1.2.2 Le bien-être au travail: un corollaire aux
facteurs de motivation?
Lors du siècle dernier, les entreprises, pour augmenter
la productivité de leurs salariés, pouvaient se permettre un mode
de management qui utilisait des leviers de motivation générateur
de stress, basé sur un système de sanctions et de
récompenses financières (primes..). Mais lorsque les individus
sont motivés par des carottes et des coups de bâtons, diverses
expériences scientifiques montrent qu'ils deviennent moins
créatifs, moins ingénieux et de manière
générale : moins performants intellectuellement18.
Aujourd'hui, dans le monde occidental, le travail - avec la
montée en puissance du secteur tertiaire, l'automatisation des
tâches simples et les délocalisations - comprend des tâches
radicalement différentes. Elles sont plus complexes, davantage de
l'ordre du relationnel et du service client (où il s'agit de se montrer
souriant quel que soit son état intérieur !). L'environnement
économique et le futur se révèlent incertains. Les
nouveaux moyens de communication exigent une disponibilité et une
réactivité de tous les instants. Pour la majorité des
salariés, le travail d'aujourd'hui n'est plus physique mais
essentiellement intellectuel, et comprend essentiellement des actions
complexes.
Or, les salariés qui gèrent des fonctions
complexes ont avant tout besoin d'anticiper, d'imaginer; en un mot de penser...
si bien que les leviers de motivation simples ne sont plus efficaces. En
quelque sorte, quand la tâche est simple, une incitation
financière s'avère efficace mais, quand une mission est complexe,
une telle incitation est contre-productive car elle génère une
pression d'enjeu qui agit en « paralysant» la pensée. Dans le
contexte actuel, les leviers de motivation qui s'avèrent efficaces
s'appuient sur les qualités profondes de l'être humain, c'est ce
qui fait dire à Daniel H. Pink qu'il s'agit de leviers de «
motivation intrinsèque ». Daniel H. Pink présente, dans son
ouvrage19, trois clés destinées à
améliorer la motivation dans le contexte actuel : l'autonomie, la
maîtrise et la finalité.
Daniel Pink cite plusieurs exemples d'entreprise où des
expériences d'autonomie ont été menées. Si les
exemples20 qu'il cite démontrent qu'autonomie est synonyme de
liberté et de performance, elle a un autre avantage, c'est d'être
source de... bien-être ! En matière de
18 « La vérité sur ce qui nous motive » -
Daniel H. Pink, 2011
19 Journaliste et auteur américain. Assistant de Robert
Reich, il est scripteur de discours pour le vice-président des
États-Unis Al Gore de 1995 à 1997. Ouvrage: « Drive »
ou « La vérité sur ce qui nous motive », 2011
20 Au sein des entreprises Atlassian et Google
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
santé, on est plus habitué à mesurer les
dégâts causés par le manque d'autonomie, de liberté
d'action, que les bienfaits inhérents à l'autonomie. La
liberté d'action apparaît d'autant plus accessoire qu'elle ne
manque pas. Lorsque l'on voit ce qui se passe sur certains plateaux
d'assistance téléphonique, on prend conscience de la souffrance
consécutive à l'absence de liberté d'action. Quand on voit
des personnes obligées de recourir à une grille de questions et
de réponses, on mesure le malaise que cela représente. Pour
améliorer le bien-être, chaque fois que cela est possible, il faut
laisser de la liberté d'action.
Dans l'approche de Daniel Pink, la maîtrise correspond
au fort désir de progresser de plus en plus afin de maîtriser
quelque chose de nouveau. Il lie la notion de maîtrise au concept de
« flow» de Csikszentmihalyi21. Un certain nombre
d'entreprises telles, que Microsoft et Patagonia, s'attachent à
favoriser l'état de flow car elles perçoivent en lui à la
fois une source de productivité et de plaisir au travail. Si la
maîtrise est synonyme de performance et de réussite, elle a un
autre mérite, c'est d'être source de... bien-être. Elle
correspond au fort désir de progresser de plus en plus afin de
maîtriser quelque chose de nouveau et d'important. Et il y a, là,
une véritable source de plaisir, le plaisir que l'on éprouve
quand on sent que l'on est en train de progresser, de réussir. Or, il
est actuellement admis, notamment grâce aux travaux de Philippe
Davezies22, que le fait de prendre conscience de l'utilité de
son travail pour autrui est protecteur, singulièrement du stress. Quant
au plaisir, il est lui également protecteur vis-à-vis du stress.
La maîtrise est donc source d'excellence et de bien-être. Les
personnes disposant d'une part suffisante d'autonomie et ayant des objectifs en
adéquation avec leurs compétences se montrent très
performantes.
La chercheuse Sylvia Hewlett23 a constaté
que les deux générations - Baby boomer et
génération Y - sont en train de redéfinir le succès
et souhaitent un changement radical du type des récompenses. Aucune de
ces générations ne considère l'argent comme la forme la
plus importante de récompense. Au lieu de cela, elles choisissent une
gamme de facteurs non-monétaires qui vont « d'une équipe
géniale » à « la possibilité de servir, par leur
travail, la communauté ». Et, si elles ne peuvent pas obtenir un
ensemble de récompenses satisfaisantes dans les organisations
existantes, elles créent leurs propres entreprises. Selon le Boston
21 Psychologue d'origine hongroise connu pour ses travaux sur la
notion de « flow ». Le flow est un état de concentration
optimale obtenu d'autant plus facilement que le niveau de défi est en
harmonie avec les capacités de la personne.
22 Enseignant-chercheur en médecine et santé au
travail. Université Claude Bernard Lyon1.
23 Sylvia Ann Hewlett, Laura Sherbin et Karen Sumberg, How Gen
Y & Boomers Will Reshape Your Agenda, Harvard Business Review,
juillet-août 2009.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Globe24, les entreprises peuvent améliorer
le bien-être de leurs employés en déplaçant une
partie de leur budget vers les dons consacrés aux organismes de
bienfaisance.
Ce sont les employés qui gèrent les dons et les
organismes qui en bénéficient. En d'autres termes, la prise de
contrôle des employés sur la façon dont l'entreprise donne
à la communauté pourrait davantage améliorer leur
satisfaction globale qu'une incitation financière classique. Ainsi,
lorsque le but de l'entreprise associe à l'intérêt
économique, une part d'intérêt général, la
motivation des salariés sera plus forte.
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