Guidance et respect des droits humains à l'enseignement supérieur et universitaire en R.D.C.( Télécharger le fichier original )par Dominique BAFWA NGELEKA Université de Kinshasa - DEA Droits de l'Homme 2010 |
CONCLUSION.L'universalité de l'orientation est une évidence car selon la Déclaration de l'AIOSP(2001), « tout individu, quelque soit son sexe, son Education, sa religion, sa race ou sa profession, doit avoir un accès gratuit et facile à l'Orientation Scolaire et Professionnelle de façon à ce que ses compétences individuelles puissent être identifiées et développées et qu'il lui soit permis d'entreprendre une Education adéquate, un apprentissage et un métier, qu'il lui soit aussi permis de s'adapter à d' éventuels changements dans les conditions de vie sociale et individuelle, et de participer pleinement à la vie socio-économique de la communauté qui est la sienne ». Mais paradoxalement la République Démocratique du Congo regorge des compétences dans tous les domaines, mais qui seraient mal utilisées ou sous employées, c'est-à-dire le cursus de formation suivis ne servent pas dans la vie pratique. Du fait de la faible offre d'emploi et même du favoritisme (clientélisme), l'adéquation entre le cursus de la formation suivie et le profil du poste de travail à occuper n'est plus respectée. Cette situation pousse des fois les potentialités en ressources humaines dont disposent le pays à s'exiler pour jouir de leurs compétences sous d'autres cieux, comme nous l'avions évoqué dans la problématique selon le Rapport de la Banque Mondiale (2006) :« ...Plusieurs professionnels de santé, en particulier les médecins et les spécialistes de haut niveau, se sont exilés à la recherche des salaires et conditions de vie meilleurs. Et on estime à plus de 1000 le nombre de médecins congolais dans les pays d'Afrique Australe. » Pourquoi alors cette fuite des cerveaux ? Qu'en est-il du secteur de l'ESU et dans quelle proportion ? Que faire pour arrêter cette hémorragie du capital humain disponible ou en devenir dans un secteur aussi vital que celui du grenier de l'Elite Congolais ? La promotion de la Guidance (Orientation) dans la gestion des ressources humaines en RDC et sa redynamisation à l'ESU, constitue nous semble-t-il le fondement de tout développement, de la bonne gouvernance et de la paix durable pour un avenir meilleur. Par notre investigation nous visons l'impact de l'Orientation comme facteur très déterminant pour l'émergence de l'Etat des droits et la bonne gouvernance en RDC et en particulier dans le secteur de l'ESU qui en fait reste le moteur de développement national, étant alors la pépinière des ressources humaines qualifiées et compétentes. Nous lançons ainsi le débat sur la question de l'Orientation Professionnelle et l'Employabilité du personnel scientifique ; de telle sorte que des dispositions constitutionnelles relatives à la guidance soient de mise dans la gestion du capital humain à l'ESU. Ceci fera que chaque citoyen congolais oeuvrant dans ce secteur soit à la place qui lui convient le mieux, tenant compte de l'identification de ses capacités et du développement de ses compétences individuelles sans discrimination en vue de contribuer efficacement à l'effort de la reconstruction nationale pour l'essor du pays dans le concert des nations. Eu égard à la constitution de la RDC et surtout de l'Article 13, nous avons voulu dans le contexte de notre dissertation, établir un parallélisme dans une approche de guidance entre la gestion des ressources humaines dans le secteur de l'ESU et le respect des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains (leur application), notamment : Ø La Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (Unesco, 1960) Ø La Déclaration Mondiale sur l'ESU pour le 21è siècle (Unesco, 1998)
Quant à nous, il y a lieu de croire que la mauvaise gouvernance en RDC en général et dans le secteur de l'ESU au Congo en particulier, découlerait de la pratique de la discrimination dans la gestion du capital humain (arbitraire) et de l'absence d'une politique nationale en matière d'Orientation. Par conséquent, les compétences (valeurs) que regorgent le pays et son potentiel du capital humain étant sous-employé ou mal utilisés s'exilent (fuite des cerveaux), surtout le personnel scientifique de l'Enseignement Supérieur et Universitaire. Parce que la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme restent les voies obligées pour le décollage de la RDC dans le concert des nations, l'Orientation Scolaire et Professionnelle (OSP) constitue la voie royale pour l'instauration de l'Etat de droit et la promotion de la dignité humaine. Notre Etude s'inscrit dans le domaine de l'Orientation Professionnelle et les Droits Humains (instruments juridiques) et la démarche suivie consiste à vérifier l'effectivité de l'applicabilité des instruments juridiques internationaux relatifs à l'orientation pour la promotion des droits humains dans le secteur de l'ESU en RDC, autrement dit la surveillance des Droits humains ou le « monitoring des droits l'homme» à l'ESU. En quelque sorte , il s'agit d'appliquer les principes d'orientation(science) en droit c'est-à-dire marier la guidance au droit dans la perspective de gestation probable de droit à l'orientation comme d'autres dérivés des droits humains tels que ; droit à l'éducation, droit au travail, droit à l'environnement, droit au développement, etc.... Nous ouvrons une parenthèse pour souligner que les droits humains constituent un nouveau champ de recherche pluridisciplinaire et transversale. C'est un véritable carrefour de sciences sociales et humaines. Pour améliorer la protection des droits de l'homme et à renforcer la responsabilité de l'Etat dans le respect de la dignité humaine on utilise le monitoring comme méthode. D'une manière générale, le « monitoring » décrit la collecte active, la vérification et l'usage immédiat d'information en vue de résoudre des problèmes des droits humains. Et pour procéder à la vérification de nos assertions, nous avons trouvé comme mode d'approche réaliste l'Etude de Cas du Corps Enseignant à l'Université de Kinshasa (Unikin) comme microcosme de l'ESU en RDC. Pour un observateur averti, la question qui peut être posée est celle de prouver, si en réalité les résultats de notre recherche parce qu'il s'agit d'une « Etude de cas », peuvent être extrapolés à l'ensemble du secteur de l'ESU en RDC ? Selon D.M.Mertens (1998) 1(*) « l'Etude de cas » est une méthode pour apprendre quelque chose concernant une situation complexe et particulière, basée sur une large compréhension, obtenue par des descriptions et analyses de la situation prise comme un tout et dans son contexte. » Mais peut-on prédire ou généraliser à partir d'un cas ? Les quantitativistes rejettent cette possibilité. Mais les qualitativistes estiment que l'interprétation, l'explication et la compréhension d'un cas peuvent contribuer avantageusement à la prédiction. Si on a compris, on peut s'efforcer de prédire. La théorie organise la description, l'explication et la prédiction dans un processus multi-symbiotique. Quant à la généralisation, elle vient à partir de la connaissance tacite de la manière dont les choses sont, pourquoi elles sont, comment les gens les vivent et elles apparaissent de cette manière dans une situation ou dans un contexte. Cette connaissance est transférable dans d'autres situations ou contextes qui présentent les mêmes similitudes. Et pour le cas qui est le notre, l'ESU en RDC est un ensemble des universités, des Instituts et centres de Recherche, tous régis par les mêmes textes (Ordonnance N°81-160 du 7 octobre 1981 portant statut du personnel de l'ESU). Nous tenons à préciser également que selon la nature des données, nous avons du recourir aux techniques documentaire (la documentation), statistique (tableaux statistiques) et analyse de contenu (Instruments juridiques) pour la récolte et le traitement des données. Notre approche s'inscrivant dans la surveillance des Droits humains à l'ESU, les instruments normatifs ou juridiques internationaux constituent les matériaux d'usage pour s'assurer du respect ou de la violation du Droit de l'homme par les Etats. Pour le cas d'espèce, nous avons analysé les dispositions de certains textes normatifs relatifs à l'orientation et aux droits humains dans le secteur de l'E.S.U. Le document de base reste ; « La Déclaration Mondiale sur l'ESU : vision et actions (1998)». Nous avons essayé toutefois d'élucider certains concepts clés d'usage en droit international pour clarifier le fondement juridique des instruments internationaux, à savoir ; ratification, protocole, pacte, convention, recommandation, déclaration, coutume internationale et instrument international. Notre Etude de cas concerne le corps enseignant, spécialement les Chefs de travaux et Assistants, car étant appelés à accéder au statut du personnel académique. Nous faisons allusion à l'applicabilité ou non des instruments juridiques internationaux à l'Unikin dans la gestion du capital humain pour la promotion du personnel scientifique. Ainsi, pour avoir la photographie du respect de droits de l'homme à l'Unikin en rapport avec le corps scientifique, nous avons jugé utile d'examiner la situation du dit corps en formation pour la Thèse ou le DES (DEA) ! Combien sont-ils par faculté et par rapport au besoin ? Rentrent-ils pour la relève ou s'exilent-ils suite aux mauvaises conditions de travail et la discrimination ? Et dans quelle proportion se présente cet exode de cerveau ? Et à propos de l'équité homme-femme ? Pour répondre à ces interrogations, les annexes du Rapport d'activités du mois de septembre 2007 de la Direction de la Coopération de l'Unikin, nous ont servi de base de données, car on y trouve des listes du personnel en formation à l'Etranger. Les différentes rubriques nous ont facilité l'analyse et l'interprétation des données, à savoir ; l'identité des candidats et leurs coordonnées c'est à dire Faculté, Nom et post nom, sexe, Age, Grade, Année départ, Année de retour, Diplôme à obtenir, Université d'accueil et Financement (bourse). Ainsi, pouvons-nous prétendre par notre démarche avoir répondu au seuil de cette étude à notre questionnement, c'est-à-dire : 1- Les aptitudes et les compétences sont-elles de mise dans la gestion du personnel scientifique à l'ESU ou c'est l'arbitraire au mépris des dispositions constitutionnelles (Art.13) et le respect des instruments juridiques nationaux et internationaux relatives aux droits humains ? 