Chapitre I : Au plan politique et religieux
A- Evolution du concept de royauté
divine
C'est au M.E. qu'on décèle les
conséquences de la crise de la P.P.I.
La fin de cette crise intervint vers - 2050 au moment
où l'Egypte retrouva son unité sous la direction des princes
thébains368. Cette réunification des Haute et Basse
Egypte, allait permettre, en même temps, le retour de la monarchie
pharaonique après une longue période de carence. En effet,
à partir de Montouhotep II (considéré comme l'unificateur
du pays) les souverains Thébains vont adopter le protocole royal de
l'A.E., prenant le nom d'Horus, se proclamant rois de Haute et de Basse Egypte
et se donnant le titre de « Fils de Rê »369. Le
M.E., considéré comme la seconde phase brillante de l'histoire de
l'Egypte venait ainsi de s'ouvrir. Le pays allait renouer avec la construction
de grands édifices royaux et religieux qui constituent l'un des signes
les plus visibles de la vitalité de sa civilisation. Au plan politique,
on va assister au retour des institutions royales à l'image de celles de
l'A.E.370
Dans le même temps, l'Egypte allait renouer avec la
politique extérieure de l'A.E. avec des expéditions en Asie et en
Nubie371.
Ainsi, si l'on ne se fiait qu'à ce retour du «
Royaume des Deux-Terres », à la titulature des pharaons ou bien
à la teneur de leurs actions, pas le moindre changement ne serait
intervenu depuis la fin de l'A.E. à l'exception de la capitale qui a
quitté Memphis pour Thèbes372. Cependant, à y
regarder de près il semble que le système monarchique avait
beaucoup évolué au sortir de la P.P.I.
En effet, pour l'institution royale, rien ne devait plus
être comme avant. Le souvenir des luttes politiques, qui avaient affaibli
la monarchie memphite avant de contribuer à son effondrement
était encore présent. En outre, le spectacle des pharaons sans
autorité, des règnes simultanés de souverains qui se
disputaient ou se partageaient la couronne et qui cédaient leurs
privilèges aux princes, avait participé à
discréditer les titres, les cartouches et
368 Sur la fin de la P.P.I., (Cf. ; Supra,
Première partie, chapitre I, A).
369 Pirenne J., op.cit, 1960, p. 51.
370 Les titres administratifs tels que « Vizir »,
« Chef des six cours de justice », « Gouverneur des villes
», commencèrent à réapparaître dans la
biographie des fonctionnaires (Cf., Breasted J.H., op.cit, 1988,
paragraphe 424 à 459).
371 Grimal N., op. cit., 1984, p. 195.
372 Wolf. W., op. cit., 1955, p. 66.
87
les insignes de la royauté373. On en
était arrivé à une monarchie qui avait perdu son
caractère sublime et dont la faiblesse et le fractionnement avaient
comme conséquence, la dépréciation du dogme de la
royauté divine qui fut un de ses fondements à
l'A.E.374 Tous ces faits constituèrent alors, les
manifestations de profondes modifications de l'image de l'institution
monarchique. Le concept d'une royauté incarnée par un souverain
considéré comme un dieu, allait évoluer vers une tendance
beaucoup plus humaine.
Pour analyser l'évolution subie par le concept de
royauté divine au sortir de la crise, nous allons utiliser comme
sources, les textes littéraires du M.E.
Il s'agit principalement de la Prophétie de
Néferty que nous avons utilisé en analysant la phase
violente de la crise de la P.P.I. La dernière partie de ce texte est
consacrée à l'annonce de l'avènement d'un certain
Amény, considéré comme le sauveur de
l'Egypte.375
Il y a aussi l'Enseignement du roi Amenemhat à son
fils Sésostris où le pharaon, prodiguait des conseils
à son fils et successeur en l'entretenant des réalités
propres à la gestion du pouvoir.376
Nous avons aussi les textes biographiques du M.E. dont nous
retrouvons la traduction dans (Ancient records of Egypt) de J. H.
Breasted.
373 Posener G., op.cit, 1956, p. 66.
374 Ibidem.
375 Ameny le sauveur de l'Egypte dans la prophétie, a
été identifié à Amenemhat Ier, le
fondateur de la XIIe dynastie. L'identification d'Ameny à
Amenemhat Ier étant posée, le texte de la
prophétie peut être considéré comme annonciateur de
l'avènement de la XIIe dynastie. Sur la question de cette
identification, Cf., Lefebvre G., op.cit, 1982, p.104, note 60;
Posener G., op.cit, 1956, p.22-29 ; Ndiaye L., op.cit.,
20012002, p.67à72.
376 Lalouette Cl., op.cit, 1984, p.57 à 59 ;
Breasted J.H., op.cit, 1988, paragraphes 474 à 483. La question
sur l'auteur réel de ce texte reste posée. En effet, si pour
certains historiens Amenemhat Ier est son auteur, pour d'autres par
contre le texte est composé après la mort de ce pharaon dans le
but de légitimer l'arrivée au trône de son fils
Sésostris Ier . Sur les arguments des uns et des autres (Cf.,
Posener G., op.cit, 1956, p.67 à 75 ; Breasted J.H.,
op.cit, 1988, paragraphe474). Mais dans tous les cas, il reste que ce
texte constitue une source importante dans l'analyse de l'évolution de
l'image divine de pharaon sous le M.E. De par son auteur, son auditoire et son
contenu, ce texte a un précédent dans l'Enseignement de
Khéti III à son fils Mérikarê qui date de la
P.P.I. En fait, ce qui fait la valeur de ces deux textes, c'est que les
auteurs, malgré leur position de souverain, sont perçus comme de
simples mortels et les sentiments qu'ils expriment sont humains. La
ressemblance entre certains aspects de ces deux textes est telle que certains
auteurs font la confusion. C'est le cas de Y. Somet (Cf., L'Afrique dans la
philosophie. Introduction à la philosophie africaine pharaonique,
Paris, Khepera, 2005, p.125, not 187) qui fait attribuer certains passages du
texte d'Amenemhat à l'Enseignement de Khéti III. Cette
confusion a fait dire à Y. Somet que, l'Enseignement de Khéti
III a été situé de façon anachronique, par
certains auteurs, à la IXe ou Xe dynastie. Or,
effectivement le texte de Khéti III date des IXe et
Xe dynasties (c'est-à-dire celles des souverains
nommés Khéti ou Mérikarê), c'est le texte
d'Amenemhat qui date de la XIIe dynastie. En fait, la confusion
faite par Y. Somet pourrait être due au fait que les passages de
l'Enseignement d'Amenemhat qu'il a cités sont tirés de
l'ouvrage de J. Pirenne (op.cit, 1962, p.99-103). Et ce dernier a
entamé l'étude du texte d'Amenemhat, dans son ouvrage, en faisant
des références au texte de Khéti III qui est son
antécédent dans la littérature égyptienne.
88
Comme l'ont affirmé E. Drioton et J. Vandier, la
doctrine de la divinité de pharaon, telle qu'elle avait
été amplifiée par son inclusion dans le dogme
héliopolitain, resta théoriquement inchangée pendant tout
le cours de l'histoire de l'Egypte. Toutefois, elle avait subi, dans ses
expressions, le contrecoup des vicissitudes politiques de la
monarchie377. C'est ainsi que durant l'Ancien empire, la
pureté du sang solaire était l'élément essentiel de
la légitimité. Et, pour la transmettre à leur successeur,
les pharaons prirent de préférence pour Grande Epouse ou reine,
une de leurs propres soeurs ou demi-soeurs378. A l'époque, la
succession étant basée sur la lignée paternelle, c'est le
fils aîné issu de cette union qui était
considéré comme l'héritier présomptif et il
succédait à son père au trône à la mort de ce
dernier379. Il était arrivé que le trône
fût usurpé par quelqu'un qui n'était pas de la
lignée royale. Mais dans ce cas, il prenait une fille royale comme
épouse ou bien une doctrine est élaborée pour
légitimer son pouvoir380. Mais depuis la fin de l'A.E., ce
dogme qui sous-tendait la légitimité du pharaon avait subi
maintes violations.
Nous avons vu que par la faveur de la crise de la P.P.I, le
trône d'Egypte était devenu accessible par la seule force de
l'énergie humaine. Ce fut par ce biais que les princes
héracléopolitains et thébains s'assurèrent la
dignité royale. C'est aussi par leur énergie et sur la base d'une
puissance qu'ils avaient acquise et étendue eux-mêmes, que les
Montouhotep parvinrent à réunifier l'Egypte et à permettre
le retour de la monarchie dans toutes ses dimensions. Les contemporains de ces
pharaons avaient été les témoins et les acteurs de ces
durs combats, contre le royaume héracléopolitain et les princes
locaux, qui avaient tous revêtu l'aspect d'actes
humains.381
Pour les Egyptiens de l'époque, la
légitimité de ces Montouhotep découlait alors, plus de
leur énergie que d'une doctrine élaborée en leur faveur.
Et, le nom théophore qu'ils
ont pris Montouhotep c'est- à- dire
377 Drioton E. Vandier J., op.cit, 1984, p. 88.
378 Id., Ibid, p. 89.
379 Ibidem.
380 Nous avons évoqué le cas de la Ve
dynastie pour laquelle, un des contes du Papyrus Westcar avait servi
de légitimation. Il y a aussi l'exemple de Téti, fondateur de la
VIe dynastie qui semble-t-il, n'étant pas de lignée
royale, épousa une princesse royale pour légitimer son
pouvoir.
381 Wolf W., op.cit, 1955, p.67. On retrouve
l'iconographie du triomphe des Montouhotep dans un temple de
Gébélein où Montouhotep II s'était fait
représenter, en train d'assommer à tour de rôle, ses
ennemis et le premier d'entre eux personnifiait les Egyptiens (Cf., Breasted
J.H., op.cit., paragraphe 423H).
89
(« Montou est satisfait ») montre que ces souverains
étaient conscients qu'ils étaient des hommes qui remplissaient
des fonctions à la satisfaction des dieux382. On pourrait
s'attendre à ce que la restauration de la monarchie mette fin à
ce mode de dévolution du pouvoir, hérité de la crise de la
P.P.I. Mais si nous analysons les circonstances de l'avènement de la
XIIe dynastie, il semble que la valeur de l'homme était
devenue un élément indispensable dans la transmission du pouvoir
monarchique. En effet, si l'on se réfère à sa biographie,
Amenemhat Ier, le fondateur de la XIIe dynastie, avant
d'accéder au trône, avait été un des plus importants
cadres de la monarchie.
D'après les titres qui figurent dans son inscription
biographique, il avait été : Gouverneur de ville, Prince
héréditaire, Comte, Juge en chef, Chef de tous les travaux, Chef
des six cours de justice, Gardien de la Porte du Sud, Magnat du souverain de
Haute et de Basse Egypte, Gouverneur de tout le Sud, qui dirige
l'administration du seigneur des Deux-Terres, Commandant de tout ce qui
commande, Vizir du roi, etc.383 Ce même Amenemhat avait
été plusieurs fois chargé par pharaon, pour diriger des
expéditions à la tête des milliers de soldats venus de
toutes les contrées du pays384. Ensuite, dans le Conte
prophétique qui servit à légitimer son pouvoir,
l'origine du fondateur de la XIIe est déclinée en ces
termes : « Voici que surgira au Sud un roi, appelé Ameny, juste
de voix. C'est le fils d'une femme de T3-Stj, c'est un enfant
de Hn-Nhn (E 57-59)...Le fils de quelqu'un se fera un renom pour
l'éternité et à jamais.»(E 61-62)385.
Dans ce texte de légitimation, le nouveau pharaon n'a aucun lien avec la
famille royale défunte ni du côté de son père encore
moins de sa mère. En fait, l'expression « fils de quelqu'un
» employée ici, était, semble-t-il, utilisée
pour désigner un homme de bonne naissance mais qui n'était pas de
sang royal386. Amenemhat semble-t-il, n'était pas non plus
issu d'une famille de princes territoriaux comme le furent les
Montouhotep387. Pourtant, au lieu de recourir au dogme de la
théogamie exploité à d'autres moments de l'histoire
égyptienne, pour donner une origine divine à ce sauveur
dépourvu de sang royal388, l'auteur de la prophétie
admet ouvertement qu'il n'est pas d'origine royale.389 C'est dire
que le sang divin, acquis par naissance, par un mariage avec une femme
pourvue
382Wildung D., op.cit., 1984, p.
70. Montou est un Dieu faucon de la Thébaïde qui semble avoir
été une divinité guerrière (Cf., Posener G.,
Sauneron S., Yoyotte J., op. cit., 1992, p. 175).
383 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 445.
384 Id., Ibid, paragraphes 442, 447 et 448.
385 Posener G., op. cit., 1956, p. 47à49
386 Id., ibid., p.49-50 ; Gardiner A., op.cit.,
1979, p.126
387 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 65.
388 Les souverains de la Ve dynastie se sont
fabriqués une origine divine en se présentant dans le conte du
Papyrus Westcar comme étant des enfants issus de l'union de
Rê et de la femme Reddjedet.
389 Posener G., op.cit., 1956, p. 52.
90
de sang royal ou bien par la faveur d'une doctrine
élaborée à cet effet, n'est pas l'élément
indispensable à la légitimité du pharaon au M.E. La
preuve, c'est que l'auteur de la prophétie insiste plutôt sur les
qualités humaines d'Ameny qui lui ont permis d'asseoir son pouvoir :
« Ceux qui étaient opposés au mal et qui
méditaient des actes hostiles ont fait taire leur bouche par crainte de
lui. Les Asiatiques tomberont par l'effet de la terreur qu'il inspire, les
Timhou (habitants de la Libye) tomberont devant sa flamme. Les ennemis
appartiendront à sa colère et les rebelles à sa
puissance... »390 Cette attitude de l'auteur peut
être interprétée comme une volonté de sa part de
montrer que la valeur de l'homme occupait désormais une position
centrale dans l'accession au trône d'Egypte. Et à ce niveau, la
biographie d'Amenemhat, confirme cet état de fait. En effet, il semble
que se fut son poids dans l'armée égyptienne ainsi que ses hautes
fonctions civiles, qui lui permirent de s'emparer du pouvoir à la suite
de la crise de succession intervenue à la fin de la XIe
dynastie.391 En s'emparant du trône ainsi, Amenemhat
Ier n'avait fait que profiter des changements subis par le dogme qui
fondait la légitimité de pharaon et dont la base avait
été, à l'A.E., l'acquisition du sang divin. On peut en
titrer la conclusion que l'avènement de la XIIe dynastie a
été une des conséquences des modifications subies par le
dogme de la royauté divine, les quelles modifications trouvent leurs
explications dans la crise de la P.P.I. Ce fut dans cette crise, que des
Egyptiens osèrent s'arroger la dignité royale sur l'unique base
de la force. Il apparut dès lors qu'il ne suffisait plus d'être de
sang royal ou de se confectionner une ascendance divine pour prétendre
à la royauté. Il fallait des qualités humaines qui
devaient permettre au souverain d'asseoir son pouvoir et de faire respecter
l'autorité royale. C'est là une évolution très
sensible du dogme de la royauté divine vers une conception beaucoup plus
humaine.
Le second aspect de l'évolution de l'image divine de
pharaon est en rapport avec la vision que les Egyptiens avaient de leur
souverain et de l'institution qu'il incarnait. Nous venons de voir que depuis
la crise de la P.P.I., la légitimité des fondateurs de dynasties
se fondait plus sur leurs valeurs humaines que sur une doctrine leur
conférant des qualités divines. Alors, plutôt que des
roi-dieux, les contemporains de ces souverains allaient voir en eux, des hommes
qui avaient acquis la dignité royale par la force de leur
énergie. Des lors, le fait de tenter de s'emparer du trône royal,
allait apparaître moins comme une attaque contre
390 Lefebvre G., op.cit 1982, p.104
391 Grimal N., op.cit, 1988, p.197. Selon N. Grimal,
il y avait d'autres prétendants au trône, contre lesquels
Amenemhat avait lutté. Il s'agit d'un nommé Antef et d'un
Ségerséni. Mais N. Grimal ne précise pas les positions
qu'occupèrent ces derniers sous les Montouhotep. Pour Amenemhat
Ier, sa biographie montre, comme l'ont remarqué G. Husson et
D. Valbelle, qu'il a été le premier vizir connu de l'histoire de
l'Egypte, à se servir de sa position au sommet de l'Etat, pour fonder
une dynastie à la tête de la monarchie pharaonique (Cf., Husson G
Valbelle D., op.cit, 1992, p.35).
91
un pouvoir de droit divin plutôt qu'à une
institution qui se présentait avant tout comme une oeuvre humaine. La
conséquence, c'est que les risques de conspiration contre le pharaon
d'Egypte devaient s'augmenter392.
C'est ainsi qu'Amenemhat Ier qui accéda au
trône par la force de son énergie, allait être victime d'une
tentative d'assassinat393. Les détails de ces actions que
nous pouvons qualifier de tentative de coups d'état, ont
été rapportés par le pharaon lui-même en ces termes
: « C'est après le repas du soir, la nuit était venue et
je prenais une heure de repos; je m'étais étendu sur mon lit,
étant extrêmement las, et mon coeur commençait pour moi
à suivre mon sommeil. Alors, des armes furent brandies, qui auraient
dû, au contraire, veiller sur moi; je fus comme le serpent du
désert. Je m'éveillai (au bruit) du combat, étant seul, et
je découvris qu'il s'agissait d'une rixe de soldats. Si j'avais pris mes
armes en mains, j'aurais pu mettre en déroute pêle-mêle ces
lâches ; mais il n'y a pas d'homme brave la nuit, ni d'homme qui puisse
combattre seul. Le succès ne peut advenir sans protection
»394.
La question de savoir si le pharaon a péri dans
l'attenta ou s'il s'en est sorti indemne se pose entre les historiens. En
effet, si pour certains, Amenemhat Ier a trouvé la mort dans
cet attentat, pour d'autres par contre il avait
survécu395.
Mais ce qui nous intéresse ici, c'est de montrer
d'abord qu'il y a eu une tentative d'assassinat contre la personne de
pharaon.396 Ensuite, l'image du pharaon qui se dégage dans ce
texte, contraste à plusieurs niveaux avec l'image divine incarnée
par les souverains de l'A.E.
392 Durant toute la période de l'A.E., le seul cas de
conspiration contre un pharaon, rapporté par un texte contemporain, est
la conspiration de harem contre Pépi Ier à la quelle
Ouni faisait référence dans sa biographie (Cf., Breasted J.H.,
op.cit, 1988, paragraphe 310 ; Roccati A., op.cit, 1982, p.
192-193).
393 En dehors de cette tentative d'assassinat qu'Amenemhat
rapporte ici, nous avons d'autres faits relevés par la
littérature contemporaine et qui attestent des risques de conspirations
qui existaient au sommet de la monarchie au cours du M.E. C'est ainsi que dans
l'Aventure de Sinouhé, le héros du roman nous apprend
que sa fuite de l'Egypte, intervenue à la mort d'Amenemhat
Ier, avait été motivée par la peur d'un
éventuel coup de force contre le corégent et successeur
désigné du souverain défunt qui était
Sésostris Ier. Alors que ce dernier était à la
tête d'une expédition dirigée contre les Libyens, la
nouvelle de la mort de son père lui parvint ; il partit en hâte
pour la Résidence royale, sans informer son armée. Mais au
même moment, un de ses frères ou demi-frères, qui avait
probablement des prétentions au trône et qui se trouvait dans
l'armée, reçut lui aussi la nouvelle par l'entremise des
émissaires venus de la Résidence. C'est de là que
Sinouhé, apprit la nouvelle. Mais ignorant que Sésostris
Ier était déjà informé, il crut qu'une
conspiration se fomentait contre ce dernier et qu'une guerre civile pouvait
éclater. Alors il préféra s'éloigner de l'Egypte
pour aller chercher refuge en Asie (Cf., Lefebvre G., op. cit., 1982,
p.4 ; Posener G., op.cit., 1956, p.68).
394 Lalouette Cl., op.cit., 1984, p 1984, p. 58.
395 Les discussions sur cette question ont été
reprises par G. Posener (Cf., op. cit. 1956, p. 65 à 75 et 82
à 85).
396 Si l'on s'inscrit dans la doctrine royale qui consacre la
divinité de pharaon, cet attentat contre la personne d'Amenemhat
Ier est une illustration que ses auteurs avaient atteint le summum
de l'impiété. Tenter de tuer un pharaon d'Egypte, c'est non
seulement remettre en cause la continuité du pouvoir des dieux dont il
est le dépositaire sur terre, mais c'est aussi violer le
caractère divin de sa personne. On ne
92
D'abords, c'est le pharaon en question qui raconte les
péripéties de la tentative d'assassinat. En le faisant, il
dévoilait en même temps le mystère qui entourait sa
personne et qui faisait de lui un être craint par ses sujets qui
l'apercevaient comme un surhomme.
Ensuite, il reconnaît explicitement son
imprévoyance en disant : « Je n'avais pas prévu cela, je
n'avais pas pensé cela, mon «coeur» n'aurait
pas dû amener l'intimité de mes serviteurs
»397. En présentant ainsi le pharaon, comme un
humain qui reconnaissait qu'il pouvait manquer de perspicacité et qu'il
était incapable de pressentir un complot contre sa personne, on le
rabaissait au niveau de ses sujets. En fait, l'attitude prêtée au
pharaon, dans ce texte, n'était pas celle d'un être d'une essence
supérieure et différente.398 Et selon G. Posener,
c'est dans ce texte d'Amenemhat que s'est dégagée l'image la plus
humaine du pharaon dans toute la littérature
égyptienne399.
Ce fut, semble-t-il, pour faire face à des risques de
conspiration contre le pouvoir royal, qu'Amenemhat Ier introduisit
une innovation majeure dans la direction de la couronne :
peut comprendre ces actes qu'en les inscrivant dans la suite
des bouleversements intervenus au cours de la crise de la P.P.I. En effet,
rapportant les événements intervenus lors de la phase violente de
cette crise, Ipou-our disait que : « Le feu montera vers les hauteurs
et sa flamme s'élèvera contre les ennemis du pays...une chose a
été faite qui n'était pas arrivée auparavant : on
est tombé assez bas pour que des misérables enlèvent le
roi...celui qui, avait été enterré en Faucon divin
(pharaon) est maintenant sur une civière et ce que recelait la pyramide
est désormais vide... » (Cf., Lalouette Cl., op.cit.,
1984, p.217). Action sans précédente dans l'histoire de l'Egypte,
pour la première fois, des sujets osèrent s'attaquer à la
personne du pharaon régnant mais aussi à la sépulture du
pharaon défunt violant ainsi tout se qui caractérisait la
divinité du souverain d'Egypte.
397 Lalouette Cl., op.cit., 1984, p. 58.
398 Cette attitude, qui contraste beaucoup avec l'image des
roi-dieux de l'A.E, est un reflet des modifications subies par la nature divine
de pharaon, dont on a tendance à décrire comme un simple humain.
On retrouve cette situation dans d'autres écrits du M.E. Par exemple
dans le conte du Naufragé, c'est un prince, probablement un
corégent, qui est mis en scène dans une mission extérieure
qu'il a dirigé. Rien n'indique dans le texte que ce prince était
un corégent. Mais si l'on se réfère à d'autres
documents du M.E., on voit que des corégents ont dirigé des
missions à l'extérieure de l'Egypte. C'est l'exemple du futur
Sésostris Ier dans le texte de Sinouhé ou du futur
Amenemhat II qui dirigea une expédition avec un nomarque du nome d'Oryx
(Cf., Breasted J.H., op.cit., 1988, paragraphe 520). On peut dès lors
supposer que le prince dont il s'agit dans le conte du Naufragé
était un corégent. Or, selon G. Posener, si on juge
d'après le protocole royal, il n'y a pas de différence, sur le
plan dogmatique, entre le pharaon et son corégent. La XIIe
dynastie conçoit la corégence en des termes qui autorisent
à parler de « prince », « roi » ou « dieu
» (Cf., Posener G., op.cit., 1956, p.66). Ainsi dans le
Naufragé, il s'est agit d'un corégent qui était
tombé dans la panique après que le navire qu'il dirigeait fit
naufrage. Pour le rassurer l'auteur du conte (un simple marin), lui adresse ces
mots : « Soit tranquille prince. Nous voici arriver au pays... Notre
équipage est revenu indemne, sans qu'il y ait eu de perte pour notre
troupe... Ecoute-moi, prince, car je sui exempt d'exagération. Lave-toi,
mets de l'eau sur tes doigts, de sorte que tu puisses répondre quand on
s'adressera à toi. Parle au roi en pleine possession de toi-même
et réponds sans balbutier... » (Cf., Lefebvre G.,
op.cit., 1982, p.32-33). La même attitude est notée chez
le pharaon Chéops dans le conte du Papyrus Westcar. Quand le
magicien Djédi l'annonça la venue prochaine des souverains de la
Ve dynastie, qui devaient mettre fin à sa lignée, le pharaon
tomba aussitôt dans la tristesse ; il oublie un moment son
caractère divin et pense à l'idée que sa lignée
allait s'éteindre. Le magicien devait tenter de l'assurer en lui
signifiant que la prédication n'interviendrait que trois
génération après (Cf., Lefebvre G., op.cit.,
1982, p. 85)
399 Ibidem.
93
c'était la corégence400. En l'an 20
de son règne, il associa son fils Sésostris Ier au
trône, inaugurant ainsi une pratique qui allait être
systématiquement appliquée pendant toute la XIIe
dynastie401. En effet, malgré la divinité de sa
personne consacrée par le dogme royal, pharaon était conscient
qu'à cause de sa composante humaine, il était exposé
à l'éphémère, au contingent, à la mort et
aux risques de conspiration contre son pouvoir et sa personne402. Et
c'est par rapport à cette situation, qu'il donna des enseignements
à son fils et corégent en lui disant : « Prends garde
aux subalternes, afin que n'arrive pas (un évènement) au danger
duquel on n'aurait pas prêté attention; ne t'approche pas d'eux,
ne demeure pas seul ; n'aie pas confiance en un frère, ne connais pas
d'amis, ne te crée pas d'intimes, cela ne sert à rien. Si tu
dors, que ce soit ton propre coeur qui prenne garde de toi, car l'homme n'a pas
d'amis au jour du malheur »403. Ce passage du texte
d'Amenemhat reflète une absence de sérénité chez un
souverain préoccupé par sa sécurité. Le pouvoir
qu'il incarne était, semble-t-il, devenu une lutte de tous les instants
afin de déjouer les conspirations de palais et les assassinats. C'est
dire que le pharaon du M.E. n'était plus ce surhomme que les sujets de
l'A.E. regardaient comme un dieu.
Il apparaît ainsi à travers l'analyse de l'image
de pharaon au sortir de la P. P.I., que le dogme de la royauté divine
qui fut l'un des fondements essentiels de la monarchie sous l'A.E., avait
sensiblement évolué vers un caractère beaucoup plus
humain. La conséquence de cette évolution était que, ce
que la monarchie de l'A.E. avait acquis en puissance, grâce à la
croyance du peuple, la nouvelle institution ne pouvait le reconquérir
que par la pleine action et la personnalité de ses
souverains.404 Autrement dit, le souverain d'Egypte, au M.E.,
n'était plus d'abord un prêtre405, mais un Rex
(c'est-à-dire un souverain dont le pouvoir était
400 Leprohon R. J., « Middle Kingdom »,in,
Encyclopedia of the Archaeology of Ancient Egypt., op.cit, 1999,
p. 48. Si nous acceptons avec l'auteur que la corégence fut introduite
après la tentative d'assassinat, alors cela impliquerait qu'Amenemhat
Ier avait survécu à la tentative d'assassinat contre
sa personne. Mais dans tous les cas, la corégence, semble-t-il, a
été une réponse politique, trouvée par les pharaons
du M .E., contre les risques de conspirations. Sous l'A.E., aussi bien dans les
Annales royales que dans les textes biographiques, il na pas été
signalé de règnes simultanés dans une même dynastie.
Et, le seul cas de régence signalé durant cette époque
memphite était celle intervenue sous la jeunesse du pharaon Pépi
II (sur cette régence, Cf., supra, Deuxième partie,
chap. II, A).
401 Grimal N., op.cit., 1988, p. 199.
402 Obenga Th., op.cit., 1990, p. 440.
403 Lalouette El., op.cit., 1984, p. 57.
404 Wolf W., op. cit., 1955, p. 67.
405 Le pharaon d'Egypte, en sa qualité de fils des
dieux, se devait de prendre soin de ses pères. En ce sens, il
était par définition, le prêtre par excellence dans tous
les temples, vis-à-vis de tous les dieux. Il se devait de bâtir,
restaurer, agrandir leurs temples mais également veiller à leur
culte. En contrepartie de cette fonction sacerdotale, Pharaon recevait des
dieux, la toute puissance sur terre pour maintenir l'ordre défini par
ces derniers (Cf., Moret A., op.cit, 1926, p.187 ; Vernus P ; Yoyotte
J., op.cit, 1998, p.125; Sauneron S., op.cit., 1957,
p.28-32). Il apparaît ainsi, que les fonctions religieuses de pharaon lui
conféraient une grande part de son pouvoir. Mais au M.E., ce pouvoir que
confère la religion au pharaon devait reculer au profit d'autres moyens
d'action que sont la force et la politique.
94
fondé sur la force et la politique). C'est par la
guerre que les Montouhotep ont su imposer leur autorité sur tous les
autres princes locaux. Aussi, après son accession au trône, la
XIIe dynastie devait mettre en oeuvre des moyens politiques tels que
la propagande par le biais de la littérature ou bien la corégence
pour pérenniser son règne.
B- Changement d'orientation
politico-idéologique
Nous avions vu, en analysant la genèse de la crise de
la P. P. I., que sous l'A.E., la monarchie égyptienne était
apparue comme une institution centralisée. Ce fut dans le cadre de cette
centralisation que les pharaons memphites menèrent, dès le
départ, une politique de neutralisation des forces centrifuges
dirigées par les nomarques. Au plan religieux, le système
absolutiste des memphites avait comme base, l'idéologie solaire. Aussi,
très tôt, le culte de Rê avait été
intégré au culte royal. A partir de la Ve dynastie,
Rê allait devenir le dieu dynastique de l'Egypte. Ce système
politico-idéologique constitua la base du pouvoir monarchique durant
tout l'A.E. Son évolution fut toutefois marquée par l'opposition
de la tendance autonomiste, dirigée par les nomarques. Et ce furent les
luttes politiques entre le pouvoir central et les nomarques
représentants de l'administration provinciale, qui devaient affaiblir la
monarchie avant d'aboutir à son effondrement.
Le retour de la monarchie avec le M.E. devait s'accompagner de
changements aussi bien sur le plan idéologique que sur celui des
institutions.
Déjà vers la fin de l'A.E., au moment où
les nomarques s'accaparèrent d'une bonne partie des prérogatives
royales, on sentait en même temps un recul du culte solaire au profit des
cultes des dieux locaux. Rê avait accédé au sommet du
panthéon égyptien, par le biais de la solarisation des autres
dieux locaux favorisée par l'arrivée au trône de ses
adorateurs à partir de la Ve dynastie. Il est normal que
l'effritement du pouvoir royal se traduise sur le plan idéologique par
le recul de l'influence du dieu solaire. Ce recul devait s'accentuer avec
l'effondrement du pouvoir memphite. Ainsi, au cours de la P. P. I., il
apparaît que même si on note une certaine influence de Rê
dans le royaume héracléopolitain, il reste qu'en Moyenne et en
Haute Egypte, son prestige avait régressé au profit des dieux
locaux406. La
406 Nous avons vu dans la chronologie, que les souverains
héracéopolitains, adoptaient tous des noms de couronnement,
formés sur le suffixe Rê. Ce qui laisse supposer qu'ils
s'inscrivaient dans la tradition memphite dans laquelle Rê était
le dieu dominant. Selon J. Pirenne, ces souverains avaient conservé
95
conséquence de cette situation devait se manifester
à travers l'importance que devaient occuper certaines divinités
dans l'idéologie royale au M.E. C'est ainsi que dès leur
arrivée au trône des Deux-Terres, les Montouhotep
adoptèrent comme nom personnel, un nom théophore, formé
sur celui de Montou, divinité locale d'Ermant, d'où ils
étaient probablement originaires407.
Loin d'être des « fils de Rê », les
pharaons de la XIe dynastie se présentèrent, avant
tout, comme des serviteurs de Montou, à qui ils devaient le pouvoir et
auquel ils proclamèrent leur attachement en prenant le nom
théophore de Montouhotep (« Montou est satisfait
»)408. Cette adoption par les nouveaux pharaons d'un nom
formé sur celui de leur divinité locale est une attestation du
recul de l'influence de Rê sur la monarchie qui venait de se reconstituer
à l'avènement du M.E.
Lorsque le changement dynastique eut lieu avec la venue de la
XIIe dynastie, on note l'apparition d'autres divinités comme
dieux éponymes des nouveaux souverains. Il s'agit du dieu Amon et de la
déesse Ouseret d'où les noms théophores de :
Amenemhat (« Amon est en avant »)409
et de Sésostris (ou Sénousret dans les anciens
ouvrages) c'est-à-dire (« Le fils de la
déesse Ouseret »). En outre, dans le Conte
prophétique, considéré comme un texte de
légitimation du fondateur de cette XIIe dynastie, il y a ce
passage : « Ce sera fini pour le nome d'Héliopolis d'être
le pays du berceau de tout dieu »410. Cette phrase semble
annoncer la fin du rôle primordial d'Héliopolis en tant que
cité du dieu solaire, dans l'organisation politique et religieuse de
l'Egypte.
Désormais, c'est le dieu Amon qui devait jouer le
rôle de dieu dynastique. En effet, les pharaons de la XIIe
dynastie avaient compris que pour gagner à leur cause tout le pays, il
fallait que le pouvoir royal apparût justifié par le culte. C'est
dans ce cadre qu'ils favorisèrent la constitution du clergé
d'Amon411. Ainsi dès le règne d'Amenemhat
Ier, le clergé d'Amon
comme base de la vie politique et religieuse, la cosmogonie
solaire qu'on retrouve dans L'Enseignement de Khéti III (Cf.,
Pirenne J., op. cit., 1962, p. 57).
407 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 250.
408 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 52.
409 Grimal N., op.cit., 1988, p. 197.
410 Lefebvre G., op.cit., 1982, p. 103.
411 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 66.
96
allait comprendre quatre serviteurs divins d'Amon, quatre
pères divins et une dizaine de prêtres ouâb qui
étaient tous de grands personnages au sein de la
monarchie412.
Toutefois, si le culte d'Amon, promu à la
dignité de grand dieu, pouvait servir de base à la théorie
monarchique et se faire accepter par la piété des populations de
Haute Egypte, il ne fallait pas songer à l'imposer dans le reste du
pays413 et cela d'autant plus que le prestige des divinités
comme Rê ou Ptah restait vivace en Moyenne et Basse Egypte414.
Pour les souverains de la XIIe dynastie, il fallait éviter
l'erreur de la Ve dynastie sous laquelle on a vu Rê s'imposer
au sommet du Panthéon par le biais de la solarisation des autres
divinités. C'est dans ce sens qu'ils favorisèrent la fusion
d'Amon avec les dieux universels de l'A.E. et les divinités
locales415.
Amon devint le dieu du compromis, qui devait permettre
à la nouvelle royauté de surmonter les divergences et d'aboutir
à une nouvelle unité. En effet, de par son nom même, qui
signifie « le caché », ce dieu ne laisse
apparaître aucune particularité frappante, mais les dissimule au
contraire416. C'est ainsi que dès ses premières
évocations sous Amenemhat Ier à Karnak, il est souvent
appelé Amon-Rê417. Son temple de Karnak fut
désigné comme « Trône
412 Lalouette El., Thèbes ou la naissance d'un
empire, Paris, Fayard, 1986, p. 47.
413 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 66.
414 Ibidem.
415 Moret A., op. cit., 1941, p. 438.
416 Wildung D., op. cit., 1984, p. 66-67.
417 Id., Ibid, p. 66. Selon F. Daumas, il existe une
statuette en pierre trouvée à Karnak et qui porte au dos une
inscription où on peut lire les noms de Pépi Ier
suivis de la mention « Aimé d'Amon-Rê, Seigneur de
Thèbes ». Il en conclut que la fusion des dieux Amon et Rê
remonte à l'A.E. (Cf., Daumas F., op.cit., 1965, p.48). Si
cette affirmation de F. Daumas est vraie, elle impliquerait le fait que le dieu
Amon était membre du panthéon à l'A.E. et que sa fusion
avec Rê date de cette époque. Autrement dit, les pharaons de la
XIIe dynastie n'ont fait que reprendre à leur compte,
l'avantage politico-idéologique que présente cette fusion d'Amon
et de Rê, mais ils n'étaient pas ses initiateurs. Toutefois, la
thèse selon laquelle Amon est une divinité qui existait dans le
Panthéon à l'A.E. n'est pas partagée par tous les
égyptologues. C'est le cas de B. Sall qui lui-même, après
avoir soutenu, dans un premier temps cette thèse (Cf., Sall
B.,Recherches sur l'iconographie et les titres du dieu Amon dans les
centres religieux du royaume de Koush. Milieu du 8es. av. J.C-
milieu du 4es. av. J.C, Thèse de 3e cycle,
Sorbonne, 1981, p.32à54), a émis, dans ses récents
travaux, des réserves sur l'existence d'Amon dans le panthéon,
depuis l'A.E. Entres autres éléments soulevés par
l'auteur, il y a le fait que l'image du bélier Ovis platyura
(support matériel d'incarnation du principe divin
dénommé Amon) caractérisée par sa stature
léonine, sa toison épaisse, son museau puissant, ses cornes
torsadées s'enroulant autour des oreilles , n'est pas un
caractère hiéroglyphique à la différence de celle
du bélier Ovis longipes, avatar du dieu Khnoum qui constitue le
bilitère b3 (Cf., Gardiner A., Egyptian Grammar, Oxford,
Griffith Institute, 1978, p.448,C.4 et C.5 ; 459, E.10 et E.11 ; 462, F.7, F.8,
cité par l'auteur ). Le fait que l'image du bélier d'Amon n'est
pas utilisée comme un caractère hiéroglyphique, laisse
supposer qu'il n'a pas existé une divinité nommée Amon
à l'A.E. Ensuite, il y a le fait que les expressions telles que «
Amon d'Opet » ; « Amon de Karnak » ; « Amon, maître
des deux terres » « Amon-Rê » ; « Amon, roi des dieux
» ou « le domaine d'Amon »,par lesquelles on faisait
référence au dieu Amon au Nouvel empire, ne sont pas
attestées à l'A.E. Ce sont là, quelques uns des
éléments parmi d'autres, qui ont fait penser à B. Sall que
l'hypothèse de l'existence d'une divinité appelée Amon
dans le panthéon, à l'époque memphite, reste contestable
(Cf., Sall B.,
97
des Deux-Terres »
(Nes-taoui)418. Par ce biais, les pharaons
du M.E. réussirent à se concilier le prestige du dieu
héliopolitain tout en confortant la position d'Amon dans
l'idéologie royale. En effet, l'ordre même des noms
(Amon-Rê) donne la prééminence au dieu de Karnak.
Cette politique de conciliation vis-à-vis de Rê,
prônée par les souverains Thébains est visible aussi sous
Sésostris Ier. En l'an 3 de son règne, ce pharaon tint
une audience solennelle avec ses conseillers auxquels il communiqua son
intention d'ériger un temple pour Rê à Héliopolis.
Et, à travers l'inscription dédicatoire de ce temple on peut lire
: C'est Harakhté [c'est-à-dire Rê sous sa forme de faucon
Horus] qui ma demandé d'exécuter ce qu'il recommande
d'exécuter. C'est lui qui ma désigné comme berger de ce
pays [...] seigneur des Deux-Terres419. Ces propos du pharaon
Sésostris Ier, ainsi que l'acte qu'il projetait de
réaliser, traduisent de sa part, une volonté de se rapprocher du
clergé de Rê.
Dans cette nouvelle idéologie royale, les autres
divinités n'étaient pas laissées en rade. C'est ainsi que
Ptah, dieu de Memphis (ancienne capitale), apparaît à
côté d'Amon et de Rê comme un grand dieu. Dans les
Bas-relief de Karnak, Sésostris Ier s'était fait
représenter enlacé par Ptah qui, en l'embrassant, unissait son
âme à la sienne420. En dehors de ce rapprochement avec
les grands dieux de l'A.E., les largesses des souverains de la XIIe
dynastie allaient apparaître à travers d'autres sanctuaires encore
existant en Haute et Basse Egypte421.
L'activité d'Amenemhat Ier est visible
à Coptos dans le temple de Min qu'il décora en partie, à
Abydos où il consacra un autel en granit à Osiris, à
Dendara où il offrit une porte en à granit Hathor et plus
significatif encore, dans le temple de Ptah à Memphis.422 En
outre,
« Amon, Heka pesedjet
», extrait du Bulletin de l'IFAN Ch. A. Diop, Dakar,
Tome51, sér. B, n°1-2, 2001 pp.11-35,). En plus de ces
réserves apportées par B. Sall sur l'existence d'Amon dans le
panthéon dès l'A.E., l'hypothèse de F. Daumas sur une
fusion d'Amon et de Rê dès l'A.E., comporte un autre handicape. En
effet, quelque soit la période où elle a été
opérée, cette fusion d'Amon, une divinité du Sud et de
Rê, une divinité du Nord, répondait à une
nécessité politico-idéologique comme on vient de le voir.
Or, malgré le fait qu'il soutienne l'existence d'Amon à l'A.E.,
F. Daumas n'a pas manqué de préciser qu'il était une
divinité obscure de la petite bourgade thébaine. Si cela
était le cas, on ne voit pas quelle était la pertinence au plan
politique, du choix d'Amon, une divinité quasi inconnue à l'A.E.,
aux cotés d'autres dieux du Sud plus connus tels que Khnoum
d'Eléphantine ou Min de Coptos. Et cela, d'autant plus que la plupart de
ces grands dieux du Sud étaient adorés dans des provinces
où les nomarques avaient acquis une certaine puissance et
commençaient à s'opposer au pouvoir memphite. (Cf.,
supra, Deuxième partie, chap. I et II). Nous pensons dès
lors que le M.E., époque où les adorateurs d'Amon
arrivèrent au trône, est la période la mieux
indiquée pour sa fusion avec Rê. Au M.E., même si Amon
n'était pas encore très connu, l'arrivée au pouvoir de ses
adorateurs lui donnait toutes les armes nécessaires pour
conquérir le sommet du panthéon égyptien.
418 Moret A., op. cit., 1941, p. 438.
419 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 502.
420 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 67.
421 Moret A., op. cit., 1926, p. 282.
422 Grimal N., op.cit.,1988, p.198
98
dans l'inscription du temple d'Héliopolis, à
laquelle nous faisions référence, on retrouve une liste des
oeuvres accomplies par le pharaon Sésostris Ier en faveur de
plusieurs divinités reparties à travers le pays423.
C'est dire qu'à travers la nouvelle idéologie
adoptée par les souverains du M.E., il apparaît certes que leurs
divinités (Montou ensuite Amon) avaient occupé une position de
choix dans la monarchie. Toutefois, leur ascension ne s'était pas
traduite par une banalisation des autres cosmogonies. En ce sens, les pharaons
du M.E. ont pu éviter l'erreur de leurs prédécesseurs de
l'A.E. (en particulier la Ve dynastie) qui avait consisté
à intégrer de manière systématique les autres
divinités dans le système solaire, quitte à heurter la foi
de leurs fidèles.
Parallèlement à cette évolution
idéologique, on va assister à de profondes transformations au
niveau des institutions monarchiques. En effet, si à l'A.E., les
pharaons s'étaient retrouvés à la tête d'un Etat
puissant qui avait réussi à faire de l'Egypte un pays
prospère et puissant, c'est parce qu'ils avaient su mettre en place une
armature institutionnelle structurée au tour du souverain. Ce
système centralisé avait été le résultat
d'une politique de neutralisation de toute volonté autonomiste de la
part des chefs de province. Le processus qui aboutit à l'effondrement de
la monarchie memphite ne fut amorcé qu'au moment où les nomarques
avaient commencé à gagner en autonomie.
Lorsque la royauté s'effondra à Memphis, ces
nomarques allaient essayer de combler le vide laissé par
l'autorité royale dans leurs provinces respectives, en s'appropriant
l'essentiel des prérogatives de pharaon. Ainsi dans chaque nome, les
anciens domaines de la couronne et les domaines sacerdotaux allaient être
rassemblés entre leurs mains et ils devinrent les centres d'action de
toute fonction sociale et politique de leurs « petits Etats
».424
Après la réunification, la première
tâche politique qui incomba au nouveau pouvoir royal était celle
de calmer l'esprit d'indépendance des chefs de
provinces425.
Pour la nouvelle monarchie, la mission historique dans
l'accomplissement de laquelle les pharaons ne devaient jamais faiblir,
consistait à réduire à néant cette aristocratie
locale et à conduire à la victoire, la notion d'Etat
adoptée par l'ensemble du peuple426. Cet enjeu politique, il
semble que les Montouhotep l'avaient compris dès le départ.
D'après J. Vandier et E. Drioton, la XIe dynastie avait
supprimé dès le départ, les nomarques
héréditaires427.
423 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 500.
424 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 53.
425 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 241.
426 Wolf W., op. cit., 1955, p. 67.
427 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 241.
99
Cette situation semble se confirmer dans la rareté des
tombes provinciales sous le règne de la XIe
dynastie428. Les quelques familles de nomarques qui
subsistèrent à l'époque ne l'ont été que par
la faveur des nouveaux souverains qui les récompensèrent ainsi de
leur fidélité429. A nouveau, les pharaons
instituèrent un système centralisé au sein duquel, les
fonctionnaires susceptibles d'être déplacés, ne
résidaient plus dans les nomes de manière habituelle et
dépendaient étroitement du pouvoir central installé
à Thèbes430. Un poste de « Gouverneur du Nord
» fut créé et en même temps on assistait au
rétablissement des anciens chanceliers ainsi que de la charge de
vizir431.
Les quelques rares biographies des fonctionnaires de la
XIe dynastie donnent une idée sur le système
centralisé de l'administration. Par exemple Henu, un cadre qui
vécut sous Montouhotep III, portait les titres de : Porteur du sceau
royal, Compagnon unique, Chef des temples, Chef du grenier et de la Maison
Blanche, Chef des Cornes et sabots, Chefs des six cours de justice, Gardien de
la Porte du Sud, celui qui est au dessus de l'administration des nomes du Sud,
Trésorier en chef, Intendant.432 On peut constater à
travers ces titres que les Montouhotep avaient réussi à restaurer
les institutions de la monarchie avec cependant, un changement majeur qui avait
été le remplacement des nomarques héréditaires par
les fonctionnaires attachés au pouvoir central.
Il semble toutefois, que cette politique de neutralisation de
l'aristocratie locale, prônée par la XIe dynastie,
n'avait pas totalement réussi433. Elle devait être la
cause de l'hostilité de cette aristocratie locale vis-à-vis des
Montouhotep. C'est ainsi que lorsque Amenemhat Ier s'empara du
pouvoir, il devait s'appuyer sur ces familles princières dont le
mécontentement était facile à exploiter434.
Dépossédés de leurs prérogatives et tenus à
l'écart du pouvoir, les anciens princes locaux ne pouvaient que
souhaiter un changement de dynastie grâce auquel, il leur serait possible
de reconquérir leurs anciens privilèges435. Cet appui
des grandes familles provinciales à Amenemhat Ier est
attesté dans l'inscription tombale de Khnoumhotep I, un prince de
Beni-Hasan. Dans cette inscription, Khnoumhotep I disait: « Then
appointed me [my lord] the King of Upper and Lower Egypt, Sehetepibre, son of
Re:
428 A propos des tombes provinciales sous la XIe
dynastie, (Cf., Vandier J., op.cit., 1954, p. 323-325).
429 Grimal N., op.cit., 1988, p. 194.
430 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 241.
431 Grimal N., op.cit., 1988, p. 194.
432 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 428.
Le caractère centralisé des institutions sous les Montouhotep est
aussi visible à travers la biographie du vizir Amenemhat que nous avons
soulignée en analysant le passage de la XIe à la
XIIe dynastie.
433 Posener G., op.cit. 1956, p. 14.
434 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 252.
435 Ibidem.
100
Amenemhet (I) living forever and ever to the office... I
went down with his majesty to...in twenty ship of cedar which he led ... He
expelled him from two regions (Egypt). »436 D'après
J.H. Breasted, le pronom « him » désigne, dans ce
texte, les rivaux d'Amenemhat Ier dans la bataille pour le
trône.437 Il semble qu'à la suite de cette main forte
que lui apportèrent les chefs locaux, Amenemhat Ier allait
favoriser leur réintégration dans les instituions royales
permettant du coup le retour de la charge de nomarque. Ce retour des nomarques
devait s'accompagner d'un rétablissement des bases de l'administration
provinciale. Le nouveau pharaon allait en effet, rétablir les limites
entre les différents nomes, remettre en place leurs bornes
frontières, distinguer leurs eaux d'après ce qui est dans les
écrits et évaluer [l'impôt] d'après ce qui
existait.438 On note en même temps la réapparition des
anciens titres de l'administration provinciale comme celui de « grand
chef de nome » qui avait presque partout disparu sous la
XIe dynastie439. Il apparaît ainsi que c'est avec
Amenemhat Ier, qu'on va assister au retour de l'administration
provinciale, dirigée par les nomarques. Toutefois les choses,
semble-t-il, ne devaient plus évoluer comme sous l'A.E. Et
d'après G. Husson et D. Valbelle, c'est au cours de la XIIe
dynastie que s'amorce la plus importante transformation de l'histoire de
l'administration provinciale en Egypte440.
En effet, pour les souverains de la XIIe dynastie,
il fallait permettre le retour des nomarques mais en même temps, tirer
toutes les leçons du processus politique qui conduisit à
l'effondrement de l'A.E. Ainsi, les nomarques allaient avoir les mêmes
prérogatives que leurs prédécesseurs de l'époque
memphite. Ils percevaient les impôts dus à la couronne, levaient
des milices pour les corvées et, en cas de guerre, devaient avec leurs
milices, se mettre au service de pharaon et s'occupaient naturellement de
l'entretien des canaux et de l'exploitation des terres441. On
constate même que les nomarques pouvaient se permettre certaines
libéralités, probablement permises par le pharaon. Par exemple,
ils conservèrent la possibilité d'utiliser leurs années de
gouvernance des nomes à côté des années de
règne de pharaon, pour établir la chronologie. Cette pratique est
attestée dans l'inscription biographique du nomarque Amenemhat de
Beni-Hasan qui vécut sous Sésostris Ier. Cette
436 Breasted J.H., op.cit., 1988, paragraphe 465
437 Id., ibid., paragraphe 463
438Id., ibid, paragraphe 625. Dans un
passage de l'Enseignement d'Amenemhat, le souverain faisait allusion
à cette organisation administrative en disant : «J'ai
avancé jusqu'à Elephantine et, rebroussant chemin, je suis
allé jusqu'aux marécages du Delta. Ayant pris soin des
frontières du pays, j'ai surveillé son
intérieur...» (M210-11); Cf., Posener G.,
op.cit., 1956, p.76
439 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 252.
Ainsi, Khnoumhotep I allait être nommé, par Amenemhat
Ier, Prince héréditaire, Compte, Gouverneur des
plateaux orientaux dans Menet-Khufu et, enfin, Grand Seigneur du nome d'Oryx,
(Cf., Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 625-626).
440 Husson G. Valbelle D., op.cit., 1992, p. 56.
441 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 252-253.
101
inscription débute par cette formule: « Year
43 under the majesty of Sésostris I, living forever and ever;
corresponding to year 25 in the Oryx nome with the hereditary prince, count,
[Amenemhat], triomphant »442. On note aussi le
développement des nécropoles provinciales comme à Assiout,
Siout, Meir ou à Beni-Hasan443.
A travers ces faits, il apparaît que les nomarques
avaient bénéficié de certains privilèges au
début de la XIIe dynastie. Toutefois, ce ne fut plus contre
la cour, mais par sa permission que les grandes familles de nomarques connurent
de nouveau la prospérité444. Et les pharaons allaient
veiller à ce que le processus qui conduisit sous l'A.E. à
l'autonomie des nomarques ne se reproduise. Ainsi, la succession dans les
charges fut particulièrement surveillée par pharaon qui
intervenait directement. C'est du moins la conclusion que l'on peut tirer en
analysant la succession dans les charges au sein de la famille des nomarques de
Beni-Hasan. Dans cette famille, le premier d'entre eux, connu au M.E., avait
été Khnoumhotep I. C'est lui qui fut nommé par Amenemhat
Ier comme Gouverneur des plateaux orientaux de Menet-Khufu et Grand
Seigneur du nome d'Oryx. A sa mort, le pharaon Sésostris Ier
délégua, comme faveur spéciale, ses charges à ses
enfants. Ainsi, Nakh fut nommé à la direction de Menet-Khufu
tandis qu'Amenemhat recevait le nome d'Oryx. Au même moment, leur soeur
Beket fut mariée à Nehri, un officiel de la cour qui fut vizir,
Gouverneur de la résidence royale et probablement prince du nome voisin
de Hare. De cette union, naquit Khnoumhotep II, qui allait être
nommé, par le pharaon Amenemhat II, Comte de Menet-Khufu en remplacement
de son oncle Nakht.445
Si l'on suit l'évolution des charges dans cette
famille, on constate que seul le premier d'entre eux avait eu à cumuler
les charges de Gouverneur de Menet- Khufu et Grand seigneur du nome d'Oryx.
Ensuite à chaque fois qu'il y avait succession, pharaon intervenait dans
l'héritage en remaniant les charges et en les morcelant446.
Selon A. Moret, il est vraisemblable que cette politique avait
été appliquée partout où il y avait les grandes
familles de nomarques447.
En évitant ainsi l'hérédité
effective des charges dans les grandes familles de nomarques, le pouvoir
central mettait en même temps, fin à toute possibilité de
reconstitution de pouvoir personnel.
442 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 518.
443 Pour les nécropoles provinciales sous la
XIIe dynastie, (Cf., Vandier J., op.cit., 1954, p. 331
à 350).
444 Moret A., « L'Egypte pharaonique », in, G.
Hanotaux, Histoire de la nation égyptienne, Tome II, Paris,
Plon, 1932, p. 231.
445 Breasted J.H., op.cit, 1988, paragraphes 619
à 639
446 Moret A., op. cit., 1926, p. 276.
447 Id., op. cit., 1932, p. 243.
102
Les mêmes dispositions furent prises dans les domaines
attachés à la fonction de nomarque. D'après un texte connu
sous le nom des contrats de Hepzefi, l'auteur, un nomarque de Siout qui
vécut sous Sésostris Ier, avait conclu avec des
prêtres du culte funéraire, une série de contrats.
Dans ces contrats, le nomarque s'assurait contractuellement
des obligations dues par les prêtres pour son propre culte, après
son décès. En contrepartie, il cédait un fond aux
prêtres et des revenus qui devenaient leur propriété et qui
sont transmissibles par héritage. Toutefois, Hepzefi avait établi
la différence, entre la propriété obtenue par
héritage appelée « domaine paternel » et celle qui
était attachée à sa fonction appelée « domaine
du comte »448.
