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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Chapitre 1 : John Stuart Mill et la doctrine de la liberté

Le terme « libéralisme », revendication de liberté131, apparaît au XIXe siècle, bien que les premières théories libérales lui soient antérieures. Cela même témoigne de l'importance de cette doctrine à

129 Stuart Mill (J.), op.cit. p.164

130 Stuart Mill (J.), « De la liberté », Folio, 1990

131 Larousse en ligne

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cette époque. Pour John Stuart Mill, il est évident que la prééminence de la liberté est une caractéristique spécifique du monde moderne.

Dès le chapitre premier de De l'assujettissement, Mill avance que l'Europe moderne serait fondée sur une théorie nouvelle consistant à accorder une grande liberté de décision et d'action à l'individu « là où [il] est directement concerné »132. Le penseur oppose ici la liberté individuelle moderne aux anciens temps sous lesquels la naissance liait le destin de chaque être humain et où l'État et les lois civiles tendaient à décider en lieu et place de l'individu. Il utilise ensuite les termes de liberté et de concurrence sur la question économique, à laquelle nous reviendrons ultérieurement.

Cette liberté, John Stuart Mill ne se contente pas de la décrire mais la théorise. Cela ressort particulièrement du chapitre III de De la liberté intitulé « De l'individualité comme l'un des éléments du bien-être ». Ainsi, nous verrons comment l'auteur pose le principe de la liberté individuelle (Section 1) comme condition au bonheur (Section 2).

Section 1 : La liberté individuelle

Pour John Stuart Mill, la liberté individuelle se traduit par la non-interférence de chacun dans la liberté d'autrui. Cela signifie que, pour tout ce qui le concerne directement et n'a pas de conséquences néfastes pour autrui, l'individu est libre de décider pour lui-même. Ce principe est posé dès les premières lignes du chapitre III dans lequel Mill énonce comme une nécessité le fait « que les hommes soient libres d'agir selon leurs opinions - c'est-à-dire libres de les appliquer à leur vie sans que leurs semblables les en empêchent physiquement ou moralement »133. Une des questions principales de cet ouvrage, visible dans cette phrase, est celle de la frontière entre, d'une part, la liberté individuelle, et de l'autre, le contrôle social ou étatique.

Il est essentiel de retenir que, dans la théorie de Mill, la liberté constitue le principe et dispose d'une sphère exclusive d'action. Il est toujours question de la liberté de l'individu et celui-ci a une réelle importance dans la pensée de l'auteur. Il ne traite pas, dans ce chapitre, de libertés collectives mais de la liberté individuelle, celle dont dispose un individu en particulier dans la conduite de sa vie. Ce principe peut sembler évident au XXIe siècle mais cela est précisément dû à la doctrine développée sur ce sujet aux XVIII et XIXe siècles notamment.

132 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.50

133 Stuart Mill (J.), « De la liberté », op.cit. p.145

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Pour John Stuart Mill, il faut donc laisser se développer l'être humain dans sa diversité et en tant qu'individu « selon la tendance des forces intérieures qui en font un être vivant »134. L'auteur dénonce avec vigueur la société actuelle qu'il juge conformiste. Les individus ne seraient plus qu'une « masse »135 qui agirait uniformément et selon la coutume. Les hommes ne seraient pas libres puisque leur seule volonté étant d'agir de façon ordinaire et commune, ils n'exercent aucune liberté de choix. Ainsi, comme il le fera plus tard dans De l'assujettissement, John Stuart Mill se pose déjà en critique de la coutume et des hommes qui la suivent aveuglément.

Pour l'auteur, il faut accepter « que différentes personnes puissent mener différents genres de vie »136. La société ne doit pas tenter de façonner les êtres selon un seul modèle mais leur laisser la liberté de se développer selon leur caractère propre. Ainsi, « tout ce qui opprime l'individualité est un despotisme »137 pour Mill. On retrouve ici le même vocabulaire que celui employé quelques années plus tard dans De l'assujettissement et visant à interpeller le lecteur sur l'élément critiqué. Dans le même registre, Mill dénonce ce qu'il nomme « tyrannie de l'opinion »138.

En effet, une des critiques adressées par Mill à la société moderne est « la censure hostile et redoutée »139 que l'opinion publique impose aux hommes et qui, précisément, les freine dans leur développement en tant qu'individus. Cette censure s'exerce, selon lui, jusque dans « les relations morales et sociales de la vie privée »140 ce qui est contraire à la doctrine de la liberté développée par John Stuart Mill.

Dans De l'assujettissement, John Stuart Mill développe un autre argument en faveur de la liberté individuelle. Selon lui, « l'amour du pouvoir et l'amour de la liberté sont en conflit perpétuel »141. Dès lors, il est primordiale que « le respect de la liberté individuelle de chacun [soit] un principe reconnu » afin que ce désir de pouvoir cesse ou, au moins, diminue.

Mill développe bien d'autres éléments au sein de son ouvrage, notamment celui de la liberté de pensée et de discussion (et donc implicitement d'expression), mais ceux-ci ne se rapportent pas directement à la question qui nous intéresse. Il convient avant tout de retenir ici les deux notions

134 Stuart Mill (J.), op.cit. p.151

135 Stuart Mill (J.), op.cit. p.154

136 Stuart Mill (J.), op.cit. p.158

137 Ibid

138 Stuart Mill (J.), op.cit. p.164

139 Stuart Mill (J.), op.cit. p.154

140 Stuart Mill (J.), op.cit. p.162

141 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.167

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essentielles que Mill met en avant, la liberté et l'individualité, et qu'il oppose à la coutume, la conformité et l'oppression morale et uniformisante de l'opinion publique.

Si le philosophe croit tant en la nécessité d'assurer la liberté individuelle, c'est avant tout car celle-ci est, selon lui, une condition au bien-être ou au bonheur de l'être humain.

Section 2 : Condition du bien-être ou du bonheur de l'être humain

Comme nous l'avons souligné précédemment, le titre du chapitre III de De la liberté évoque d'emblée le lien entre la liberté et le « bien-être ». Ce lien entre les deux notions est mis en exergue par John Stuart Mill et l'on trouve d'ailleurs plusieurs fois ces deux termes, au sein d'une même phrase, tant dans De la liberté que dans De l'assujettissement.

Dans la mesure où liberté et individualité sont deux notions connexes chez John Stuart Mill, il les considère toutes deux comme conditions au bonheur. En effet, il est évident que, sans liberté vis-à-vis des règles sociales et de l'opinion publique, l'individu ne peut développer un caractère propre et original. Ainsi, selon Mill, « si ce n'est pas le caractère propre de la personne, mais les traditions et les moeurs des autres qui dictent les règles de conduite, c'est qu'il manque l'un des principaux ingrédients du bonheur humain »142. De même, dans les dernières pages De l'assujettissement, Mill vient dire que « la libre direction et la libre disposition de ses facultés sont une source de bonheur pour l'individu »143.

Rappelons que, pour John Stuart Mill, la liberté individuelle implique également l'absence d'interférence dans la liberté d'autrui. Il développe à cet égard une argumentation particulière dans De l'assujettissement. Il considère que « pour apprécier à sa juste valeur le rôle de l'indépendance personnelle dans le bonheur, il faut considérer l'importance que nous lui accordons pour notre propre bonheur »144. C'est en effet un lieu commun pour l'homme de se penser détenteur d'une vérité générale et donc légitime de l'imposer à autrui, au mépris de sa liberté individuelle. Cependant, il n'admet pas, dans le même temps, qu'on restreigne sa liberté selon le même argument. Ainsi, dès qu'il prend conscience de l'importance qu'il attache à sa liberté et de l'influence qu'elle a sur son bonheur ; il est alors en mesure de comprendre l'importance qu'elle a, de la même façon, pour autrui.

142 Stuart Mill (J.), « De la liberté », op.cit. p.147

143 Stuart Mill (J.), « L'affranchissement des femmes », op.cit. p.167

144 Stuart Mill (J.), op.cit. p.165

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A l'époque où Mill publie son essai sur la liberté, d'autres auteurs ont d'ores et déjà étudié la question. Nombre d'entre eux parviennent à la même conclusion sur la nécessité de ne pas intervenir dans la sphère de liberté d'autrui. Toutefois, John Stuart Mill est un des rares à appliquer ce principe aux femmes. Nous l'avons vu, il est favorable à ce que celles-ci obtiennent les mêmes droits que les hommes. Il s'ensuit logiquement qu'elles ont droit au même respect de leur liberté individuelle.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld