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La crise de la première période intermédiaire en Egypte pharaonique


par Mamadou Lamine Sané
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maîtrise 2007
  

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C- Les effets des changements climatiques

A la fin de l'A.E., au moment où les luttes politiques avaient abouti à l'affaiblissement de la royauté, et que le trésor royal était en difficulté, l'Egypte semble-t-il, était en même temps en proie à des problèmes dus aux mutations climatiques. En effet, vers -3000, lorsque s'établissait la royauté pharaonique dans la basse vallée du Nil (au Nord du 24° N), le désert occidental égyptien était parvenu à son degré de dessèchement actuel au

344 Pirenne J., op.cit., 1961, p.303

345 Moret A., op.cit., 1926, p.250

346 Pirenne J., op.cit., 1961, p.327

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terme d'une longue évolution amorcée vers -4800.347 L'une des manifestations de cette situation avait été la disparition dans le Sahara septentrional des points d'eau dès le Ve millénaire et qui avait rendu impossible les relations entre la vallée du Nil et les massifs du Sahara central sauf par la voie des oasis parallèles à la côte Libyenne (Siwa, Djeraboub, Aujila et Sokna).348 Cette situation allait avoir comme conséquence, une plus grande dépendance de l'Egypte de l'inondation annuelle du Nil.349

Il se trouve que le Nil, comme beaucoup d'autres fleuves, prend sa source dans la zone intertropicale étendue jusqu'à 4° Sud, sur des hautes terres situées entre 1000 et 2000 mètres d'altitude avec des volcans dépassant les 4000 mètres.350 Sur ces montagnes, les pluies dépassent souvent 1,5 mètre par an.351 Toutefois, si le Nil traverse le Sahara sur près de 3000 km, il le doit en grande partie à l'apport de ses affluents éthiopiens. En Ethiopie, il existe de vastes plateaux volcaniques entre les 7° et 17° N qui se situent aujourd'hui entre 2000 et 4000 mètres d'altitude et qui reçoivent entre 1 et 2 mètres de pluie par an.352 Cette situation laisse apparaître que le Nil reflète les changements climatiques survenus dans la zone intertropicale beaucoup plus qu'en Egypte même.353 Or, si l'assèchement du Sahara septentrional était continu (entre -5000 et -2500 il n'y a pas eu de retour d'humidité dans l'actuel désert égyptien), ce ne fut pas le cas dans le Sahara méridional où il y a eu un « Humide néolithique » entre -4500 et -2500, encadré par un « Grand Aride mi-Holocène » de -2500 à -1000 environ.354 Et les crues du Nil, alimentées par des eaux venant au Sud 22° N, suivaient le rythme irrégulier du dessèchement du Sahara méridional355. Si nous prenons en compte cette situation au niveau du Sahara méridional, elle traduirait une baisse de ces crues à partir de -2500, s'est à dire au cours de la deuxième moitié de l'A.E. Et selon P. Rognon, il a été constaté que vers 5000 B P (-3000 à -2800), le volume des crues du Nil a diminué d'environ 25 à 30% par rapport à son débit antérieur et cette diminution est devenue catastrophique vers 4300-4000 B P (-2250 à -1950).356

Cette analyse des conditions climatiques et hydrologiques a montré que sous l'A.E., l'Egypte avait été confrontée aux effets de la désertification, avec une baisse des crues du

347 Cornevin M., op.cit., 1993, p.49

348 Ibidem

349 Vercoutter J., op.cit., 1992, p.353

350 Rognon P., Biographie d'un désert, Paris, Plon, 1989, p.137

351 Ibidem

352 Id., ibid, p.140 353Id., Ibid, p.293

354 Cornevin M., op.cit., 1993, p.67

355 Ibidem

356 Rognon P., op.cit., 1989, p.293

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Nil. Mais ce qui allait aggraver la situation, c'est qu'au moment où les conditions naturelles devenaient de plus en plus précaires, la situation politique rendait difficile toute action commune pouvant permettre au pays de faire face aux calamités naturelles. Nous avons vu qu'au cours de la VIe dynastie, notamment à partir du règne de Pépi II, les nomarques avaient réussi à gagner une plus grande autonomie et avaient tendance à gérer les provinces de manière autonome. Cette large autonomie des provinces eut comme effet immédiat, une absence de consensus national qui pouvait permettre une utilisation rationnelle des eaux du Nil, afin de parer aux difficultés qui pourraient découler de la baisse des crues.357 Dès lors, la crise politique et financière que traversait la monarchie à la fin de l'A.E., allait s'accentuer du fait de la vulnérabilité du pays face à la dégradation des conditions naturelles. Dans ce pays que fut l'Egypte, la part de l'homme n'a jamais été négligeable dans la fécondation de la terre.358 Il est vrai que par sa crue annuelle, le Nil entretient le sol cultivable, en corrige l'évaporation et lui rend l'humidité nécessaire dans un pays où la pluie est rare.359 Toutefois, dans cette crue annuelle, le fleuve adopte des situations qui sont toutes aussi dommageables pour l'Egypte.360 En effet, l'arrivée des eaux du fleuve peut signifier submersion de la vallée, avec destruction ou démolition de tout ce qu'elle trouve sur son passage. Elle délite le sol et déplace les limites des propriétés.361 Mais, inversement, lorsque la crue est insuffisante, le pays pouvait connaître une situation de famine. Au début de l'A.E., sous le règne de Djeser, il semble que l'Egypte avait connu à une situation similaire, où l'insuffisance des crues avait provoqué une famine. C'est du moins la conclusion qu'on peut tirer d'un document connu sous le nom de Stèle de la famine où le pharaon Djeser, s'exprimant sur la situation disait : « Mon coeur était dans une très grande peine, car le Nil n'était pas venu à temps pendant une durée de sept ans. Le grain était peu abondant, les graines étaient desséchées, tout ce qu'on avait à manger était en maigre quantité, chacun était frustré de son revenu. [...] Même les courtisans étaient dans le besoin ; et les temples étaient fermés, les sanctuaires étaient sous la poussière... »362. C'est pour faire face à ces aléas des crues que, semble-t-il, très tôt les Egyptiens cherchèrent à discipliner le fleuve. Ainsi, de puissantes digues, parallèles au cours du fleuve furent mises en place pour forcer le fleuve à suivre un lit régulier et des canaux perpendiculaires au fleuve, partageant la vallée en un damier de bassin,

357 Séne Kh., op.cit., 2003-2004, p.12

358 Drioton E Vandier J., op.cit., 1984, p.4

359 Moret A., op.cit.

, 1926, p.38

360 Id., Ibid, p.36

361 Ibidem

362 Grimal N., op.cit., 1988, p.80-81

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étagés du Sud au Nord les uns au dessus des autres363. Toute cette énorme entreprise ne pouvait se réaliser sans un labeur régulier et tenace, collectif et coordonné. D'où la nécessité d'un chef pour gouverner, assigner à chacun sa tâche et repartir avec équité, l'eau du fleuve, à tous.364 C'est ce qui explique l'importance de l'Etat qui symbolisait une organisation de masses humaines, l'unité de la direction et la centralisation qui étaient à la base de la prospérité de l'Egypte. En effet, avec un pouvoir central fort, il était possible d'assurer une véritable politique économique, en parvenant à discipliner la crue, en coordonnant les observations nilométriques tout au long du cours du fleuve et en mobilisant des milliers d'Egyptiens pour parfaire le réseau des canaux.365 Tels sont là, quelques uns des éléments qui rendaient indispensable, la présence en Egypte d'un pouvoir central fort. En faisant une remarque sur l'Egypte sous l'administration Ptoléméenne, Napoléon n'avait pas manqué de relever cette situation. Selon lui, « Dans aucun pays, l'administration n'a autant d'influence sur la prospérité publique. Si l'administration est bonne, les canaux sont bien creusés, bien entretenus, les règlements pour l'irrigation sont exécutés avec justice, l'inondation est plus étendue. Si l'administration est mauvaise, ou faible, les canaux sont obstrués de vase, les digues mal entretenues, les règlements de l'irrigation transgressés, les principes du système d'inondation contrariés par la sédition et les intérêts particuliers des individus et des localités. »366 Ce constat de Napoléon sur l'administration est une illustration du rôle important de l'Etat pour l'Egypte. La faiblesse de celui-ci ne pouvait qu'accentuer la vulnérabilité du pays face à la dégradation des conditions naturelles. Or, la situation politique à la fin de l'A.E. se caractérisait par une faiblesse de la monarchie doublée, au plan naturel, par une baisse des crues du Nil. Cette faiblesse de la monarchie laisse supposer que celle-ci était dans l'incapacité de contraindre les nomarques, devenus plus ou moins indépendants, dans leurs provinces, à maintenir en état les canaux d'irrigation, indispensables pour assurer une bonne répartition des crues367. La production agricole devait nécessairement souffrir de cette situation qui allait avoir comme effets, l'installation de la famine. Pharaon venait ainsi de se montrer incapable dans ses fonctions nourricières qui constituaient une des prérogatives les plus essentielles de son pouvoir. On a vu comment le pharaon Djeser s'était attristé lorsque les baisses des crues du Nil avaient entraîné une situation de famine sous son règne.

363 Moret A., op.cit., 1926, p.38

364 Moret A., L'Egypte pharaonique, in, Hanotaux G., Histoire de la nation égyptienne, Tome II, Paris Plon, 1932, p.14-15

365 Lalouette Cl., L'Empire des Ramsès, Paris, Fayard, 1985, p.12

366 Moret A., op.cit., 1926, p.40

367 Ibidem

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Il apparaît ainsi, que la situation de l'Egypte avait été particulièrement difficile à la fin de l'A.E. En effet, l'institution royale, minée par les luttes politiques avait fini par s'affaiblir politiquement et financièrement. Au même moment, la crise financière à laquelle était confronté l'Etat ainsi que les effets de la dégradation des conditions climatiques, devaient plonger le peuple dans la misère. Le comble de la situation allait être atteint à cause d'un autre fait qui découle de l'affaiblissement de la monarchie : c'est l'invasion du Delta par les Bédouins. A partir de cet instant, il semble que toutes les conditions étaient réunies pour pousser le peuple à ce soulever contre la royauté.

TROISIEME PARTIE :

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LES CONSEQUENCES

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