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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Titre premier : L'éthologie et l'étude de la condition féminine

Il convient, en premier lieu, d'étudier les premiers développements de John Stuart Mill relatifs à cette science afin de la définir (Chapitre 1) et d'observer son influence sur l'étude de la condition féminine par l'auteur (Chapitre 2).

Chapitre 1 : L'éthologie dans le Système de logique

Bien que la description de l'éthologie faite par Mill dans son essai soit relativement brève, elle comporte de nombreux éléments qui permettent de la définir (Section 1) et de prouver son utilité « pratique » (Section 2).

Section 1 : L'éthologie, « science exacte de la nature humaine »103

John Stuart Mill se penche sur la définition de l'éthologie au Chapitre V de son essai intitulé De l'éthologie ou science de la formation du caractère. Il y définit l'éthologie comme l'étude des « lois de la formation du caractère »104. Le nom attribué à sa science provient du mot grec êthos qui signifie caractère. Mill ne s'attarde pas davantage sur le terme de caractère, si ce n'est pour le qualifier comme la « manière de sentir ou d'agir »105. En revanche, il effectue de longs développements concernant le terme de loi, afin de définir précisément l'éthologie et de la distinguer d'autres disciplines annexes.

Mill distingue entre psychologie et éthologie. La psychologie serait l'étude théorique et générale des « lois fondamentales de l'esprit »106 tandis que l'éthologie serait « la science ultérieure qui détermine le genre de caractère produit conformément à ces lois générales par un ensemble quelconque de circonstances, physiques et morales. »107. L'éthologie, elle, prend en compte des éléments extérieurs, un contexte. Toutefois, on ne peut, selon l'auteur, la comparer à une simple observation ou généralisation dans la mesure où elle procède également par déduction. En effet, l'éthologie est pour Mill une branche, un « secteur »108 de la psychologie. Par suite, « on ne peut les

103 Stuart Mill (J.), op.cit. p.870

104 Stuart Mill (J.), op.cit. p.865

105 Stuart Mill (J.), op.cit. p.864

106 Stuart Mill (J.), op.cit. p.869

107 Ibid

108 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.58

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obtenir [les lois de la formation du caractère] qu'en les déduisant de ces lois générales; en supposant un ensemble donné de circonstances, et en se demandant ensuite quelle sera, d'après les lois de l'esprit, l'influence de ces circonstances sur la formation du caractère. »109

L'auteur distingue encore entre éthologie et science sociale. La première serait « la science de l'homme individuel » tandis que la seconde serait « la science de l'homme en société ». La différence tient donc seulement au sujet d'étude (individuel ou collectif) qui, selon Mill, rend la science sociale encore plus complexe que l'éthologie. John Stuart Mill accorde une place centrale à l'éthologie, c'est pourquoi il la considère comme « le fondement immédiat de la science sociale »110. En effet, « tous les phénomènes de la société sont des phénomènes de la nature humaine »111. Dès lors, les lois de la science sociale doivent être déduites des lois de l'éthologie.

Mais comment le logicien définit-il positivement l'éthologie en tant que science ? Il le fait, ici encore, par une distinction : entre les lois empiriques de la nature humaine et les lois de la formation du caractère, lois causales universelles. Les lois empiriques constituent des généralisations, d'après l'observation de l'activité humaine, et procèdent donc par induction. « Sa vérité n'est pas absolue mais dépend de conditions plus générales »112. « La loi empirique tire toute sa vérité des lois causales dont elle est la conséquence. »113

Concernant l'étude de la nature humaine, ces lois causales sont précisément les lois de la formation du caractère, qui doivent être découvertes grâce à l'éthologie. Seules ces lois ont une vérité scientifique. Comme Mill l'ajoute, « le genre humain n'a pas un caractère universel, mais il existe des lois universelles de la formation du caractère. »114Ainsi, John Stuart Mill considère l'éthologie comme une science exacte capable d'élaborer des lois causales et universelles. Toutefois, il prend soin de préciser que ces lois n'affirment que des tendances et ne peuvent prédire une chose. En effet, ces lois attachent uniquement une conséquence à une cause donnée. Toutefois, la nature humaine dépend de tant de lois causales et de conditions extérieures qu'il est possible qu'une seule loi causale soit contrariée.

Mill tente de conférer à cette discipline un caractère éminemment scientifique et cette

109 Stuart Mill (J.), Collected works, op.cit. p.869

110 Stuart Mill (J.), op.cit. p.907

111 Stuart Mill (J.), op.cit. p.877

112 Stuart Mill (J.), op.cit. p.861

113 Stuart Mill (J.), op.cit. p.862

114 Stuart Mill (J.), op.cit. p.864

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démarche n'est pas sans rappeler celle adoptée par les premiers penseurs de la sociologie à la même époque. John Stuart Mill a d'ailleurs longtemps entretenu une correspondance intellectuelle avec l'un des pères de la sociologie, Auguste Comte. Par ailleurs, à la lecture du Système de logique, il est difficile de ne pas remarquer le caractère quasi-sociologique de son approche. En effet, il y avance « que nos états mentaux, nos capacités et susceptibilités mentales, sont modifiés, soit temporairement, soit d'une manière permanente, par tout ce qui nous arrive dans la vie. »115

Selon lui, « les circonstances environnantes différent pour chaque individu, pour chaque nation ou chaque génération du genre humain; et aucune de ces différences n'est sans influence sur la formation d'un type de caractère diffèrent. »116Ici encore, John Stuart Mill fait preuve d'avant-gardisme à une époque où beaucoup soutiennent des idées inverses, considérant par exemple que toutes les différences sont naturelles. Au XIXe siècle, ils sont plusieurs penseurs à se pencher sur les sciences sociales et à développer des thèses similaires, sorte de parent de la sociologie moderne. En créant cette science, Mill se refuse à la conclusion facile du naturalisme. L'éthologie pose que des lois causales et un ensemble de conditions externes peuvent influer sur le caractère humain. Cette simple affirmation induit un intérêt pratique de cette science. En effet, si les conditions données sont modifiées ; alors le caractère, la nature humaine se modifie également. C'est ce que développe John Stuart Mill dans son Système de logique où il aborde le rapport qui unie éthologie et éducation.

Section 2 : L'éthologie et l'éducation

Dans cet essai, Mill énonce que « l'Éthologie est la science qui correspond à l'art de l'éducation, au sens le plus large du terme, et en y comprenant la formation des caractères nationaux ou collectifs, aussi bien que des caractères individuels. »117C'est dans ce corollaire que réside l'intérêt pratique de cette science. La création et l'approfondissement de cette discipline constitue, pour Mill, un enjeu pratique puisqu'elle permettrait d'agir sur les caractères, à plus ou moins grande échelle. Puisque l'éthologie prend en compte les conditions données dans lesquelles la nature humaine évolue pour dégager des lois causales (tendances) ; il serait possible de faire évoluer les caractères en modifiant les conditions dans lesquelles l'être humain pense et agit.

Pour l'auteur, il s'agit d'un processus en deux étapes. « quand l'Éthologie sera ainsi préparée, l'éducation pratique se réduira à une simple transformation de ces principes en un système parallèle

115 Stuart Mill (J.), op.cit. p.863-864

116 Stuart Mill (J.), op.cit. p.864

117 Stuart Mill (J.), op.cit. p.869

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de préceptes, et à l'appropriation de ces préceptes à la totalité des circonstances individuelles existant dans chaque cas particulier. »118Ainsi, l'éducation est considérée par Mill comme un « art correspondant » à une science, ici l'éthologie. L'art qu'est l'éducation des caractères se fixe un but donné et la science qu'est l'éthologie lui apporte les tendances (principes) qui lui font connaître les actions à mener pour augmenter ses chances de l'atteindre.

Ce lien est parfaitement expliqué par Mill lui-même au chapitre XII du Système de logique :

« L'art se propose une fin à atteindre, définit cette fin et la soumet à la science. La science [...] après en avoir recherché les causes et les conditions, la renvoie à l'art avec un théorème sur la combinaison de circonstances qui pourrait le produire. [...] La science prête ensuite à l'Art la proposition (obtenue par une série d'inductions ou de déductions) que l'accomplissement de certains actes fera atteindre la fin. De ces prémisses l'Art [...] convertit le théorème en une règle ou précepte. »119

Ce lien établi par John Stuart Mill entre l'éthologie et l'éducation fait évidemment écho à la façon dont le même auteur insiste sur l'importance de l'éducation dans De l'assujettissement. En effet, cette science qui s'apparente à certains égards à la sociologie moderne peut parfaitement s'appliquer à la question de la condition féminine. L'éthologie pourrait-elle nous éclairer quant aux causes de l'infériorité des femmes dans la société anglaise du XIXe siècle ? Peut-elle apporter des principes pour atteindre le but affiché de Mill : l'égalité de droit entre les hommes et les femmes ?

Nous allons voir de quelle manière l'auteur applique sa science nouvellement créée au cas des femmes, et ce dès la publication de l'essai.

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