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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Chapitre 2 : La doctrine de la liberté appliquée au cas des femmes

« Les restrictions à cette liberté sont un source de malheur pour les êtres humains, sans oublier les femmes ».145John Stuart Mill insiste ici sur la condition des femmes, bien que celles-ci soient déjà comprises dans le qualificatif précédent d'êtres humains. La liberté, tout comme l'égalité, est présente en filigrane tout au long de l'oeuvre millienne consacrée à la défense des femmes. C'est pourquoi il est aisé de faire le lien entre De la liberté et De l'assujettissement. Sur plusieurs points, Mill semble appliquer sa doctrine libérale au cas de la condition féminine, et ce de manière presque automatique. Dès lors que la femme est l'égale de l'homme, il revient de lui accorder les mêmes droits, la même liberté. Cet élément est d'ailleurs présent dans De la liberté, où Mill énonce qu'il faudrait « accorder aux femmes les mêmes droits et la même protection légale qu'à tout autre personne »146.

Au-delà de cette vision générale, la doctrine millienne de la liberté se retrouve dans les idées qu'il développe sur la condition féminine, tant dans la sphère privée (Section 1) que dans la sphère publique (Section 2), et ce, dans les deux ouvrages.

Section 1 : La liberté dans le mariage

La notion de liberté est véritablement présente dans les développements de Mill sur le mariage. Elle l'est tout d'abord de façon négative, lorsqu'il décrit la situation de la femme mariée du XIXe siècle et emploie autant d'antonymes de la liberté : esclavage, soumission, dépendance ou encore assujettissement, terme présent dans le titre même de l'oeuvre. Elle l'est encore lorsque, dans le chapitre II relatif au mariage, Mill évoque le pouvoir dont dispose parfois la femme. Selon lui, peu importe le pouvoir qu'elle exerce, ou non, sur son époux, celui-ci « ne saurait compenser la perte de la liberté »147. Tout d'abord, ce pouvoir n'est que factuel et temporaire ; il n'est pas une

145 Stuart Mill (J.), op.cit. p.167

146 Stuart Mill (J.), « De la liberté », op.cit. p.224 l

147 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.80

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garantie durable pour l'épouse. De plus, le pouvoir ou l'influence que celle-ci peut avoir sur son mari ne modifie en rien sa situation légale. Elle demeure inférieure et assujettie à ce dernier et tout le pouvoir qu'elle pourrait avoir sur lui ne lui donnerait pas accès à certaines libertés défendues par Mill.

John Stuart Mill défend la liberté de la femme dans De l'assujettissement mais aussi dans De la liberté. Il y mentionne ainsi le « pouvoir à peu près despotique des maris sur les femmes »148. Il évoque également, au sein d'un développement sur la liberté contractuelle, la question de la dissolution du mariage. Il se montre toutefois plus prudent que dans d'autres écrits puisqu'il ne fait que citer, ici, l'idée d'un auteur pour lequel il a beaucoup d'admiration : Wilhem von Humbolt. Ce dernier défend qu'un engagement ne devrait lier un individu que pour un temps limité. Ainsi, « le mariage [...] devrait pouvoir être dissout par la simple volonté déclarée d'un des partenaires »149. Si John Stuart Mill ne se montre pas explicitement favorable à la possible dissolution du mariage dans ce passage, il est toutefois fort probable qu'il le soit. Mais, nous l'avons vu, la véritable originalité de son opinion sur cette question tient à ce qu'il s'agirait, pour lui, d'une mesure en faveur des femmes et visant à empêcher la situation de soumission et de quasi-esclavagisme que représentent, pour elles, certains mariages.

De façon plus anecdotique, on peut citer le passage dans lequel Mill évoque le mormonisme et en particulier leur pratique de la polygamie. Il considère que cette « institution » enfreint le principe de liberté en « rivant simplement les chaînes d'une moitié de la communauté [les femmes], et dispensant l'autre moitié [les hommes] de toute réciprocité d'obligation envers la première »150. On retrouve ici, de façon implicite, l'argument développé par Mill concernant la condition de l'épouse dans le mariage. L'infériorité et la soumission de la femme à son mari constituait, selon lui, une entrave à l'établissement d'une relation honnête, réciproque et de confiance entre les deux époux.

Au-delà de la sphère privée, c'est-à-dire du mariage, le concept de liberté constitue un fondement essentiel des idées de Mill sur les droits des femmes dans la sphère publique.

148 Stuart Mill (J.), « De la liberté », op.cit. p.224

149 Stuart Mill (J.), op.cit. p.222

150 Stuart Mill (J.), op.cit. p.204

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Section 2 : La liberté dans la sphère publique

La question de la liberté des femmes au sein de la sphère publique est essentielle puisqu'elles sont, davantage encore que les hommes151, victimes de l'oppression sociale, de l'opinion publique. Cette question peut être abordée sous plusieurs angles. Afin, tout d'abord, de s'affirmer en tant qu'individus, les femmes doivent disposer de la liberté d'expression. Cet élément est plusieurs fois abordé par Mill, notamment dans De l'assujettissement. Les femmes doivent s'exprimer pour faire entendre leurs revendications et obtenir une crédibilité dans l'espace public.

Mais le principal angle d'approche développé par John Stuart Mill est celui de la liberté dans le domaine économique, autrement dit du point de vue de l'accès des femmes aux métiers. Cette liberté d'accès est d'abord justifiée par le fait qu'aimer son métier serait « une chose [...] vitale pour le bonheur des êtres humains »152. En tant que tel, les femmes ont donc tout autant droit à cette liberté que les hommes. De plus, pour John Stuart Mill, les femmes ont su montrer, dans certains domaines, des capacités égales à celles des hommes. Ainsi, si on leur permet « la même liberté d'épanouissement qu'aux hommes »153, alors on ne trouve plus chez elles aucune trace d'infériorité.

Mill fait également appel, pour répondre à cette question, à la notion de libre compétition. Ainsi, on trouve dans ses développements des termes tels que « compétition équitable »154, compétition « ouverte »155. Cette doctrine constitue, à elle seule, une parade contre les adversaires de Mill pour qui les femmes auraient des capacités intellectuelles inférieures. Dès lors, leur accès aux professions honorables notamment serait injustifié. Pour le penseur, au contraire, la libre compétition assure l'accès des plus capables aux fonctions prestigieuses. Dès lors, le système de la libre compétition, s'il « exclut les hommes inaptes, il exclura également les femmes inaptes »156. Cette exclusion sera alors juste et non arbitraire puisqu'elle sera fonction de la présence, ou non, des qualités effectives de la femme pour un emploi et non d'une interdiction légale due à son sexe.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand