B -- Primes et cadeaux, une évolution à deux
vitesses
1 -- Evolution de l'encadrement de la pratique des
ventes avec prime
93. L'influence du droit de l'Union
Européenne. La question de la conformité de la
législation nationale au regard du droit communautaire a fait l'objet
d'une première décision par la Cour de justice en 1982. Cette
dernière avait considéré dans un premier temps «
qu'on ne saurait méconnaître que l'offre de primes en nature
comme moyen de promotion des ventes peut induire en erreur les consommateurs
sur les prix réels des produits et fausser les conditions d'une
concurrence basée sur la compétitivité. Une
législation qui, pour cette raison, restreint ou même interdit de
telles pratiques commerciales, est donc de nature à contribuer à
la protection des consommateurs et à la loyauté des transactions
commerciales »53, validant ainsi l'interdiction en vigueur
en droit français.
94. Revirement de la position de la Cour de justice
de l'Union. Il faut attendre l'année 2010 avant que cette
décision, bien que contestable à certains égards, face
l'objet d'une remise en question. Une nouvelle décision de la Cour de
justice, cette fois sur le fondement de la directive du 11 mai 2005 sur les
pratiques commerciales déloyales, a condamné l'Autriche du fait
de dispositions de droits internes prévoyant l'interdiction
générale des ventes avec primes. Le droit français
étant sur ce point très semblable au droit Autrichien, cette
décision avait alors été reprise par la Cour de
cassation54. Ceci ayant eu rapidement pour effet de pousser le
législateur national à revoir sa copie.
53 CJCE, 15 déc. 1982, aff. 286/81, Oasthoek,
Rec. CJCE 1982, p. 4575, Activités CJCE 1982, no 30
54
Cass. com., 13 juill. 2010, no 09-15.304,
Bull. civ. IV, no 127, JCP E 2010, 1820 ; Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, no
09-11.161, Bull. civ. I, no 232, JCP E 2010, 2016
95.
39
La levée de l'interdiction de principe de la
pratique des ventes avec primes en droit national. Ainsi, c'est sous
l'impulsion de la jurisprudence de l'Union Européenne puis de la Cour de
cassation que la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 est venue modifier l'article
L.121-35 du Code de la consommation en précisant que « la vente
avec prime n'est prohibée que dans la mesure où elle revêt
un caractère déloyal au sens de l'article L.120--1 »
96. Des limites persistantes. Le recours
à la vente ou à la prestation de service avec prime n'est
toutefois pas entièrement dérèglementé. En
principe, entre professionnels, la prime doit figurer dans les conditions
générales de ventes et doit figurer sur la facture et en
comptabilité au titre des « rabais, remises, ristournes ». Par
ailleurs des règles particulières de droit de la concurrence
s'appliquent aux entreprises en situation de domination sur un marché.
Aussi, il convient de rappeler que le recours à la vente ou à la
prestation de service avec prime doit être effectué dans le
respect de l'article 445-1 du Code pénal, objet de cette étude.
En effet, « la Cour de cassation, par une décision en date du 26
janvier 2011 a confirmé la décision de la cour d'appel
d'Aix-en-Provence sanctionnant le prévenu, président d'une
fédération, pour avoir obtenu un ordinateur qui constitue «
un avantage patrimonial qui ne saurait être assimilé à
un cadeau d'entreprise qui n'aurait pas manqué d'apparaître sur
une facture idoine afin d'accomplir un acte de sa fonction, s'agissant du choix
d'une entreprise aux fins d'établissement d'un contrat de maintenance
informatique et d'acquisition de matériel informatique concernant
directement l'organisme dont il assurait la présidence »
(Cass. crim, 26 janv. 2011, no 10-82.281) »55
97. Sanctions pénales. Les
infractions à la législation des ventes ou prestations de
services avec prime sont des contraventions de la cinquième classe.
L'amende maximale encourue étant de 1500 euros et de 3000 euros en cas
de récidive56. Toutefois, il est intéressant de noter
que l'amende pourra être prononcée à chaque vente ou
prestation exécutée en contravention avec la législation.
Le montant cumulé pouvant vite devenir conséquent.
55 Lamy, « Droit économique », Partie 3
« Distribution », Division 2 « Les méthodes de vente et
d'offre de services », Chapitre 3 « Les avantages ou
suppléments proposés ou imposés », Section 1 «
Les primes et cadeaux ». (n°3352) « Limites à la
validité des primes entre professionnels ».
56 Article R. 113-1 et R. 121-13 du Code de la consommation et
131-13, 5° du Code pénal
98.
40
Cumul avec d'autres infractions.
L'interdiction des ventes avec primes supposant qu'elle revête un «
caractère déloyal » au sens de l'article L. 120-1 permet
presque automatiquement de poursuivre tout comportement relatif à une
vente avec prime non conforme sur le fondement des l'articles L. 121-1,
réprimant justement les pratiques commerciales déloyales. Dans ce
cas les peines prévues sont bien plus élevées puisque
l'article L. 121-6 du code de la consommation prévoit une peine
d'emprisonnement de deux ans et une peine d'amende de 300 000 euros, pouvant
être portée à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel des
trois dernières années.
99. Dans le cadre de ce mémoire il semble superflu
d'aller plus loin dans l'étude de la réglementation des pratiques
de vente avec primes (nous n'aborderons donc pas les modalités
d'attribution de la prime ni les régimes particuliers). L'essentiel
semble avoir été développé au regard de la
compréhension de la démonstration du caractère sensible
à la corruption privée de certains comportements qualifiés
de pratiques d'affaires. Il convient néanmoins de s'intéresser
désormais plus précisément à la
règlementation de la pratique des cadeaux en matière
commerciale.
2 -- Evolution de l'encadrement de la pratique des
cadeaux dans les affaires
100. Rappel. Comme il a été
dit précédemment, l'article 40 de la loi n° 73-1193 du 27
décembre 1973 prohibait la remise à titre gratuit de tout produit
ou prestation de service gratuit dès lors qu'elle n'était pas
liée à un acte commercial onéreux. Avant l'entrée
en vigueur de tout assouplissement de cette interdiction, la jurisprudence
avait dors et déjà admis certaines pratiques assimilables aux
cadeaux.
101. Abrogation récente de l'interdiction de
la pratique des cadeaux. Cette interdiction est désormais
dépassée et la jurisprudence confirmée depuis l'ordonnance
no 86-1243 du 1er décembre 1986, sans qu'aucune
nouvelle règle pénale d'ordre général ne soit venue
limiter cette dérèglementation. Nous le verrons, il existe
néanmoins certaines exceptions. La dépénalisation a pu
rendre possible, du moins par principe, certaines pratiques commerciales telles
que le transport gratuit de clientèle, les annonces et journaux
d'annonces gratuits et tout autre objet sans aucune limite de valeur
imposée.
102.
41
Cas particulier des cadeaux d'affaires ou cadeaux
d'entreprise. Il est intéressant de noter qu'avant cette
dépénalisation de la pratique commerciale des cadeaux, qui est
intervenue relativement tard, les cadeaux d'entreprise ou cadeaux d'affaires,
avantages gratuits bien connus, notamment en matière de corruption,
étaient eux aussi visés par l'interdiction générale
de 1973, sans exception à leur égard. Malgré cette
interdiction générale, cette pratique visant à
créer, maintenir ou consolider une relation d'affaires entre le
fournisseur et le client n'a jamais cessé d'exister et jouissait d'une
certaine impunité. Aujourd'hui, si cette pratique est
réalisée « dans les règles », sa
légalité de principe n'est de toute façon plus
contestée en droit de la concurrence et de la consommation.
103. Exceptions à la licéité des
cadeaux concernant les professions de santé. Au regard de la
lutte contre la corruption, certaines limites à la licéité
de la pratique des cadeaux et primes doivent cependant être
évoquées et notamment celles concernant le secteur de la
santé.
III - Les exceptions à la licéité
de la pratique des cadeaux, des mesures destinées à lutter contre
la corruption
La pratique des primes et cadeaux fait l'objet d'une
prohibition de principe dans certains domaines (A) mais connait aussi des
limites matérialisées par l'infraction de corruption
privée (B).
A -- Exceptions au principe de licéité de
la pratique des cadeaux commerciaux
1 - Le régime de l'exception et la loi «
anti--cadeaux »
104. Dispositions concernant les pharmaciens.
Un certain nombre de dispositions imposent une interdiction de
principe à la pratique des cadeaux par les pharmaciens. C'est le cas
notamment de l'article R. 4235-22 du code de la santé publique («
relatif à la sollicitation de clientèle par des
procédés contraires à la dignité de la profession
»), de l'article R. 4235-25 du code de la santé publique («
relatif à l'atteinte au libre choix du pharmacien par les malades
»), et de l'article R.5122-4, 14° du code de la santé publique
interdisant aux officines et autres établissements pharmaceutiques de
donner des primes, objets, produits, avantages matériels directs ou
indirects57.
57 Ce régime spécifique est rappelé aux
professionnels concernés et fait l'objet d'un article
pédagogique disponible sur le site de l'ordre des
pharmaciens:
105.
42
Dispositions concernant les professions
médicales. L'article L. 4113-6 du Code de la santé
publique dispose « qu' est interdit le fait, pour les étudiants
se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du
présent code et pour les membres des professions médicales
mentionnées au présent livre, ainsi que les associations les
représentants, de recevoir des avantages en nature ou en espèces,
sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte,
procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou
commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires
de sécurité sociale. Est également interdit le fait, pour
ces entreprises, de proposer ou de procurer ces avantages ».
106. Professionnels concernés par
l'interdiction. Cette interdiction de principe concerne notamment les
médecins, les chirurgiens-dentistes, les chirurgiens
orthopédistes, les ophtalmologistes, les sages-femmes, les infirmiers,
masseurs-kinésithérapeutes, orthoptistes ou encore les
orthopédistes.
107. Nature de l'interdiction. Ces personnes
ne peuvent recevoir d'avantages provenant d'une entreprise fabriquant ou
commercialisant des produits pharmaceutiques, des matériels
médico-chirurgicaux dès lors que les produits sont pris en charge
par les régimes obligatoires de sécurité sociale.
Constituent des « avantages interdits » ceux reçus directement
ou indirectement, espèces (commissions, ristournes, remboursements de
frais) ou en nature (notamment cadeaux, invitations, prises en charge de
voyages d'agrément), qu'ils aient ou qu'ils n'aient pas de rapport avec
des prestations prises en charge par la Sécurité sociale
dès lors que l'entreprise qui consent l'avantage commercialise elle
même des prestations prises en charge par la sécurité
sociale.
108. De rares exceptions. Hormis certaines
exceptions (« avantages de valeur négligeable » et
activités de recherche ou d'évaluation) dont les
régimes ne seront pas détaillés ici, la pratique des
cadeaux et primes est donc prohibée en matière sanitaire. En
résumé, le pharmacien se voit donc empêché de faire
des cadeaux à sa clientèle et le médecin d'en recevoir de
la part d'entreprise gravitant dans le monde de la santé.
http://www.ordre.pharmacien.fr/Nos-missions/Le-role-de-l-Ordre-dans-les-missions-de-sante-publique/Dispositif-anti-cadeaux
43
2 - Le risque de corruption, raison principale de
l'exception frappant le secteur de la santé
109. Justifications de l'exception à la
licéité de la pratique des cadeaux dans le domaine de la
santé. A ce stade de l'étude il convient de s'interroger
sur les causes de l'interdictions faite aux professions médicales. Selon
le Professeur Claude Béraud58 et pour reprendre ses propos,
« Les risques de la corruption sont mieux connus depuis quelques
années en raison de l'éclairage visant les conflits
d'intérêt des professionnels de la santé qui conduisent
à la commercialisation et à la prescription de dispositifs
médicaux ou de médicaments dangereux pour les malades. Des lois
ont été votées pour permettre la transparence des
relations financières entre les industriels et les soignants. Leur
efficacité n'est pas garantie car la plus grande partie des honoraires
que les industriels versent aux soignants ne sera pas connue du public
»59.
110. Manifestation de la corruption en matière
médicale. Aujourd'hui, en matière médicale le
corrupteur est rarement un individu isolé qui, par exemple, corrompt le
membre d'une clinique pour obtenir un passe droit concernant des soins ou un
emploi. En matière sanitaire, la corruption s'exerce de façon
industrielle, directement ou par l'intermédiaire de
sociétés « de lobbying » auprès de certains
acteurs du système de santé. Les médecins ou les
pharmaciens sont donc concernés par cette corruption, la plus souvent
afin qu'ils prescrivent les produits commercialisés par les industries
pharmaceutiques. L'existence de ces risques particuliers de corruptions a
récemment poussé les pouvoirs publics à adopter des lois
visant à les réduire et à les combattre. Notamment
« la loi de 2003 « anti--cadeau », proposée par
Simone Veil et Philippe Douste Blazy, toujours en vigueur mais elle a et
complétée par la loi de Xavier Bertrand du 29 décembre
2011 sur les liens d'intérêts qui lorsqu'ils sont de nature
à faire naître un conflit d`intérêts doivent
être déclarés »60.
111. Une exception justifiée par un
intérêt supérieur. On peut donc
légitimement en déduire que les exceptions en matière
sanitaire à l'autorisation de principe de recourir à la pratique
des cadeaux d'affaire sont motivées principalement par une
volonté des pouvoirs publics de réduire au maximum les
58 Le Professeur Claude Béraud est un
enseignant-médecin agrégé. Ancien chef de clinique
à Bordeaux et ancien vice-président de l'Université de
Bordeaux. Il a participé à plusieurs commissions
ministérielles notamment la Commission nationale des comptes de la
santé. Il est également nommé médecin conseil
national en 1989. Il a aussi occupé le poste de conseiller du
président de la Mutualité française jusqu'en 2003(
http://www.claudeberaud.fr).
59
http://www.claudeberaud.fr/?72-lutter-contre-les-fraudes-et-la-corruption-dans-le-systeme-de-soins
60 Ibidem
44
risques de corruption. L'idée de Marcel Mauss selon
laquelle il existe une forme de danger à accepter un cadeau semble donc
intégrée par les pouvoirs publics. C'est face à ce danger
que ces derniers ont préféré réguler au maximum
leur utilisation dans le domaine de la santé, au détriment de la
liberté. Cette exception s'explique probablement par le fait que la
santé est considérée comme étant d'un
intérêt supérieur à celui de la protection de la
liberté de commerce et d'industrie. Cette forte régulation de la
pratique du cadeau est donc censée matérialiser un obstacle
à toute corruption en matière de santé.
112. Un risque de corruption privée
justifié par la liberté? Cette analyse conforte donc
l'idée développée par les sociologues que nous avons
cités, selon laquelle tout cadeau induit nécessairement un risque
de corruption puisqu'il implique quasiment toujours un « contre-don »
au profit du donateur. Bien que les pouvoirs publics aient conscience de ce
risque, la pratique des cadeaux et notamment des cadeaux d'affaires reste
licite dans une grande majorité des secteurs de l'économie. Ceci
ne doit donc pas être interprété comme une reconnaissance
d'absence de risque de corruption liée à la pratique des cadeaux
et primes mais comme un choix politique, celui de faire primer la
liberté sur la sécurité dans les affaires. Rappelons
à cet égard que c'est sous l'influence de l'Union
Européenne que la pratique fut réintroduite en droit de la
consommation et en droit de la concurrence.
113. Ainsi, on le voit, l'utilisation des primes comme les
cadeaux ne fait plus aujourd'hui l'objet d'interdiction de principe, il n'y a
donc plus d'obstacle à leur utilisation dans les pratiques commerciales.
Reste donc la question du droit pénal et fiscal et des obligations
à respecter pour ne pas risquer de se rendre coupable de l'infraction
réprimée aux articles 445-1 et 445-2 du Code pénal.
B - La pratique actuelle du cadeau d'entreprise et les
risques de corruption
1 - Une pratique influencée par le contexte
économique et culturel
114. Influence de la crise actuelle sur la pratique
des cadeaux d'affaires. Les difficultés économiques
récentes ont entrainé avec elles une volonté palpable de
la part de la part de nos dirigeants de faire entrer plus d'éthique dans
les affaires. Cette volonté s'illustre de façon assez claire et
médiatique s'agissant du respect de l'environnement mais de façon
moins évidente concernant l'éthique des affaires.
45
Toujours est-il que les cadeaux d'affaires, levier de
commercialisation stratégique pour les entreprises, semblent être
dans le viseur des autorités publiques, fiscales et pénales. En
matière fiscale par exemple, ils peuvent dans certaines
hypothèses être considérés comme une
rémunération à part entière, avec les
conséquences en matière d'imposition qui s'en suivent. Ils
peuvent à ce titre constituer une contrainte importante pour
l'entreprise.
115. Des formes variées de cadeaux d'affaires.
Le cadeau peut revêtir diverses formes plus ou moins classiques.
Spiritueux, parfums, séjours en hôtels de luxe, gastronomie,
objets technologiques, cours de cuisine ou d'oenologie, visites culturelles,
coffrets cadeaux, invitation sur un circuit automobile... la liste est longue
et semble n'avoir de limite que l'imagination des donateurs. Les limites
juridiques sont quant à elles plus nettes, quoique parfois difficiles
à définir.
116. Une affaire de culture et une pratique
traditionnelle française. D'après une étude de
2012 menée auprès de 500 entreprises françaises par la
société Omyagué spécialisée dans la
commercialisation de cadeaux d'affaires, le chiffre d'affaires du marché
des cadeaux d'entreprise en 2012 était estimé à 851,45
millions d'euros, en progression de 3% par rapport à l'année
201161. Le cadeau d'affaires semble être une affaire de
culture, en France comme au Brésil ou en Russie cette pratique semble
faire partie des moeurs, contrairement à l'Allemagne ou la Suisse62
et plus généralement aux pays de culture anglo-saxonne, peu
enclins à accepter des cadeaux d'affaires.
117. Réflexion sur la culture anglo--saxonne
du cadeau d'affaires. D'après Eric Morgain, consultant,
ex-associé du cabinet d'audit et de conseil Deloitte63, les
anglo-saxons seraient moins adeptes des cadeaux d'affaires par crainte
notamment des risques d'accusation de corruption ou par respect des chartes
éthiques encadrant ces pratiques, plus répandues dans leurs
entreprises. Selon lui, «Il n'y a pas de cadeau sans contrepartie. Au
mieux, c'est inutile, au pire c'est dangereux. Le terrain de l'entreprise est
celui des compétences. Nous pouvons aussi entretenir de bonnes relations
grâce à notre expertise, notre confiance et des relations humaines
sérieuses. C'est beaucoup plus durable qu'un bon d'achat pour un
week--end.» Par ailleurs, rien n'interdit de renvoyer un cadeau
d'affaires. Dans certaines
61
http://www.actionco.fr/thematique/motiver-1019/seminaires-conventions-10091/Breves/Face-a-la-crise-les-entreprises-recourent-aux-cadeaux-d-affaires-54421.htm
62 Clarisse BURGER (2011), cadeaux d'affaires, la
sempiternelle remise en question. Le Nouvel Economiste. Propos de
Charles-Olivier Dornoy, Directeur commercial et marketing des Grandes Etapes
Françaises. Article disponible en ligne:
http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/cadeaux-daffaires-la-sempiternelle-remise-en-question-9599/
63 Ibidem
46
hypothèses ce sera d'ailleurs préférable.
En effet, rappelons l'idée de M.MAUSS selon laquelle refuser un don
permet de ne pas s'exposer au danger qu'il induit. Le risque n'est toutefois
pas seulement inhérent au cadeau lui-même mais découle
aussi du flou qui entoure la pratique, notamment vis à vis du droit
fiscal et pénal.
118. Evolution des mentalités.
Longtemps, l'incertitude entourant la pratique des cadeaux n'a pas
réellement posé de problème aux entreprises, toutefois,
crise et éthique ont progressivement changé la donne.
L'interrogation des professionnels semble croissante.
2 - Une insécurité juridique
persistante
119. Des règles fiscales imprécises.
En principe l'article 3964 du Code général
des impôts exige que, pour être déductibles du
résultat fiscal, les cadeaux d'entreprises doivent être
effectués dans l'intérêt de l'entreprise65,
qu'ils soient d'un montant « raisonnable » et en cas de
dépassement d'un seuil66, qu'ils fassent l'objet d'une
déclaration supplémentaire sous peine de sanctions. Aussi, les
cadeaux dont la valeur unitaire est inférieure à soixante euros
toutes taxes comprises par personne et par an sont déductibles de la TVA
à condition qu'ils aient été faits dans
l'intérêt de l'entreprise. Toutefois, en pratique, ces
règles sont peu respectées. La principale difficulté
étant que, hormis le seuil, le caractère « raisonnable
» et le fait que le cadeau soit effectué dans
l'intérêt de l'entreprise est soumis, en cas de contrôle,
à l'appréciation de l'administration fiscale. Ces critères
sont une première source d'ambiguïté et d'incertitudes quant
aux cadeaux.
64 Extrait de l'article 39 du Code général des
impôts : « 5. Sont également déductibles les
dépenses suivantes:
e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des
objets de faible valeur conçus spécialement pour la
publicité
f. Les frais de réception, y compris les frais de
restaurant et de spectacles.
Pour l'application de ces dispositions, les personnes les
mieux rémunérées s'entendent, suivant que l'effectif du
personnel excède ou non 200 salariés, des dix ou des cinq
personnes dont les rémunérations directes ou indirectes ont
été les plus importantes au cours de l'exercice.
Les dépenses ci--dessus
énumérées peuvent également être
réintégrées dans les bénéfices imposables
dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas
été apportée qu'elles ont été
engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise.
Lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure
à celle des bénéfices imposables ou que leur montant
excède celui de ces bénéfices, l'administration peut
demander à l'entreprise de justifier qu'elles sont
nécessitées par sa gestion ».
65 Conseil d'Etat, arrêt du 27 novembre 1959 (req.,
n° 44826 : Rec. CE, p. 634 : Dr. fisc. 1960, n° 10, doctr., concl. M.
Poussière)
Conseil d'Etat, arrêt du 10 décembre 1969 (CE, 7e
et 9e sous-sect., 10 déc. 1969, req., n° 73973 : Dr. fisc. 1970,
n° 50, comm. 1429, concl. G. Schmeltz)
66 Actuellement le seuil s'élève à 3000
euros. L'obligation concerne la déclaration n°2067 (relevé
des frais généraux pour les sociétés) ou le cadre F
de la déclaration n°2031 de la liasse fiscale (pour les entreprises
individuelles).
120.
47
Des règles pénales imprécises.
L'objet des développements sociologiques
précédents a été de démontrer que dans une
certaine mesure, un cadeau implique généralement une contrepartie
attendue du donateur. Ceci étant dit, il reste à étudier
à quelles conditions la pratique des cadeaux d'affaires constitue et ne
constitue pas une hypothèse de corruption privée au sens des
articles 445-1 et 445-2 du Code pénal.
121. Initiative des pouvoirs publics en faveur de
plus de précision. Face au constat de l'imprécision de
la loi quant à la pratique des cadeaux d'entreprises, le
législateur semble prendre conscience de la situation et souhaite y
apporter des remèdes. La loi de financement de la sécurité
sociale pour 2011 a été une première étape de
modernisation en matière fiscale. Une remarque peut être faite
à ce sujet, en effet, mieux encadrer ces pratiques par le droit fiscal
constitue un moyen pour les pouvoirs publics de mieux les prévenir en
donnant aux entreprises le moyen de savoir s'ils se trouvent dans une situation
prévue légalement ou non. Dorénavant, tout cadeau au
delà d'un certain montant offert à un salarié par un tiers
est considéré comme un avantage en nature au sens du droit de la
Sécurité Sociale et doit être soumis comme tel aux
cotisations sociales. En revanche, lorsque le salarié exerce une
activité en lien direct avec la clientèle aucune cotisation n'est
imposée dès lors que la valeur du cadeau n'excède pas 15%
du Smic mensuel. Cette disposition suppose bien entendu que les
déclarations soient effectuées, en revanche, en cas de non
déclaration (frauduleuse) cette disposition constitue une
avancée, dans le sens où un cadeau qui n'aurait pas
été déclaré conformément à cette
règle permettra de démontrer peut-être plus aisément
la mauvaise foi des agents. Pour beaucoup, cette nouvelle réglementation
devrait faire évoluer les pratiques vers plus de transparence. Les
entreprises vont devoir s'adapter en obligeant par exemple les services,
utilisateurs théoriques de la pratique des cadeaux, à collaborer
avec les directions financières afin de revoir leur stratégie de
promotion.
122. Incitation des entreprises à plus de
prudence. Du fait de l'attention plus grande qui est portée
à la pratique des cadeaux d'affaires, à cette volonté de
transparence affichée de la part des pouvoirs publics, les entreprises
sont appelées à plus de vigilance. Notamment vis à vis des
risques d'accusation de corruption. Leur attention doit porter sur la nature du
cadeau, sur la façon dont il est offert, sans oublier le moment
où il est offert. A cet égard, Jacques Nillès, consultant,
Professeur de philosophie et maître de conférence en science de
gestion à l'Université de Savoie (spécialisé en
éthique de l'entreprise) considère lui aussi que « du
cadeau d'affaires à la tentative de pot-de-vin, la frontière est
parfois mince. On
48
peut attendre en retour d'un cadeau d'affaires plus de
souplesse dans la gestion d'un contrat, des négociations moins
serrées sur les prix et c'est là où on frôle la
corruption »67.
123. La proportionnalité, règle
principale en matière de cadeau. Toujours selon Jean-Jacques
Nillès, pour une entreprise, « la première chose
à savoir est qu'il y a cadeau et cadeau. Il convient de distinguer les
cadeaux rituels témoignant d'une forme de remerciement sans influencer
la nature de la relation, d'un cadeau disproportionné qui vise à
créer un sentiment de dette. C'est donc une question d'équilibre
de la relation »68. Dans le même sens, Maître
Titone et Maître Dary du cabinet Fidal69 précisent
qu'il n'existe pas de règle spécifique, que la législation
reste relativement imprécise mais que, outre l'importance du principe de
proportionnalité en matière de cadeaux d'entreprises, la
règle principale est de ne pas donner un cadeau en l'échange d'un
acte précis et précisé de la part du donataire, comme la
signature d'un contrat par exemple.
124. Difficultés d'appréciation de la
licéité d'un cadeau. Nous l'avons vu, le don d'argent en
matière de cadeau d'entreprise est prohibé. Il est cependant
moins aisé d'être aussi radical concernant par exemple une
invitation à diner dans un hôtel luxueux, à un spectacle ou
une représentation sportive. Bien qu'il n'existe aucune interdiction de
principe, ces pratiques peuvent être constitutives de corruption
privée dans certaines hypothèses. C'est notamment le cas de la
situation d'appel d'offre. Il ne faut pas être naïf, au cours d'un
appel d'offre et spécialement lors de la négociation, les cadeaux
doivent être évités au maximum, tant pour le fournisseur
que pour le client. En effet, dans cette hypothèse, il paraîtrait
peu crédible que le donateur comme le donataire n'ait pas une
idée précise de la contrepartie logique d'un cadeau d'affaires.
On pourrait éventuellement penser que dans ce cas précis, une
sorte de présomption de contrepartie précise soit possible. Un
tel comportement peut être constitutif du délit de corruption
sanctionné par l'article 445-1 du Code pénal si l'avantage n'est
pas en lien avec l'activité, que sa valeur est disproportionnée
et qu'il vise à obtenir une contrepartie contraire aux usages et/ou
obligations professionnels. Avant même l'entrée en vigueur de la
loi du 4 juillet 2005, la jurisprudence retenait que des présents en
nature tels que des
67 Catherine QUIGNON (2011). Cadeaux d'affaire, la
législation se durcit. Le nouvel économiste. Disponible en
ligne:
http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/cadeaux-daffaires-la-legislation-se-durcit-10741/
68 Catherine QUIGNON (2011). Le nouvel économiste. Op
cit.
69 Maîtres Matthieu DARY et Thierry TITONE (cabinet
Fidal), spécialisés dans le droit des affaires (Pratiques
tarifaires, réseaux de distribution, réglementation produit,
droit de la consommation, infractions économiques). (2011). Cadeaux
d'affaires: méfiez--vous. Action Co N°314. 1er Mai
49
repas au restaurant70, du matériel hi-fi,
photographique71 ou des voyages72 pouvaient faire office
d'avantage indu.
125. Abus de bien social et abus de confiance.
Aussi, il ne faut pas oublier qu'un dirigeant consentant un tel
avantage peut être poursuivi sur le terrain de l'abus de bien social qui
réprime le fait de faire un usage des biens ou du crédit de sa
société contraire à son intérêt, à des
fins personnelles ou pour favoriser une société dans laquelle il
est intéressé. De la même manière, un salarié
d'une entreprise qui reçoit un cadeau personnel afin de ne pas
défendre au mieux les intérêts de sa société
dans le cadre d'une négociation avec l'entreprise qui lui accorde ce
cadeau peut être poursuivi sur le terrain de l'abus de confiance, une des
infractions connexes au délit de corruption privée sur lesquelles
nous reviendrons ultérieurement.
126. Difficulté liée à une quasi
absence de jurisprudence en la matière. L'état actuel de
la jurisprudence en matière de corruption et cadeaux d'entreprise,
hormis pour le secteur de la santé et concernant les agents du service
public, ne permet pas d'en savoir plus sur les risques de corruption
liés à la pratique des cadeaux d'affaires. Est-ce à dire
qu'on ne peut se trouver dans une situation de corrupteur à corrompu en
présence de tels cadeaux? Evidemment non, l'explication doit
nécessairement se trouver ailleurs. On pourra éventuellement
interpréter ce défaut de jurisprudence comme causé par un
mélange de tolérance française envers certaines pratiques,
par un désintérêt des autorités de poursuite qui
privilégient (probablement pas manque de moyen) les atteintes à
la probité des personnes publiques et surtout par un problème de
preuve, inhérent à l'infraction de corruption et dont nous
examinerons les contours ultérieurement.
127. Un moyen de lutte contre cette
insécurité juridique. La principale difficulté
concernant les cadeaux d'affaires et la corruption reste ce flou juridique. Les
entreprises ont néanmoins des moyens de se prémunir contre les
risques de pratiques abusives de la part de leur membres. La première
chose à faire est de former les personnes concernées sur les
règles de base à respecter concernant un cadeau fait à un
client.
- Il ne doit pas être fait dans l'intention d'obtenir
une contrepartie particulière. - Il doit être en rapport avec
l'activité
- Il doit être d'un coût modéré et
raisonnable
70 CA Paris, 25 mars 1998 : JurisData n° 1998-021008. -
Cass. crim., 27 mai 1999, n° 98-84.471. - Cass. crim., 22 sept. 2004,
n° 03-86.473 : JurisData n° 2004-025297 ; Rev. sociétés
2005, p. 205, note B. Bouloc
71 Cass. crim., 22 juin 1999, n° 98-85.258
72 CA Paris, 25 mars 1998 : JurisData n° 1998-021008
50
Pour ne pas s'exposer à des risques pénaux et
fiscaux les fournisseurs doivent respecter ces quelques règles. A cet
égard nous étudierons ultérieurement
l'intérêt qu'ont les entreprises à intégrer des
règles anti--corruption au sein de leur règlement interne.
128. Outre l'exposition particulière
des acteurs du secteur achats à la pratique des cadeaux, le
fonctionnement, l'organisation et plus simplement la raison d'être des
services achats en font un écosystème spécialement
sensible au risque de corruption.
51
SECTION 2nde - Les achats, un service
particulièrement exposée au risque de corruption
privée
Au regard de l'objectif de démonstration du fait que
les achats sont un secteur sensible à la corruption, nous
présenterons d'abord la raison d'être et l'organisation de ces
services (I) avant de s'intéresser au processus et à la fonction
achats (II)
I - Le service achats, une organisation au service de la
rentabilité de l'entreprise
129. L'évolution des services achats semble être
fonction d'un besoin de rentabilité croissant du fait de l'augmentation
de la concurrence internationale. Cette réduction des coûts
liée à la spécialisation des services a entrainé de
facto un augmentation des risques de fraudes inhérents au service
achats. (En moyenne, un service achats gère un budget
représentant 40 à 80% du chiffre d'affaires de son entreprise).
L'évolution ayant conduit à la mise en place de services achats
dédiés sera évoquée (A) avant d'étudier les
différentes organisations possibles de ces services (B).
A - L'importance croissante de la fonction achats dans
les entreprises
130. Les intérêts stratégiques
d'un service d'achats. L'intérêt premier de la mise en
place d'un service achats est la réduction des coûts. Si une
compagnie a plusieurs filiales ou plusieurs sites, elle va par ce biais pouvoir
globaliser ses achats, augmenter le volume moyen des commandes et ainsi avoir
un plus grand pouvoir de négociation auprès de ses fournisseurs.
C'est grâce au service d'achats que la coordination et la globalisation
vont être rendues possibles. Les relations avec les fournisseurs sont
ainsi professionnalisées et les rapports de force plus
équilibrés, allant même jusqu'à la mise en place de
partenariats. Le service d'achats peut même aller jusqu'à
suggérer d'externaliser certains secteurs d'activité à
faible valeur ajoutée si sa connaissance du marché est bonne. Ce
peut être très utile, dans un contexte où les entreprises
françaises sont confrontées à la concurrence
internationale, la réduction des coûts est devenue une
priorité.
131.
52
L'importance croissante des services achats des
entreprises. Nous sommes passés d'une économie de
production, avec de forts volumes de ventes, à une économie
mondiale. La pression de la concurrence s'est donc fortement accrue ces
quarante dernières années, obligeant les entreprises à se
réorganiser afin de rester rentables. Les prix de vente ne pouvant
augmenter indéfiniment, la tendance des entreprises a été
de se concentrer sur la réduction des achats afin d'améliorer
leurs marges bénéficiaires73. Ce qui explique en
partie pourquoi une des fonctions ayant le plus évolué est celle
d'acheteur. Celle-ci a connu des évolutions majeures.
132. Le service achats, un service
particulièrement exposé aux risques de corruption. En
moyenne, le service achats d'une entreprise européenne voit passer entre
ses mains 40 à 80% du chiffre d'affaires
réalisé74. Le poste achats d'une entreprise est donc
souvent un des plus élevé d'une entreprise, ce qui en fait un
écosystème propice à la corruption.
133. Un développement de la fonction
d'acheteur en plusieurs étapes. Au départ la fonction
d'acheteur s'est d'abord développée dans le secteur industriel
avant d'apparaître dans le secteur tertiaire. Avant de prendre sa forme
actuelle la fonction d'achats s'est d'abord manifestée dans le suivi des
approvisionnements. Cette fonction était généralement
assez limitée, avec peu de responsabilité et donc peu
exposée au risque de corruption. Toutefois la fonction d'approvisionneur
a su évoluer pour de devenir celle que nous connaissons. «
L'acheteur est devenu celui qui recherche les fournisseurs susceptibles de
répondre aux besoins de l'entreprise en termes de qualité, de
coûts et de délais. Il passe les appels d'offres et négocie
les contrats en lieu et place des prescripteurs internes »75
.
134. La professionnalisation des services achats.
Au cours des années 1990 cette fonction s'est
professionnalisée, du fait notamment de l'utilisation croissante
d'internet dans les affaires et donc de nouveaux outils tels que
l'e-procurement ou l'e-sourcing. Durant cette période le métier
d'achats avait une image négative et été apparenté
à un rôle de « cost-killer ». « Au milieu des
années 2000, le métier s'anoblit. Dans un contexte
économique difficile, l'acheteur est celui qui permet à
l'entreprise de conserver ses marges, de nouer des partenariats
stratégiques avec des fournisseurs et de rechercher l'innovation. Enfin,
il est dernièrement celui qui
73 Marge commerciale = Prix de vente HT - Coût d'achat
HT
74 AgileBuyer - Groupement Achats HEC (2015). Les
Priorités des Services Achats en 2014 ou la manière dont seront
gérés les sous--traitants en 2015.
75 (2011). La fonction achats en entreprise, politique et
stratégie d'achats. Décision Achats - Le guide N°4. 1er
janvier. Disponible en ligne : http://www.decision-achats.fr/
53
contribue à la bonne image de l'entreprise à
travers le développement d'une politique d'achats durables
»76. Interrogé en 2010 au sujet de la fonction
achats, Pierre Pelouzet, président de la Compagnie des dirigeants et
acheteurs de France (CDAF), déclare que, étant donnée la
période économique actuelle les directions achats subissent
toujours la pression des directions générales et
financières concernant la réduction et la maîtrise des
coûts. Selon lui c'est un signe positif, celui de la reconnaissance du
métier d'acheteur. Pour Pierre Pelouzet, « le tout est de ne
pas tomber dans la caricature de la réduction des coûts,
c'est-à-dire le cost killing dont tout le monde connaît
aujourd'hui les limites».
135. Extension de la compétence du service
achats à tous les secteurs de l'entreprise. La tendance de
l'évolution de la fonction achats fait apparaître une prise de
contrôle progressive des différents portefeuilles de l'entreprise,
bien que les secteurs d'achats dits « hors production » (ressources
humaines, marketing, communication.) soient encore actuellement peu
impactés par cette progression. Il reste que, il n'est pas exclu
qu'à terme, malgré des résistances internes, les acheteurs
parviennent à conquérir de nouveaux postes d'achats. Ceci
reviendrait à étendre les risques de corruption inhérents
aux achats, du fait notamment de nouvelles délégations aux
services achats de la part des prescripteurs internes.
136. Une image négative de la part des
pouvoirs publics. Au départ l'image du métier d'acheteur
était relativement négative dans l'esprit des dirigeants et des
pouvoirs publics. Mais la reconnaissance croissante du métier d'acheteur
dans les entreprises explique que les pouvoirs publics s'y soient
intéressés. Afin de tenter de réhabiliter l'image de
l'acheteur, une charte de bonne conduite77 a été
rédigée sous l'impulsion du CDAF78 et a
été signée par Christine Lagarde Le 11 février
2010, alors ministre de l'économie79. Outre les pratiques
relatives à la corruption80, les acheteurs pâtissent
d'une mauvaise image due à l'attitude parfois irresponsable de certaines
entreprises en matière de gestion des rapports humains. Souvent, le
comportement négatif d'un petit nombre est de nature à impacter
l'image de l'ensemble. Les acheteurs ne sont pas épargnés et le
but de cette étude n'est bien entendu pas de rédiger une diatribe
à leur encontre mais bien de faire état de l'existence de risques
de corruption inhérents à leur fonctionnement.
76 Ibidem
77
http://www.relations--fournisseur--responsables.fr/
78 Abréviation pour Compagnie des dirigeants et acheteurs
de France
79
http://www.cdaf.fr/referentiel--des--achats/charte--label
80 25% des Directeurs Achats avouent avoir déjà
fait l'objet d'une tentative de corruption -- AgileBuyer - Groupement Achats
HEC (2015). Les Priorités des Services Achats en 2014 ou la
manière dont seront gérés les sous-traitants en
2015
54
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