B -- Les organisations achats dans les entreprises
137. Les organisations achats centralisées.
Une organisation centralisée implique l'existence d'une seule
direction des achats. Celle-ci pouvant dépendre de la direction
générale de l'entreprise, avec dans ce cas une fonction
stratégique des achats ou pouvant dépendre de la direction
financière avec dans ce cas un rôle plutôt dit de «
cost killer ». Au fur et à mesure de la professionnalisation des
achats, les acheteurs aspirent bien évidemment à davantage
d'indépendance. Le rattachement à la direction
générale est souvent le signe d'une certaine maturité de
la fonction tandis que le fait d'être sous la responsabilité de la
direction financière peut laisser penser que la stratégie achats
de l'entreprise porte avant tout sur les réductions de coûts et
moins sur la recherche de l'innovation ou de la qualité des produits ou
des prestations de service. Dans l'hypothèse où la direction
achats est centralisée, elle gère à la fois les achats de
production et les achats hors production. Les collaborateurs peuvent
être, est c'est le plus classique, répartis par familles d'achats.
Une autre configuration, un peu moins répandue est l'organisation projet
d'achats par projet d'achats avec des acheteurs polyvalents. Par ailleurs, un
service d'achats peut couvrir d'autres domaines, tels que la logistique de
l'entreprise ou les services généraux.
138. Les organisations achats
décentralisées. Dans le cadre d'une organisation
décentralisée, les achats sont sous la responsabilité
directe d'une « business unit » ou centre de profit en
Français81. C'est l'organisation la plus fréquente
dans le secteur industriel. Dans ce type d'organisation les achats restent
stratégiques au sein de leur business unit, les acheteurs étant
focalisées sur les achats de production. Ainsi, dans une même
entreprise on pourra retrouver un certain nombre de directions achats
permanentes sans aucun lien l'une avec l'autre. Aussi, en cas de projets
communs à plusieurs business unit, dans certaines entreprises le choix a
été fait de mettre en place une direction de coordination achats
ayant pour fonction de superviser ces projets.
81 Une « business unit » ou centre de
responsabilité est un « centre de responsabilité pour lequel
a été fixé un objectif de profit ou de marge (atteindre un
objectif de profit ou de marge donné, ou maximiser le profit ou la
marge). La performance de ce centre étant déterminée par
le profit ou la marge dégagée, il est dès lors possible de
donner à son responsable toute liberté dans le domaine des prix
(dans la mesure toutefois où la fixation des prix n'est pas incompatible
avec la stratégie marketing de l'entreprise...) et de l'engagement des
coûts (inutilité d'un budget détaillé
imposé). Il est clair qu'un centre de profit doit être de
préférence en contact avec le marché, ce qui
n'élimine pas les cessions d'une partie de ses prestations à
d'autres divisions de l'entreprise (ces transactions internes s'effectuant
alors à des prix de cessions internes) ».
Ahmed SILEM, Alain-Charles MARTINET. (2009). Lexique de
gestion et management. édition Dunod.
139.
55
Divide ut regnes. Afin de limiter les risques
de corruption du service d'achats, une organisation décentralisée
sera préférable. En effet, bien que l'objectif premier de la
professionnalisation des achats soit d'aboutir à la réduction des
coûts de fonctionnement d'une entreprise, celle-ci ne doit pas se faire
au détriment de l'augmentation des risques de fraudes telles que la
corruption. Dans tous les cas, que l'entreprise opte pour une organisation
centralisée ou décentralisée, l'équilibre devra
être trouvé entre les économies recherchées et les
coûts que peuvent représenter les risques de fraude
(matérialisé notamment par les pertes dues aux
détournements, par les amendes potentielles du fait de la
responsabilité pénale de l'entreprise ou par les coûts
induits par le contrôle de prévention et de détection de la
fraude).
140. Une nécessité d'équilibre.
On l'a dit, l'objectif principal d'un service d'achats est la
réduction des coûts. Toutefois, il apparaît que cette
organisation est relativement sensible aux risques de corruption. Ce qui induit
un certain nombre de risques de coûts. En cas d'absence de contrôle
totale du service achats, l'entreprise s'expose à un risque de fraude et
aux coûts qui y sont liés (amendes pénales, pertes
liées aux détournements, mauvaise réputation etc.). Ces
coûts sont à mettre en perspective avec ceux liés à
la mise en place de procédures qui peuvent s'avérer elles aussi
très coûteuses. Il nous sera difficile de chiffrer
précisément les coûts induits par la fraude et sa
prévention, toujours est-il qu'un équilibre doit être
trouvé entre les économies induites par la centralisation des
achats et les coûts liés à la fraude.
56
II - Le processus achats, une étape exposée
au risque de corruption
Pour comprendre cette exposition particulière des
services achats il faut tour à tour étudier la fonction
d'acheteur (A) puis ce qui constitue sa mission principale, à savoir le
processus achats ou la mise en place des appels d'offres (B)
A - La fonction d'acheteur en entreprise
141. Le profil type de l'acheteur en entreprise.
La fonction achats s'est fortement professionnalisée.
Aujourd'hui, les acheteurs ont généralement un niveau bac + 5. Il
est intéressant de noter que ces derniers ont généralement
un profil qui correspond avec celui du fraudeur type82, bien que la
fonction d'acheteur tende actuellement à se féminiser.
-- 61 % des fraudeurs exercent dans l'entreprise victime,
dont 41 % depuis plus de 6 ans,
-- Dans 70 % des cas, le fraudeur est un homme entre 36 et 55
ans occupant un poste de manager.
-- 54 % des fraudes sont commises par des employés
ayant des fonctions d'encadrement ou de direction.
-- Dans 70 % des cas, le fraudeur agit en collusion avec
d'autres individus et cette tendance est en constante augmentation.
142. Différents niveaux de
responsabilités. Pour ce qui est des profils, il convient de
distinguer les directeurs achats des responsables achats et des simples
acheteurs. Les premiers, du fait de leur plus haut niveau de
responsabilité sont les plus exposés aux risques de corruption.
Les simples acheteurs étant une cible secondaire pour les fournisseurs
peu scrupuleux.
143. Prise en compte de l'importance de l'entreprise.
Il convient également de différencier les acheteurs
selon la taille de l'entreprise. Dans les plus grands groupes, l'acheteur fait
partie d'un service très structuré, sa responsabilité est
donc mieux définie et il est en général
spécialisé sur un secteur en particulier. Dans une moyenne
entreprise, il lui est déjà confié plus de
responsabilités. Dans une TPE, il est multitâche.
82 KPMG. (2013). « Global profiles of the fraudster -
White collar crime - present and future ». Etude.
144.
57
Une variété de familles d'acheteurs.
Il existe de nombreuses fonctions dans le domaine des achats. Dans les
entreprises, on peut néanmoins distinguer deux grandes familles: les
acheteurs de production et les acheteurs hors production. Dans la grande
distribution, les acheteurs représentent une famille à part
entière. C'est également le cas dans la sphère publique
où la fonction est elle aussi en train de se professionnaliser. A chaque
famille d'acheteur des risques particuliers existent.
145. Les achats de production. Le premier
secteur concerné par la mise en place de services achats
dédiés sont les achats de production, considérés
comme les plus stratégiques. Progressivement, différentes
fonctions sont apparues, comme celle de « responsable du sourcing
international », suite à l'importance croissante des achats
internationaux dans les pays en cours de développement. Autres exemples,
celle de « responsable de la qualité achats » ou encore la
création de postes de juristes spécialisés dans les
achats.
146. Les achats hors production.
Actuellement on assiste à une progression de l'achat dit «
hors production » au sein des services achats. Ceci est certainement du
à une prise de conscience de la part des entreprises du potentiel
d'économie existant dans d'autres familles d'achats.
147. Une exposition au risque de fraude
corrélée au niveau de responsabilité. Au plus
haut de la hiérarchie d'un service, c'est le directeur achats qui est
chargé de gérer toute le service et de faire la liaison avec la
direction générale (les prescripteurs internes) ou avec d'autres
secteurs comme la production. Etant donné son plus haut niveau de
responsabilité, il n'est pas étonnant que statistiquement il soit
le plus exposé au risque de corruption. En 2015, un directeur des achats
sur quatre déclare avoir déjà été
confronté à une tentative de corruption là où
« seulement » 11% des acheteurs et 16% des responsables achats
déclarent avoir déjà été confrontés
à une tentative de corruption83.
148. La fonction d'achat et le processus d'achat.
En pratique, le rôle d'un acheteur est de mener à bien le
processus achats. La corruption peut être envisagée à
chaque étape de ce processus.
83 AgileBuyer - Groupement Achats HEC (2015). Les
Priorités des Services Achats en 2014 ou la manière dont seront
gérés les sous--traitants en 2015.
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