Conclusion du titre premier
Nous avons vu comment John Stuart Mill défend
l'égalité entre les hommes et les femmes et s'attache à
déconstruire le discours tenu par les défenseurs de la
thèse contraire. La position de John Stuart Mill vis-à-vis de
l'égalité naturelle n'est pas sans équivoque. Selon les
écrits auxquels on se réfère, son constat varie
légèrement. Tantôt défenseur d'une
égalité naturelle, tantôt considérant qu'il ne peut
se prononcer sur cette question ; il est, à tout le moins,
invariablement opposé aux défenseurs d'une
infériorité naturelle de la femme.
De cette position découlent les revendications
énoncées par John Stuart Mill. Ainsi, dès la
première page de De l'assujettissement, celui-ci affirme que
les relations sociales entres les hommes et les femmes doivent êtres
régies « par un principe d'égalité totale qui refuse
tout pouvoir ou privilège pour l'un des deux sexes, toute
incapacité pour l'autre ». Ainsi s'effectue le passage de la
question de la nature à la question civile.
37 Stuart Mill (J.), op.cit. p.62
38 Stuart Mill (J.), op.cit. p.63
39 Stuart Mill (J.), op.cit. p.58
Mill rappelle à ce propos que la situation des femmes
constitue « l'unique exemple d'exclusion dans la législation
moderne »40 et une exception dans ce monde du XIXe
siècle tout entier tourné vers le progrès et vers
l'égalité.
Dès le deuxième chapitre, cette question de
l'égalité juridique va être développée par
Mill et abordée sous tous ses aspects. Le premier abordé, et
probablement le plus important, est celui du mariage. Déjà
évoquée, la question du mariage est centrale dans une grande
partie de l'oeuvre féministe de Mill ; son histoire l'ayant
peut-être influencé dans ce sens.
19
40 Stuart Mill (J.), op.cit. p.53
20
Titre deuxième : Une égalité
juridique dans la sphère privée : le mariage
John Stuart Mill achève ce premier chapitre par une
réflexion teintée d'ironie. Les hommes semblent redouter une
chose : que la liberté concédée aux femmes les fasse
dévier de leur « destin naturel » de maîtresse de
maison, d'épouse et de mère. C'est donc qu'ils « ne rendent
pas le mariage assez désirable aux femmes »41 ?
L'opinion de Mill est que, libres, les femmes seraient susceptibles, sinon de
se détourner définitivement du mariage, de le refuser tel qu'il
leur est alors proposé : une situation avilissante et despotique.
Le chapitre II de De l'assujettissement mais aussi
d'autres écrits de John Stuart Mill s'attellent à la description
et à la résolution de ce problème. Pour Mill, il est
évident que le principe qui doit prévaloir au sein du mariage est
celui de l'égalité. Il s'agit, comme toujours chez le philosophe,
d'une égalité de jure et jamais de facto ; l'essentiel
étant que la loi n'établisse aucun privilège ou
incapacité pour l'un comme l'autre sexe. Mais le seul recours à
ce principe ne suffit pas. C'est pourquoi Mill va s'appliquer à analyser
les différentes injustices infligées par la loi à
l'épouse (Chapitre 1) et, dans le même temps, affirmer la
nécessité d'une intervention de cette loi en faveur de
l'égalité et contre la potentielle tyrannie dans le mariage
(Chapitre 2).
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