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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Chapitre 2 : Les actions de John Stuart Mill en faveur du suffrage féminin durant son mandat

En 1856, le Comité pour la propriété des femmes mariées présentait au Parlement une pétition visant à obtenir, pour les femmes mariées, les mêmes droits de propriété que ceux dont disposaient déjà les femmes non-mariées263. Cette pétition obtient le soutien de John Stuart Mill. Pourtant, à cette période, il n'est pas encore député et cette pétition vise un autre droit que celui du suffrage. Ce soutien, apporté par un auteur masculin de renom, démontre la volonté de ce dernier d'agir au sein de la sphère politique, de mettre sa notoriété au service de la cause féminine dans son ensemble. Toutefois, nous nous focaliserons ici sur ce qui fût son combat principal en politique : l'accès des femmes au droit de suffrage dans les mêmes conditions que pour les hommes.

258 Orazi (F.), op.cit. « Les droits des femmes » p.106

259 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.138

260 Jeu de mot en anglais : enfranchisment désignant aussi bien émancipation que droit de suffrage

261 Stuart Mill (J.), op.cit. p.197

262 Stuart Mill (J.), « Autobiography », op.cit. p.169

263 Comprendre la justice anglaise et américaine : http://loiseaumoqueur.com/

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John Stuart Mill s'impliqua dans les mouvements féminins militant pour le droit de vote bien avant son élection à la Chambre des communes. Fervent défenseur de l'égalité hommes-femmes, il se tenait informé des différents mouvements et groupes créés pour faire valoir les droits des femmes. Il prenait également part, de façon active s'il le fallait, au débat. Ainsi, en 1853, il adresse une lettre à un membre du parti whig, lord Monteagle, en réponse à un pamphlet « sur la représentation des minorités au Parlement »264. Il y suggère, parmi les améliorations à apporter à la loi en vigueur, l'accord du droit de vote aux femmes répondant aux mêmes conditions que les hommes.

Plusieurs années après, John Stuart Mill allait être appelé à se présenter aux élections à la Chambre des communes. Or, si l'on se réfère aux développements de Marie-Françoise Cachin265, Mill accepta de se présenter à une seule condition qui était d'inscrire le droit de vote des femmes parmi ses propositions266.

En 1865, John Stuart Mill est élu député pour trois ans. La même année, la Kensington society, groupe de discussion sur les droits des femmes, est créée. L'on peut aisément imaginer que Mill avait connaissance de l'existence de ce « club » et de ses activités puisque, parmi ses membres influents, on retrouve Helen Taylor, fille de Harriet Taylor et belle-fille de Mill. En 1866, les membres de la société décidèrent de rédiger une pétition demandant l'accès au suffrage pour les femmes, dans les mêmes conditions que pour les hommes. La requête était le droit de suffrage pour [traduction] « tous les propriétaires, sans distinction de sexe ». Cette formulation avait notamment pour effet d'exclure de la requête les femmes mariées qui, en vertu de la législation, n'étaient pas propriétaires ; leurs biens étant juridiquement considérés comme la propriété de leur époux. John Stuart Mill, alors député, pris pour engagement de présenter cette pétition au Parlement si celle-ci réunissait au moins cent signatures en sa faveur. Elle parvint à en réunir 1500.

Quelques mois après avoir présenté cette pétition devant la Chambre des communes, en juin 1866, John Stuart Mill allait être amené à agir à nouveau pour cette cause. En 1867, il se saisit de l'occasion qui lui était donnée par la présentation au Parlement d'un projet de réforme de la loi électorale. Il propose alors un amendement visant à faire remplacer, dans le texte de loi, le terme man par person. Le 20 mai 1867, il est le dernier à s'exprimer devant la Chambre avant le vote du projet. Son discours, qui reprend notamment des éléments de ses Considérations sur le

264 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.197

265 Cachin (M.F.), Postface de « L'affranchissement des femmes ». Professeur émérite à l'université Paris Diderot.

266 Stuart Mill (J.), op.cit. p.199

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gouvernement représentatif, a pour but de démontrer l'injustice de l'exclusion des femmes du droit de vote mais également l'utilité qu'aurait leur accès au suffrage pour la société. Cela explique que l'on y trouve des développements similaires à ceux présents dans De l'assujettissement267.

John Stuart Mill a recours à de nombreux arguments déjà évoqués précédemment tels que : le fait que la coutume défavorable aux femmes soit fondée sur des sentiments et non en raison, l'élargissement des centres d'intérêt et l'amélioration intellectuelle en cas d'accès au suffrage, l'utilité de cette mesure du point de vue de l'état moral de la société, des femmes comme des hommes, et cætera.

Mais il avance également des éléments nouveaux. Il argue par exemple qu' « un propriétaire ou un locataire possède le même intérêt, qu'il soit de sexe masculin ou féminin »268. De plus, les femmes non-mariées sont amenées à payer l'impôt. Leur refuser le droit de vote revient donc à violer l'un des « plus vénérés et plus anciens préceptes » de l'Angleterre : no taxation without representation. L'auteur avance également la pétition de 1866 pour faire montre du souhait réel des femmes d'obtenir le droit de suffrage.

Surtout, le but du plaidoyer de John Stuart Mill est ici de convaincre une assemblée du bien-fondé de sa proposition. Il adopte donc un discours et une stratégie sensiblement différents de ceux que l'on peut trouver dans ses écrits classiques. Il fait ainsi usage de l'ironie, voire du sarcasme : « si elles ne souhaitent pas se marier sans le droit de vote, on les autorisera sûrement à le conserver »269. Il se veut également rassurant et évoque « un nombre limité de femmes » et « une participation modérée », par le biais de « représentants masculins »270 (cela signifiant que Mill ne discute pas ici la question du droit à l'éligibilité) et ceci uniquement pour les femmes « qui répondent aux critères de propriété »271 alors fixés pour les hommes.

Pour John Stuart Mill, la défense de cet amendement est « le seul service public vraiment important »272 qu'il ait accompli en tant que député. Celui-ci obtient 73 voix favorables sur 269 votants. Malgré cette défaite apparente, Mill se réjouit du nombre de votes favorables qui va bien au-delà de ses espérances. En 1868, une nouvelle pétition pour le droit de suffrage féminin est

267 Subjection of Women est publié pour la première fois en 1869 mais été déjà rédigé en 1861.

268 Orazi (F.), op.cit. p.183 - L'octroi du droit de vote au femmes

269 Orazi (F.), op.cit. p.195-196 - L'octroi du droit de vote au femmes

270 Ibid

271 Ibid

272 Stuart Mill (J.), op.cit. p.200

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lancée et récolte plus de 21000 signatures. Cela démontre l'engouement, dans la société et notamment parmi les femmes, pour cette question, suite au positionnement public de Mill en faveur de cette cause. En 1867, la Kensington society devient la Société nationale pour le suffrage des femmes, groupe suffragiste engagé dans les activités militant notamment pour le droit de vote des femmes.

Dans son Autobiographie, publiée en 1873, Mill admet penser « que la question du suffrage féminin est dans une situation bien meilleure depuis ce qui s'est passé au Parlement »273 et que seules quelques années le séparent de cette victoire. En réalité, les femmes devront patienter jusque 1918 pour obtenir le droit de vote, et 1928 pour que l'âge légal pour voter soit abaissé au même niveau que pour les hommes.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld