation à remplacer la Division nationale
d'investigations financières et fiscales (DNIFF). Il y a actuellement
plus de cent policiers, gendarmes, agents de la direction
générale des finances publiques au sein de l'OCLCIFF. Cet office
a par ailleurs pour objectif consacré de coordonner et d'organiser la
lutte contre les infractions de corruption (notamment) avec les autres services
d'enquête compétents (police judiciaire, gendarmerie, douanes,
administration fiscale ...).
139 Rapport d'activité du Service Central de
Prévention de la Corruption pour l'année 2014, juin 2015
140 Rapport d'activité du Service Central de
Prévention de la Corruption pour l'année 2014, juin 2015
141 Christine Dufau, commissaire divisionnaire, cheffe de
l'OCLCIFF,
http://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Dossiers/Corruption--et--fraude--fiscale--en--ligne--de--mire
102
L'idée étant d'encourager le partage
d'informations et d'améliorer les techniques d'enquête sur des
phénomènes complexes. Aussi, à l'image de ce qui est fait
dans beaucoup d'entreprises pour accueillir les « alertes », l'OLCIFF
devrait mettre en place un dispositif sur internet accessible à toute
personne ayant des informations sur des faits de corruption.
256. Une réponse efficace? Ainsi,
comme le souligne les rédacteurs du dernier rapport d'activité du
SCPC (rendu public en juin 2014), la création du procureur financier est
censée répondre à deux attentes. La première est de
mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux et
notamment l'article 36 de la Convention des Nations Unies contre la corruption
de 2003, disposant que « Chaque État partie fait en sorte,
conformément aux principes fondamentaux de son système juridique,
qu'existent un ou plusieurs organes ou des personnes spécialisées
dans la lutte contre la corruption par la détection et la
répression ». D'autre part, le procureur financier est
censé être une réponse efficace aux infractions
financières complexes venant compléter l'action des juridictions
interrégionales spécialisées qui n'ont, à
l'exception du Pôle financier de Paris, pas su se diversifier
suffisamment et se sont focalisées sur la criminalité
organisée et les grands trafics, délaissant la délinquance
financière complexe. Toutefois, selon Eliane Houlette, procureur de la
République financier, il est encore trop tôt pour faire un bilan
de l'activité du parquet national financier. Celui-ci n'étant
opérationnel que depuis le 1er février 2014. Il reste que le
parquet semble être en expansion puisque le nombre de magistrats qui le
compose a déjà plus que doublé, passant de 5 à 12
en janvier 2015142.
257. Des limites concernant la corruption
privée. Dans son commentaire de la loi n°2013-1117 du 6
décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière143,
le Professeur Marc Segonds met en évidence un nouveau symptôme du
moindre intérêt voire du désintérêt des
pouvoirs publics pour les méfaits de la corruption privée. En
effet, tout en saluant l'extension de la repentance144 aux faits de
blanchiment, de corruption publique,
142 Eliane HOULETTE procureur de la République
financier. (2015). Discours. Audience solennelle de rentrée du tribunal
de grande instance de Paris. 19 janvier.
143 Marc SEGONDS. (2014). Commentaire dela loi
n°2013--1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre
la fraude fiscale et la grande délinquance économique et
financière. LexisNexis. Revue de droit pénal.
Février.
144 A l'égard du blanchiment, l'article 324-6-1 du Code
pénal dispose que « Toute personne qui a tenté de
commettre les infractions prévues à la présente section
est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou
judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction
et d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou
complices.
La peine privative de liberté encourue par l'auteur
ou le complice d'une des infractions prévues à la présente
section est réduite de moitié si, ayant averti l'autorité
administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l'infraction ou
d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou
complices».
103
de corruption judiciaire, de corruption publique
étrangère et internationale et de corruption judiciaire
étrangère et internationale, l'auteur met en avant le fait que la
corruption privée est la seule à ne pas faire l'objet de ce
nouveau dispositif. En ignorant « des entrelacs de la corruption
publique et de la corruption privée, le législateur a omis d'y
soumettre cette dernière, omission d'autant plus impardonnable qu'il ne
peut raisonnablement être soutenu que la criminalité
organisée s'adonnerait à la première à l'exclusion
de la seconde ».
B - le Rôle ancré du Service Central de
prévention de la corruption145
258. Le Service Central de Prévention contre
la Corruption. Le SCPC est un service créé à par
la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention
de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques. C'est la principale autorité
anti-corruption française ayant une compétence en matière
de prévention, de détection, de centralisation des informations
relatives à la corruption146.
259. Un service en expansion. Les effectifs
du SCPC ont été plus que doublés depuis cinq ans, passant
de 5 membres à 12 membres en 2015. En parallèle, son rôle
s'est développé. La mission de centralisation des informations
relatives à la corruption permet au SCPC de publier chaque année
un rapport détaillé sur le phénomène de corruption
et ses évolutions. Concernant la seule corruption privée, on
pourra regretter que même le SCPC fasse preuve d'un moindre
intérêt. En effet, les statistiques concernant la corruption
privée sont relativement peu mises en avant et détaillées
dans les rapports des dernières années, bien que pas totalement
ignorées.
260. Un service novateur. Outre la
fourniture de chiffres précis et détaillés sur la
corruption, le SCPC effectue un rappel annuel des évolutions de la
législation nationale et propose depuis 2010 des pistes de
réformes dont certaines ont été suivies (notamment la
possibilité de constituer partie civile pour les associations de lutte
contre la corruption et la protection des lanceurs d'alerte). Ces propositions
sont issues de discussions avec les différents ministères
concernés, des entreprises et autres organisations impliquées
dans la lutte contre la corruption.
145 Rapport d'activité du Service Central de
Prévention de la Corruption pour l'année 2014. (2015). juin
2015.
146 ANNEXE : Graphique illustrant le champ d'activité du
SCPC dans le cadre national
261.
104
Un service formateur. Le rapport du SCPC pour
l'année 2014 rappelle que le SCPC met ses compétences au service
de la prévention de la corruption en participant
régulièrement des formations de sensibilisation aux risques de
corruption auprès d'administrations publiques, d'étudiants et
d'entreprises privées. Dans cette optique de prévention, le SCPC
a élaboré et publié en 2015 un document intitulé
« Les lignes directrices françaises visant à renforcer
la lutte contre la corruption dans les transactions commerciales ». A
l'heure où on constate un essoufflement des initiatives des entreprises
dans la prévention, il est de bon augure de constater que le SCPC tente
de sensibiliser les personnes concernées au phénomène et
à la nécessité de lutter. Ce document a pour objet de
proposer aux entreprises des recommandations juridiques non contraignantes pour
l'élaboration de programmes de conformité147.
262. Le SCPC, un service d'expertise. Le
SCPC est un soutien au service des autorités judiciaires et de
l'administration. Depuis la loi 1993, le SCPC est investi de la mission de
prêter son concours, sur demande, aux autorités judiciaires en
matière de corruption, de prise illégale d'intérêt,
de concussion, de favoritisme et de trafic d'influence. Il est également
chargé de donner des avis, toujours sur demande, à certaines
administrations au sujet de mesures anti--corruption. « En 2014, le
Service a été saisi de 66 demandes de concours, 9 émanant
d'autorités administratives, 2 d'autorités judiciaires et 57 de
particuliers, associations et conseillers municipaux
»148.
263. Des initiatives tardives mais
nécessaires. Ainsi, bien qu'une partie des mesures qui ont
été présentées soient intervenues relativement tard
dans un contexte où la délinquance économique fait
déjà l'objet de longs débats depuis des années, et
que leur impact soit difficilement mesurable, on voit que les pouvoirs publics
français cherchent à soutenir et à réaffirmer leur
volonté de lutter contre la corruption.
147 Rapport d'activité du Service Central de
Prévention de la Corruption pour l'année 2014. (2015). juin
2015.
148 Ibidem. p144
105
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