2- La fuite des cerveaux dans le secteur de l'ESU ne serait-elle pas due à l'absence d'une législation et/ou politique nationale de Guidance (Orientation) ? 3- Quelles stratégies prendre pour une bonne gestion des ressources humaines disponibles et sans discrimination dans le secteur de l'ESU ? Voici nos observations après l'analyse des données : La Guidance (Orientation) est un droit universellement garanti et l'implication de la RDC pour l'application des dispositions y relatives contenues dans les textes normatifs ne peut être que contraignante, conformément à l'Article 215 de la Constitution. Mais, c'est dommage qu'il n'y ai pas de politique nationale en matière d'orientation en RDC comme le confirme l'Article 3 de l'Ordonnance-loi N° 71-055 du 26 ·Mars 1971 portant organisation de la Formation Professionnelle. Il y a également un problème de parité homme-femme à l'Université de Kinshasa. Sur 3.083 agents, 14 % est constitué des femmes. Quant au personnel scientifique en formation et suivi par la faculté 13% sont du sexe féminin contre 87% du sexe opposé. Il est clair qu'il y a trop à faire pour rétrécir le fossé entre le sexe pour la promotion du personnel scientifique à l'ESU, conformément aux dispositions constitutionnelles de l'article 14 : « La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'Etat garantit la mise en oeuvre de la parité homme-femme dans les dites institutions ». Et pour le PNUD dans son bilan 2007, « la RDC est engagé dans un processus de reconnaissance de la parité comme postulat de définition des rapports entre les hommes et les femmes au sein des institutions publiques, et les pouvoirs publics ont été, au regard de la constitution chargés d'en garantir l'applicabilité. Cependant, dans la pratique, il existe un véritable écart avec le prescrit de la loi. Les femmes sont faiblement représentées aussi bien pour le mandat électif que pour les postes de désignation (p.12). » Mais « équité » ne doit pas signifier concurrence ou antagonisme entre le sexe mais plutôt mettre la congolaise qui convient à la place, qu'il faut sur base de mérite et des compétences : « L'accès à la profession académique dans l'Enseignement Supérieur et Universitaire devrait être fondé exclusivement sur les qualifications académiques, la compétence et l'expérience voulues ; il devrait être ouvert à tous les citoyens sans discrimination aucune (Unesco) ». C'est pourquoi la Guidance (Orientation) reste la voie royale pour la bonne gouvernance et une gestion rationnelle du capital humain sans discrimination aucune, dans l'intérêt supérieur de la nation de telle manière que chaque congolais aura à apporter ainsi sa pierre à l'édifice national. Selon une étude de l'Unesco (2003) sur « Développements récents et perspectives de l'Enseignement Supérieur en Afrique Subsaharienne au 21e siècle» ; « ... pour diverses raisons, notamment la détérioration des conditions de service et les conflits sociologiquement, la fuite des compétences concerne de plus en plus les diplômés formés dans leurs pays d'origine. » C'est bien dommage de constater que le gouvernement de la RDC n'aie accordé aucune bourse aux doctorants de l'Unikin et en majorité ils sont pris en charge par la coopération (76%) tandis que 24% ont utilisés les moyens propres. Et comme conséquences, les cas de rupture de contact des doctorants à l'étranger sont signalés dans les domaines de formation clés et liés au développement, à savoir la polytechnique, les sciences, l'agronomie et la médecine ! La fuite de cerveaux est une réalité à l'Unikin et nous croyons par notre démarche exploratoire avoir déclenché la sonnette d'alarme : « En Afrique subsaharienne, il est généralement admis que la pertinence de l'Enseignement Supérieur devrait être également mesuré en fonction de sa contribution à la réalisation des objectifs de l'Education pour tous. C'est dans cette perspective que le groupe des ambassadeurs africains accrédités à l'Unesco ont demandé à l'Unesco d'assister les Etats africains à former une masse critique d'enseignants nécessaires pour assurer une Education de base de qualité pour tous avant 2015. »123(*) Ainsi, nous pouvons par les résultats de cette étude affirmer