Chapitre 1 : Diagnostic situationnel des services
écosystémiques
d'approvisionnement des ressources en eau de surface de
la RB-BVO au Bénin
1.1. Problématique
Les avantages issus des ressources naturelles constituent des
biens et services indispensables à la survie de l'humanité,
rendant ainsi l'homme dépendant vis-à-vis des
écosystèmes qu'il habite. Cela est d'autant plus vrai quand on
sait que plus de 62 % de la population mondiale dépend directement des
services de la nature dans les zones rurales. Quant à la population des
zones urbaines et périurbaines, elle améliore ses revenus et
assure une partie de ses besoins en énergie, en médicaments et
autres éléments essentiels grâce aux ressources
écosystémiques (IPBES, 2018). Cette dépendance humaine des
biens et services naturels est davantage plus importante quand il s'agit des
écosystèmes humides. Il est admis que les zones humides,
considérées comme berceaux de la diversité biologique
fournissent l'eau et les produits primaires dont dépendent pour leur
survie, des espèces de plantes et d'animaux dont l'homme. Elles jouent
également un rôle dans les croyances religieuses et cosmologiques
d'une part et sont d'autre part une source d'inspiration et de refuge pour des
esprits de tous genres (Assogbadjo, 2010).
En effet, ces attributs et services environnementaux
aujourd'hui connus sous l'appellation de « services
écosystémiques » se réfèrent aux
bénéfices que retirent les sociétés humaines de la
nature. C'est une conception des écosystèmes en une série
d'attributs, vecteurs de bien-être, qui rend la vie possible à
l'être humain (Boyd & Banzhaf, 2007). Dans plusieurs régions
d'Afrique où la nature est encore productive, les aires
protégées et les réserves de biosphère engendrent
des flux de services écosystémiques essentiels pour satisfaire
les besoins des communautés en nourriture, en eau, en énergie, en
fibre, en produit de santé et bien d'autres services et moyens de
subsistance stables (UNESCO 2012). C'est l'un des arguments de promotion et de
conservation de la biodiversité au profit de la population humaine
(Myers, 1996). Les réserves de biosphère en particulier sont des
zones de fourniture des services écosystémiques et de
démonstration des mesures d'adaptation pour les systèmes naturels
et humains, facilitant ainsi le développement de stratégies et de
pratiques de résilience des peuples des régions africaines.
Au Bénin, toutes les zones humides d'importances sont
reconnues réserve de biosphère MAB-UNESCO en fonction de leur
rôle dans le développement humain. Elles sont des
réservoirs d'eau et sont indispensables pour le développement de
la vie, abritant une partie de la faune et de la flore, et constituent une
source vitale d'alimentation pour une population en pleine croissance
(Sossou-Agbo, 2013). La dernière reconnaissance est la réserve de
biosphère de la basse vallée de l'Ouémé (RB-BVO),
localisée dans la zone humide du site Ramsar 1018 au sud-Est du
Bénin. Elle intègre les bassins versants du fleuve
Ouémé,
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la rivière Sô, du lac Nokoué et le flanc
Est du littoral béninois. La réserve RB-BVO s'est
édifiée dans le plus grand bassin de ressources en eau de surface
au Bénin avec un potentiel en ressources halieutiques (poissons,
crevettes, huîtres etc.) et agricoles (MCVDD, 2020). Ces
écosystèmes constituent des pools de gènes floristiques et
fauniques et des sanctuaires pour assurer la conservation (in situ) et
la durabilité de la biodiversité. De même, la
disponibilité des ressources en eau assure la pérennisation des
us et coutumes de la plupart des groupes socioculturels des populations
riveraines à travers les pratiques culturelles. Les services
écosystémiques constituent un déterminent du mode de vie
et d'existence des peuples autochtones et riverains de la réserve. Cela
relève d'une évidence car, les services
écosystémiques d'approvisionnement sont plus concrets pour les
populations et ont une valeur d'usage direct (Sabi Lolo Ilou & al,
2017).
Cependant, les systèmes d'exploitation des services
écosystémiques par une population en pleine croissance ne sont
pas toujours en adéquation avec les propriétés et
capacités de production de ces milieux. La basse vallée de
l'Ouémé a connu au cours des années, une
dégradation de ses conditions environnementales et un affaiblissement
des capacités de restauration biologique des milieux. Pour illustration,
les écosystèmes aquatiques présents dans ce secteur sont
les plus touchés par cette forte dégradation (Attingli &
al, 2017). La persistance des pratiques non durable d'exploitation des
ressources et la forte croissance démographique sont entre autres
facteurs, les causes principales de cette détérioration
observée. Il en est de même pour l'agriculture et l'élevage
qui, associées à la pêche sont les principales
activités économiques de la réserve (Sossou-Agbo,
2013).
A cela, s'ajoute la prolifération des plantes
aquatiques envahissantes plus particulièrement la jacinthe d'eau
(Eichhornia crassipes) qui, par sa croissance extraordinaire et sa
mobilité, devient un problème récurrent pour les
ressources en eau de surface et les populations riveraines de RB-BVO. Ces
espèces aquatiques envahissantes atteignent souvent des proportions
d'infestation alarmante imputable à l'eutrophisation surtout dans les
lacs peu profonds dont les bassins versants sont soumis à de multiples
activités humaines (Feuchtmayer & al, 2009 ; Mama &
al, 2011). Il s'en suit une fragilisation des moyens de subsistance des
communautés qui sont à la solde des biens et services
environnementaux pour leur bien-être.
Dans ce contexte de contraintes toujours croissantes sur les
milieux naturels, une analyse des principaux services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface de la réserve de biosphère de la basse vallée de
l'Ouémé au Bénin est une ouverture pour une approche de
gestion durable des ressources naturelles. Il se dégage alors de ce
développement une question principale ; quelles sont les approches
d'usage communautaire des principaux services écosystémiques
d'approvisionnements des ressources eau de surface de la RB-BVO au Bénin
? Nous aborderons cette question autour de trois (03) questions
spécifiques. D'abord ; quelles sont les formes d'utilisation des
services écosystémiques des
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ressources en eau de surface de la RB-BVO par les
différents groupes ethniques riverains de la réserve ? Ensuite,
quelles sont les principales techniques d'usage des services
écosystémiques d'approvisionnement de ressources en eau de
surface de la réserve et leur particularité ? Et enfin quelle est
la perception des communautés des impacts que génèrent les
techniques d'usage des services écosystémiques
d'approvisionnement sur les composantes environnementales de la réserve
? Ces questionnements nous permettent de fixer les orientations de la
présente étude à travers les objectifs.
1.2. Objectifs et Hypothèses Objectif
général
Dans l'optique d'apporter des éléments de
réponses aux questions de recherche, l'objectif général de
cette étude est d'analyser les approches d'usage communautaire des
principaux services écosystémiques d'approvisionnement des
ressources en eau de surface de la RB-BVO au Bénin.
Objectifs spécifiques
Elle vise spécifiquement à :
Catégoriser les principales formes d'utilisation des
ressources en eau de surface de la RB-BVO par les différents groupes
ethniques riverains ;
Caractériser les techniques d'usage des principaux
services écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau
de surface de la RB-BVO au Bénin et d'en déterminer les
particularités ;
Evaluer l'impact des techniques d'usage des services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface sur les composantes environnementales de la RB-BVO.
Hypothèses de recherche
A la lumière du contexte de l'étude et des
orientations de recherche, nous abordons ces travaux suivant les
hypothèses que voici :
L'importance de chaque service écosystémique
d'approvisionnement des ressources en eau de surface de la réserve est
liée aux facteurs géographiques et ethniques du milieu ;
Les nouvelles techniques d'usage des services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface ont un rendement supérieur à celui des techniques
traditionnelles ;
Les nouvelles techniques d'usage des services
écosystémiques d'approvisionnement génèrent plus
impacts sur les composantes environnementales de milieu.
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1.3. Connaissance des services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface de la RB-BVO au Bénin
1.3.1. Les services écosystémiques :
Origine et définition
La biodiversité au service du bien-être humain
est le nouveau modèle de la conservation prôné par la
plupart des acteurs. Au travers d'un développement axé sur
l'économie mais qui a également mobilisé les sources
d'autres disciplines, Meral (2012) présente les trois principaux
concepts de l'économie et de l'écologie qui permettent d'exprimer
ce lien étroit entre l'homme et la nature. Il s'agit des services
environnementaux, des services écosystémiques et des services
écologiques. Bien que le premier soit beaucoup plus un concept qui
relève de l'économie, les services écosystémiques
et les services écologiques représentent les services rendus aux
hommes par les écosystèmes. Il est communément admis au
regard des écrits de (Cardona, 2012), que l'origine de la notion de
bénéfices pour l'homme produits par la nature remonte dans les
années 1960 aux Etats Unis. Mais le concept de « services des
écosystèmes » en lui-même s'est formalisé plus
tard chez les biologistes de la conservation depuis les années 1980. Il
s'est par la suite enrichi avec la perspective de leur classification en vue de
leur évaluation marchande dans le courant des années 1990
à 2000, avec le développement de l'économie
écologique. Le concept de service écosystémique a
d'ailleurs connu une popularité plus grande de 2001 à 2005
à travers le rapport d'Evaluation des Écosystèmes du
Millénaire (EEM).
Plus de quinze ans après la publication de ce rapport
sur l'EEM, de nombreuses avancées ont été
réalisées pour asseoir une définition consensuelle des
services écosystémiques et rendre le concept plus
opérationnel. Ainsi, le MEA (2005) défini les services
écosystémiques comme « les bienfaits que les gens obtiennent
des écosystèmes. Ils incluent les services d'approvisionnement
tels que la nourriture et l'eau ; les services de régulation comme la
régulation des inondations, de la sécheresse, de la
dégradation des terres et des maladies ; les services de soutien comme
la formation des sols et le cycle nutritif ; et les services culturels comme
les bienfaits récréationnels, spirituels, religieux et
immatériels ». A son origine, la notion se situe à la
croisée entre des enjeux écologiques et humains d'une part, avec
des implications économiques et politiques inévitables d'autre
part. Dès lors, il est question de la gestion des services et donc des
arbitrages entre enjeux écologiques et enjeux humains (Vasseur &
al, Siron, 2019). Cependant, la présente étude mettra plus
en lumière les enjeux écologiques et humains ainsi que les
interrelations qui existent entre ces deux paramètres. Cette analyse
croisée va déboucher sur des propositions de pistes
d'amélioration des politiques environnementales, relatives aux services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface de la réserve.
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1.3.2. Les services écosystémiques
d'approvisionnement fournis par les ressources en eau de surface de la
RB-BVO
Les évaluations des connaissances sur les services
écosystémiques sont peu courantes dans la zone d'étude
surtout dans le contexte spécifique des ressources en eau de surface.
Cependant, Bureau (2018) a essayé à travers une méthode
statistique, de faire une caractérisation des services
écosystémiques selon la perception des communautés locales
du bas delta de l'Ouémé. Il parvient à répertorier
dans ce delta qui fait partie de l'actuelle RB-BVO, les moyennes de 17 à
19 catégories de services écosystémiques dans leur
ensemble. Le présent travail de recherche a pour objet, les principaux
services écosystémiques d'approvisionnement reconnus utiles par
les communautés. A cet effet, la fertilité des sols, la
biodiversité animale et végétale, l'eau pour le bien
être, le transport et les pratiques religieuses, et les mines sont les
grandes catégories de services écosystémiques
d'approvisionnement considérées par cette étude.
Antérieurement, plusieurs auteurs (Lalèyè, 1995 ; Kpadonou
& al, 2010 ; Mama & al, 2011 ; Attingli & al,
2017 ; etc.) ont abordé à travers des études de
référence, chacun de ces services écosystémiques
d'approvisionnement. (Attingli & al, 2017) approche la question de
l'état de pollution de l'eau des zones de pêcherie dans la basse
vallée de l'Ouémé. L'auteur fait constater que
l'intensification des pressions de pêche dans cette partie de la
réserve, les rejets d'effluent domestiques, l'extraction
effrénée du sable, les changements d'affectation des sols
constituent les principales perturbations qui affectent la qualité des
ressources en eau de surface et la morphologie du cours d'eau. Bien que cette
étude soit localisée dans la partie sud de la réserve,
elle constitue une source pour l'évaluation des impacts des techniques
d'usage des services écosystémiques d'approvisionnement sur les
composantes environnementales de la réserve. Considéré
comme le delta le plus poissonneux du Bénin, la pêche dans la
RB-BVO quant à elle a été diversement
étudiée suivant les auteurs. Sidi, (1981) est l'une des
références qui a catégorisé les différentes
techniques de prélèvement des produits de pêche. Pour cet
auteur, la pêche dans la vallée de l'Ouémé se fait
soit par des techniques passives qui ne nécessitent pas une manoeuvre
permanente sur les engins lors des captures, soit par les techniques actives
qui sont des méthodes qui nécessitent une action constante
pendant la pêche. C'est en effet un rapport bien structuré qui
présente les principales techniques de pêche rencontrée sur
les cours et plans d'eau de la réserve. Mais entre-temps, la pêche
dans les ressources en eau de surface de l'Ouémé a
évolué avec l'introduction des techniques nouvelles. Pour faire
évoluer la recherche, notre étude sur les approches d'usage
communautaire des services écosystémiques d'approvisionnement des
ressources en eau de surface aura le mérite de faire une description des
itinéraires techniques de ces techniques de pêche ainsi que
d'autres techniques d'approvisionnement des services
écosystémiques.
La réserve est parcourue par la plus importante
vallée alluviale du pays et considérée à juste
titre comme l'une des plus productives du Bénin. L'INRAB (2017) dans la
publication du
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Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin, a
exploré l'importance des spéculations agricoles
rencontrées dans la commune de Bonou qui occupe la partie nord de la
réserve. Cette production est basée essentiellement sur les
cultures vivrières que sont le maïs suivi du manioc, de la patate
douce, l'arachide, le niébé, la tomate, le piment, le gombo, et
les légumes gluants. Par ailleurs, le riz est une spéculation
nouvelle en expérimentation dans plusieurs régions de la
réserve. Quant aux types de sols propices à la production et au
rendement des spéculations agricoles, on sait de Kpadonou &
al, (2010) que les berges et les bas-fonds sont les zones agricoles
privilégiées de la réserve. Les pratiques de la
jachère et de l'association des cultures sont rares. La fertilité
des sols est naturellement restituée à la faveur des crues par
les dépôts d'une quantité importante d'alluvions. Les
engrais minéraux et organiques ne sont pas utilisés. Mais avec la
démographie galopante et le concours des effets indésirables des
changements climatiques, notre étude permettra d'actualiser les
informations sur les techniques agricoles utilisées ainsi que leurs
impacts sur l'environnement de la réserve.
Par ailleurs, différents auteurs ont travaillé
sur la compréhension d'autres formes d'utilisation des services
écosystémiques d'approvisionnement des ressources en eau de
surface de la RB-BVO. Il s'agit en occurrence de l'utilisation de l'eau pour le
transport largement abordée par (Sossou-Agbo, 2013), à travers
l'étudie de la mobilité dans le complexe fluvio-lagunaire de la
basse vallée de l'Ouémé, ainsi que l'exploitation du sable
fluvial et lagunaire. Ces activités sont en pleine expression sur le
fleuve Ouémé, la rivière Sô, la lagune de Porto-Novo
et le lac Nokoué et nécessitent d'être approfondies dans le
cadre de la présente recherche. Bien que certaines formes d'utilisation
des ressources en eau de surface ainsi que des techniques d'usage
associées aient été distinctement approchées par
certaines études, il n'en demeure pas moins que les approches
d'exploitation communautaire des ressources en eaux de surface prises dans un
ensemble de service écosystémique d'approvisionnement restent
à élucider. Ces travaux s'orientent donc vers une capitalisation
des connaissances endogènes dans l'utilisation des ressources en eau de
surface de la RB-BVO par les populations riveraines pour asseoir les bases
d'une gestion durabilité des ressources de la réserve.
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