Dans les contrats, il est spécifié que c'est le
« domaine paternel » qui était transmissible par
héritage dans la famille du nomarque et c'est sur lui seul qu'il avait
le droit de tester449. Ce texte de Hepzefi est une illustration que
l'Etat continuait à octroyer des terres à ses serviteurs mais, il
veillait à ce que ces concessions ne puissent contribuer comme sous
l'A.E., à la constitution de grandes propriétés.
En analysant la situation politique au début de la
XIIe dynastie, il apparaît que celle-ci avait favorisé
le retour des nomarques au sein de l'Etat égyptien. Et, tout en restant
soucieux du respect de l'autorité souveraine, les pharaons ont su ne pas
se montrer orgueilleux à leur égard450. Par cette
politique, les souverains thébains réussissaient à
intégrer les grandes familles aristocratiques, dans un système
qui tendait de plus en plus vers la centralisation et qui fit perdre toute
indépendance à ces dernières451. A partir du
milieu de la XIIe dynastie, la charge de monarque commençait
à disparaître en plusieurs endroits et, sous le règne de
Sésostris III, on peut constater sa disparition effective452.
Avec cette disparition, les titres tels que heq Spat ou her Zaza
âa que portaient les « Régents des nomes » et les
« Grands chefs supérieurs » de l'époque «
féodale », cessèrent d'être en usage453. En
outre, on remarque qu'aucun monument de nomarque n'apparaît dans la basse
Vallée du Nil après le règne de Sésostris
III454.
448 Breasted J. H., op. cit., 1988, paragraphe 536.
449 Ibidem; Wolf W., op. cit., 1955,
p. 70.
450 Moret A., op. cit., 1941, p. 442.
451 Pirenne J., op.cit., 1962, p. 73.
452 Drioton E. Vandier J., op.cit., 1984, p. 253.
453 Moret A., op. cit., 1926, p. 279.
454 Ibidem.
103
La disparition des nomarques avait, semble-t-il,
été suivie par une réforme administrative. C'est ainsi
qu'une nouvelle organisation allait placer le pays sous l'autorité
directe d'un vizir, en trois ministères (ouâret) dont un
pour le Nord, un pour le Sud, et un troisième pour la « Tête
du Sud »455.
Désormais, ce sont des fonctionnaires investis
directement par le pharaon, sous l'autorité du vizir, qui devaient
remplacer les nomarques456.
Dans cette nouvelle administration, les titres portés
par les fonctionnaires déterminaient bien plus rigoureusement la
hiérarchie du fonctionnarisme que ne le faisait l'A.E. Par exemple dans
l'administration du trésor on retrouve un Directeur du cabinet (ou bien
Directeur général du cabinet de la trésorerie), un adjoint
du Directeur des trésoriers, un substitut du Directeur des
trésoriers, un scribe de ce Directeur, un scribe de la
trésorerie, un scribe en chef de la trésorerie, un Directeur des
employés de la trésorerie, un Gardien de la
trésorerie457.
Ces reformes administratives allaient susciter
l'émergence d'une classe moyenne d'agents des offices
d'Etat458. Et, l'un des traits les plus caractéristiques du
fonctionnarisme sous le M.E. était qu'à la place des hauts
fonctionnaires connus sous l'A.E., les cadres subalternes occupèrent de
plus en plus d'importance.459
Il ressort ainsi de cette analyse des institutions royales
sous le M.E., que l'une des plus grandes réussites politiques des
souverains Thébains avait été le fait de contenir le
désir autonomiste des nomarques. En le faisant, ils parvenaient, en
même temps, à éviter toute possibilité de
décentralisation pouvant affaiblir le pouvoir royal et aboutir à
son effondrement. C'est dire que les leçons du processus politique qui
avait provoqué l'effondrement de l'A.E, ont été
tirées par les pharaons du M.E.
C- Evolution des croyances funéraires
De tous les peuples de l'antiquité, c'est sans doute
les Egyptiens qui avaient attaché la plus grande importance au culte des
morts. Ce culte était étroitement lié aux croyances
455 Grimal N., op.cit., 1988, p. 206-207.
456 Daumas F., « Histoire : Période pharaonique
», in, op. cit., 1998, p. 188.
457 Erman A. Ranke H., op. cit., 1976, p. 128-129.
458 Vernus P. Yoyotte J., op.cit., 1998, p. 65.
459 Erman A Ranke H., op.cit., 1976, p.129
104
funéraires et à la conception que les Egyptiens
avaient de l'au-delà.460 Dans cette conception, l'idée
était que le défunt, allait connaître, dans sa tombe, une
nouvelle existence, avec des besoins semblables à ceux qu'il avait sur
terre461. Cette religion funéraire égyptienne,
basée sur la survie de l'homme après la mort, s'était
inspirée de la doctrine osirienne. En effet, conçu comme un homme
qui meurt et qui ressuscite sous la forme d'un dieu, Osiris était devenu
le centre d'action des conceptions sur l'au-delà462. Lorsque
le culte d'Osiris fut associé à la doctrine royale, pharaon,
après sa mort, puisqu'il était d'essence divine, fut
enterré comme Osiris tandis que son esprit, akh, rejoignait les
dieux comme l'avait fait l'esprit d'Osiris, dans
l'au-delà463. Dans les Textes des Pyramides on voit
que le pharaon défunt pouvait être assimilé à
Osiris. Par exemple dans ce passage composé pour le pharaon Téti,
on peut lire : « O Osiris Téti, Horus vient...il te
reconnaît, car Horus t'aime...Horus t'a cherché...Horus t'a fait
vivre en ton nom de Anzti...Nephthys a fait une brassée de tous tes
membres...On te remet à ta mère Nout, en son nom de sarcophage
, · [...] Horus t'a réuni tes membres, et il ne permet pas que
tu te décompose , · [...] Ah ! Osiris Téti, ton coeur est
redressé, ton coeur est fort, ta bouche est ouverte, car Horus t'a
vengé [...] Tu vis, tu es en mouvement chaque jour. »
(§609-621)464 Il apparaît ainsi, que par la
faveur des rites osiriens, le souverain défunt avait le privilège
de retrouver un « corps éternel » à l'image d'Osiris.
Mais, il faut remarquer qu'à l'A.E., à l'instar du système
politique, la religion funéraire était fortement
influencée par la théologie solaire. D'où l'idée
selon la quelle, pharaon, après avoir subi les rites osiriens,
était censé aller vivre au ciel au prés de Rê, son
père. Dans les passages des Textes des Pyramides,
consacrés à cette ascension de pharaon, on peut lire : «
Les pieds du roi frappent la terre pour prendre son essor vers le ciel. Le
voilà qui monte au ciel... il vole comme un oiseau, il se pose tel un
scarabée, sur le trône vacant qui est dans ta barque, ô
Rê ! (365)...O Rê-Atoum, ton fils est venu à toi,
le roi est venu à toi. Elève-le, entoure-le de l'étreinte
de tes bras. C'est ton fils, qui appartient à ton corps, pour
l'éternité »
460 Rachet G., op.cit., 1998, p.75-76
461 Posener G., Sauneron S., Yoyotte J., op.cit, 1998,
p.71-72
462 Pirenne J., op.cit, 1961, p.114. D'après
la légende, Osiris, à l'époque où il régnait
sur l'Egypte, avait un frère rival et violent qu'était Seth. Ce
dernier, jaloux de son frère, réussit à l'assassiner.
Ensuite pour éviter toute possibilité de recomposition du corps
d'Osiris, il décomposa le cadavre et dispersa les morceaux à
travers l'Egypte. Mais Isis, l'épouse d'Osiris, aidée de sa soeur
Nephthys, de Thot et d'Anubis, se mit en quête des débris du
cadavre de son époux. Elle fut assez habile pour les retrouver et pour
reconstituer le corps qu'elle réussit à rendre incorruptible par
le procédé de l'embaumement. Par sa magie, elle ranima Osiris qui
engendra Horus, vengeur de son père et victorieux de Seth. (Cf., Moret
A., op.cit, 1926, p.100à105)
463 Ibidem
464 Moret A., op.cit, 1926, p.199
105
(152-160). 465 Comme on le voit, ce
privilège de l'immortalité était réservé en
principe à la seule personne des pharaons. Cependant, il devait finir
par s'étendre (sous forme de privilège que les pharaons
concédaient juridiquement en tant que dieux, fils de Rê) à
la famille royale d'abord puis aux grands fonctionnaires.466 Le
signe le plus visible de cet état de fait a été le tombeau
et les éléments du culte funéraire que pharaon octroyait
à ses favoris. Et dans la plupart des cas, l'inscription
funéraire trouvée dans ces tombes de grands dignitaires
commençait par une formule mentionnant l'accord passé par le
souverain avec les dieux pour le salut du défunt.467 Il
apparaît ainsi, que dans la religion funéraire de l'A.E., la
survie dans l'au delà n'était pas accessible à tous. En
effet, l'inégalité sociale, sur terre, qui se manifestait par des
faveurs qu'accordaient les pharaons aux grands dignitaires, semble se prolonger
dans
l'au-delà. Lorsque la crise éclata, cette
religion funéraire qui reproduisait les
inégalités sociales sur terre, allait subir, à l'instar
de l'institution royale, les effets de la révolte. D'après
Ipou-our, le peuple n'avait pas hésité à violer la
sépulture du pharaon défunt468. Or, la survie du
pharaon, enterré en « faucon divin », garantissait en
même temps la survie à ses sujets, sur qui, il continuait de
régner dans l'au-delà. Ces graves faits allaient être
à l'origine des profonds bouleversements que devaient subir les
croyances funéraires à partir de la P.P.I. En effet, il
était apparu aux yeux de l'Egyptien, que le fait d'avoir un tombeau et
de bénéficier du culte funéraire, n'était pas
suffisant pour s'assurer une vie éternelle dans l'au-delà. Et,
dans la classe dirigeante de cette période, par suite d'une conception
sceptique face à la religion funéraire de l'ancienne
époque, une éthique spiritualisée s'était
formée et elle considérait la rectitude morale comme la condition
requise pour une vie d'outre tombe heureuse.469 Le souverain
Khéti III ne disait-il pas à son fils et successeur d'accomplir
la justice tant qu'il sera sur terre car celui qui meurt sans avoir commis de
mauvaises actions demeurera comme un Dieu à l'image des possesseurs du
Temps éternel (c'est-à-dire les justifiés).470
Dès lors, le tribunal des morts, présidé sous l'A.E. par
le dieu Rê, allait s'allier au tribunal des morts de la légende
d'Osiris. Et, l'idée (limitée au pharaon à l'époque
des Pyramides) que le mort, tel le dieu Osiris, ressuscitera à une vie
nouvelle, allait s'appliquer,
465 Lalouette Cl., op.cit, 1984, p.143-144
466 Drioton E Vandier J., op.cit., 1984, p.97
467 Ibidem Par exemple dans l'inscription
biographique d'Herkhouf on peut lire : « Une offrande que le roi donne
et une offrande qu'Anubis donne [...] qu'il (le défunt) soit
enterré dans la nécropole, au désert occidental
après être devenu très vieux en tant qu'imakhou au
près du grand dieu [...] Une offrande que le roi donne et qu'Osiris
donne, seigneur de Bousiris, qu'il (le défunt) marche en paix sur les
chemins réservés de l'Occident, sur lesquels marchent les
imakhou, et qu'il monte au dieu seigneur du ciel en tant qu'imakhou...
» (Cf., Roccati A., op.cit., 1982, p.202)
468 Lalouette Cl., op.cit., 1984, p.217
469 Woldering I., op.cit., 1963, p.83
470 Lalouette Cl. op.cit., 1984, p.51-52
106
en principe, à tous les hommes.471 A
l'intérieur des sarcophages en bois de cette période de crise, on
trouve des textes religieux qui forment une transition entre les Textes des
Pyramides et ceux du Livre des Morts : il s'agit des Textes
des sarcophages. Dans ces textes, on retrouve des passages tirés
des Textes des Pyramide mais complétés et
modifiés par toute sortes d'additions et de corrections à l'usage
non pas de pharaon mais de simples particuliers.472 Il
apparaît ainsi, qu'avec la crise de la P.P.I., la religion
funéraire avait connu de profondes modifications. Ce sont ces
modifications qui allaient être à la base de l'évolution
qu'on va noter dans les croyances funéraires au M.E. En effet, au cours
de cette période thébaine, la religion funéraire allait se
caractériser par deux éléments importants par rapport
à celle de l'A.E : il s'agit du développement du culte d'Osiris
et de la vulgarisation des rituels funéraires jusque là
réservés au pharaon.
En ce qui concerne la religion funéraire osirienne,
elle était, de par sa conception anthropomorphique, beaucoup plus
accessible au commun du peuple que le dogmatisme souvent abstrait des autres
théologies et, en particulier de la théologie
solaire.473 Dans le mythe, le dieu Osiris, assassiné par son
frère et rival Seth, avait été vengé par son fils
Horus et avait été ensuite rappelé à une nouvelle
vie.474 Or, pour tout homme conscient qu'un jour ou l'autre, le
souffle de la vie s'arrêtera pour lui, le sort d'Osiris devait constituer
son souhait le plus ardent. C'est ainsi que la doctrine osirienne connut un
développement général et devint la religion qui pouvait
relier toutes les classes de la société
égyptienne.475 Pour le peuple, le service d'Horus des
souverains thinites, l'érection des temples solaires, à la gloire
de Rê par les memphites, toutes ces actions n'étaient que des
pompes officielles, des hommages rendus aux dieux par le pharaon et la
cour.476 Pour les souverains thébains conscients du fait que
la centralisation religieuse à laquelle ils aspiraient, était
loin de s'appuyer sur un courant de l'opinion, le culte d'Osiris allait leur
servir d'occasion.477 Ainsi, ils vont faire pour Osiris, ce que
firent leurs prédécesseurs de la Ve dynastie pour
Rê en lui créant un culte. Mais au lieu de s'exprimer par des
monuments gigantesques, tels que les temples à obélisque, le
culte d'Osiris, de caractère plus intime et plus personnel, allait
s'effectuer dans des fêtes où le peuple tout entier était
en communion de sentiment avec le
471 Woldering I., op.cit., 1963, p.85
472 Daumas F., op.cit., 1982, p.260
473 Drioton E Vandier J., op.cit., 1984, p.245
474 Erman A Ranke H., op.cit., 1976, p.388
475 Moret A., op.cit., 1926, p.293
476 Ibidem
477 Selon J. Pirenne, le culte d'Amon sur lequel se fonda la
royauté à partir de la XIIe dynastie, n'était
pas encore étendu dans tout le pays. Aussi, la cosmogonie du dieu
Rê auquel Amon s'était associé, n'était pas non plus
une forme de culte capable d'entraîner les masses (Cf., Pirenne J.,
op.cit., 1962, p.67)
107
pharaon et la cour.478 Ce fut à Abydos,
où allaient se célébrer désormais de grandes
fêtes en l'honneur d'Osiris et durant les quelles, sa vie, sa mort et sa
résurrection, étaient mimées au cours des
représentations publiques, effectuées par des prêtres ou de
hauts personnages.479 Des pèlerins venaient de toutes les
parties du pays pour assister à cette cérémonie. Et, en
souvenir de leur pèlerinage, ils laissaient une stèle dans le
voisinage du tombeau d'Osiris, laquelle stèle devait représenter
pour eux, une sépulture fictive au près du dieu.480
Cependant, le défunt ne pourrait vivre dans l'empire
céleste d'Osiris qu'après s'être justifié de ses
actes devant le tribunal d'Osiris qui, lui-même, ne fut admis dans
l'Ennéade qu'après le jugement qui le proclama «
justifié ».481 Dès lors, les modalités
d'accès à l'au-delà osirien allaient connaître un
développement et désormais, ce n'est plus pharaon uniquement qui
devait être concerné mais tous les hommes. Nous avons vu que
déjà pendant la période de crise, des particuliers avaient
commencé à utiliser pour leur compte, de nouveaux guides de
l'au-delà qui sont peints sur les parois des sarcophages. Mais sous le
M.E., le rituel funéraire qui jadis, n'était destiné
qu'à la seule personne de pharaon, allait connaître une extension
générale. En effet, à travers les innombrables
stèles et sarcophages trouvés dans les nécropoles de cette
époque, les défunts, qu'ils soient fils de roi, grands
fonctionnaires, artisans ou paysans, demandaient, en formules identiques,
l'offrande funéraire sur terre et l'accès au ciel au près
de Rê.482 Aussi, ils proclament tous que dans l'autre monde,
ils seront des « Osiris justifiés »483 Le mort,
quelque soit sa catégorie socioprofessionnelle,
bénéficiait de la momification tel qu'Osiris et il recevait dans
l'autre vie, des coiffures, des armes, des talismans analogues à ceux
d'Osiris, par conséquent, pareils à ceux de pharaon, image
d'Osiris sur terre.484 Aussi, dans les Textes de sarcophages
rédigés non pour pharaon (comme ce fut le cas à
l'A.E. avec les Textes des pyramides) mais pour de simples
particuliers, on peut lire des passages tels que : « ô vous qui
présidez à l'au-delà souterrain et qui gardez les portes,
faites un bon chemin afin que N.485 puisse entrer, adorer Osiris et
devenir lui-même, à tout jamais, un dieu » ou bien
« ô Osiris N., tu montes au tribord du ciel et tu descends au
bâbord de la terre, parmi ces dieux qui sont en la suite
478 Moret A., op.cit., 1926, p.287-288
479 Lalouette Cl., op.cit., 1986, p.48-49. Parmi les hauts
fonctionnaires qui effectuèrent ces représentations, on peut
citer le vizir Montouhotep qui vécut sous Sésostris
Ier (Cf., Breasted J.H., op.cit., 1988, paragraphes
530-534).
480 Moret A., op.cit., 1926, p.295
481 Id., Ibid, p.296
482 Id., op.cit., 1941, p.444
483 Ibidem
484 Id., op.cit., 1926, p.245-246
485 Etant donné que ces formules se
répètent sur les différents sarcophages, les noms divers
des possesseurs ont été suggérés, dans la
traduction, au moyen de la lettre N.
d'Osiris, en paix et en repos, auprès de Rê,
dans le ciel ».486 Il apparaît ainsi, que les
particuliers, à l'image du pharaon défunt dans les Textes des
Pyramides, avaient la possibilité de rejoindre les dieux et de
devenir eux-mêmes des dieux dans l'au-delà.
En ouvrant ainsi au peuple l'accès à la survie
éternelle dans l'au-delà, la religion funéraire allait
connaître une nette évolution sous le M.E. Et cette
évolution, comme nous venons de le voir, découle des changements
intervenus dans les croyances religieuses à partir de la P.P.I.
108
486 Lalouette Cl., op.cit., 1984, p.267
109
|
|