que la Guidance (Orientation) est une science dont l'objet reste la dynamique Individu-Etude-Travail, ce qui fait la spécificité de son champ. Sur le plan théorique, nous avons essayé de démontrer le fondement juridique international de l'Orientation par l'analyse des instruments juridiques internationaux. De ce fait, l'Orientation Scolaire et Professionnelle (OSP) est un droit universellement garanti et par conséquent la RDC est contrainte d'appliquer ses principes dans le secteur de l'ESU pour une bonne gouvernance et l'amélioration des conditions de vie des congolais. Nous ne prétendons pas avoir résolu la problématique de respect de Droits Humains à l'ESU au seuil de notre démarche mais néanmoins avons donné le ton sur la question de droits de l'homme et la lutte contre la discrimination pour le développement de l'ESU en RDC c'est-à-dire le renouvèlement du corps académique doit se faire sur base des principes de mérite et d'équité tenant compte des capacités de tout citoyen congolais sans discrimination pour l'essor du Congo-Kinshasa dans le concert des nations(mettre l'homme qu'il faut a la place qu'il faut). Enfin, quant à la question de l'équité et la promotion de la femme à l'ESU en général et surtout à l'Unikin qui nous a servi de population d'étude ; nous proposons l'expérience de la Tanzanie aux autorités académiques comme voie de sortie pour permettre à la femme congolaise de s'émanciper sur le plan scientifique. En Tanzanie2(*), pour augmenter les effectifs des filles en sciences et en mathématiques, l'Université de Dar es Salaam organise chaque année des cours intensifs de rattrapage en sciences et en mathématiques d'une durée de six semaines pour les filles qui n'ont pas réussi à l'examen d'entrée à l'Université. A l'issue de ces cours, les filles sont autorisées à se présenter à un examen de repêchage. L'université rapporte que les taux de réussites à ces examens sont très élevés. Une évaluation récente de ce programme de rattrapage a révélé que ces filles réussissaient beaucoup mieux que les étudiants qui n'ont pas participé au programme. De même le pouvoir organisateur de l'ESU en RDC c'est-à-dire le ministère de tutelle peut s'inspirer de l'expérience de Zimbabwe et du Kenya comme pistes de solution sur la question genre : Deux universités réservées exclusivement aux femmes ont été créées en 2002 : Women'university in Africa basée à Harare au Zimbabwe et Kiri Women's Univerisity for science and Technology au Kenya. De cette manière la RDC aura appliquée la Déclaration de Hambourg sur l'Education des adultes (Unesco, 1997) qui stipule: « Les politiques d'Education des jeunes et des adultes doivent être sensibles aux cultures locales et conférer la priorité à l'élargissement des possibilités d'Education à toutes les femmes, tout en respectant leur différence et en éliminant les préjugés et les stéréotypes qui réduisent à la fois leurs chances d'accès à l'Education des jeunes et des adultes et les bienfaits qu'elles en retirent. Toute tentative visant à restreindre leur droit à l'alphabétisation, à l'Education et à la formation doit être considérée comme inacceptable. Il importe que les mesures soient prises pour y parer. » Selon le PNUD1(*), l'analyse du Genre en RDC met en évidence la persistance des déséquilibres en matière de parité entre hommes et femmes, à travers tous les domaines de développement : économiques, sociaux, culturels et politiques. La présence féminine aux niveaux décisionnels de l'administration reste faible. Les femmes actives ne sont que 2,8% dans les activités salariées contre 12% pour les hommes. Elles ne représentent que 2% dans les mines, 3% dans l'industrie, 3% dans les services et 8% dans l'entrepreneuriat. Elles sont principalement concentrées dans l'agriculture (70% dans l'agriculture traditionnelle) et dans le secteur informel (60%), notamment le commerce. En définitive, pour notre Enseignement Supérieur comme le disait le Professeur MANGONI V.; « il nous faut donc d'une part, penser et repenser, et d'autre part panser et repanser notre système éducatif, notre pédagogie universitaire. C'est une urgence prioritaire, un impératif qui va sûrement nous mettre à l'abri, non seulement du vieillissement du corps professoral et du parricide stérilisant, mais également de l'enkystement de notre système d'enseignement primaire, secondaire et tertiaire, sans oublier notre système de professionnalisation qui apparaît d'emblée comme une simple copie des expériences faites ailleurs. Et un ami avait défini l'université en ces termes : ``l'université, c'est, dit-il une cité ouverte dans l'univers. C'est donc un univers-cité'' ».2(*) * 1 Ngongo, D., op.cit. p. 155 * 123 Unesco, Développements récents..., p. 15 * 2 Idem, p. 20 * 1 PNUD, Programme de gouvernance 2008-2012, Kinshasa, p.8 * 2 V. MANGONI, Conférence, Texte inédit. |
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