Conclusion du titre premier
L'application de l'éthologie millienne à la
question féminine a le mérite de nous initier à la
pensée purement logique et scientifique de l'auteur. Elle permet
également de mettre en lumière la modernité de ses
thèses puisque tant l'approche sociologique que la défense de
l'égalité homme-femme étaient alors peu répandues.
L'on peut déplorer l'absence d'essai dédié à
l'éthologie, Mill n'étant pas parvenu à créer et
développer sa science nouvelle. Vincent Guillin note à ce propos
de manière très juste que l'on peut se demander « si
l'échec d'une science déterministe du caractère n'aurait
pas eu comme corollaire une prise de conscience de la valeur de
l'individualité humaine chez Mill »128 En effet, nous
allons le voir, John Stuart Mill a, dans son parcours intellectuel,
attaché une grande importance à la liberté individuelle, y
consacrant même un essai.
127 Stuart Mill (J.), op.cit. p.47
128 Guillin, Vincent, « L'éthologie de John Stuart
Mill : le libéralisme et les sciences morales », dans Bulletin
de la Société française pour l'Histoire des Sciences de
l'Homme, n°26, printemps 2004 p.49
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Titre deuxième : L'émancipation des
femmes ou la doctrine de la liberté
« La liberté est le premier et le plus
impérieux besoin de la nature humaine »129.
Ce passage, extrait de De l'assujettissement, nous
éclaire sur l'ampleur du thème que nous abordons
désormais. Nous avons longuement souligné l'importance du
principe d'égalité dans la défense des droits des femmes
opérée par John Stuart Mill. Mais il est un autre principe, tout
aussi essentiel, si ce n'est davantage dans la pensée féministe
de Mill : la liberté. Il ne s'agit pas, chez l'auteur, d'un simple
argument supplémentaire avancé au profit des femmes mais, au
contraire, du résultat logique d'une doctrine théorisée
par l'auteur dans le célèbre ouvrage De la
liberté130. Les réflexions sur ce thème
sont certes répandues à cette époque. Le fait d'y inclure
le sexe féminin l'est beaucoup moins. Pourtant, les
références à la liberté sont nombreuses dans De
l'assujettissement, et celles à la condition féminine
présentes dans De la liberté.
L'oeuvre consacrée par John Stuart Mill à la
liberté suffit à faire montre de l'intérêt
porté par l'auteur à cette vaste question. L'ouvrage en
lui-même aborde d'ailleurs divers facettes par lesquelles ce concept est
souvent approché. On y trouve ainsi des thèmes aussi
variés que la liberté de pensée, de discussion, le risque
de tyrannie de la majorité, la liberté économique,
contractuelle, et cætera. L'auteur consacre notamment un chapitre final
aux « applications » de sa doctrine, chapitre qui donne lieu à
une sorte d'énumération de différents cas pratiques
pouvant poser problème quant à la frontière entre la
liberté individuelle, d'une part, et l'intervention de la
société ou de l'État, d'autre part.
Cette doctrine recèle de précieux enseignements
plus en moins en lien avec l'objet de notre étude. C'est pourquoi nous
nous attacherons à en développer les éléments les
plus pertinents pour notre propos (Chapitre 1) avant d'examiner la façon
dont John Stuart Mill étend sa pensée libérale à la
question de la condition féminine (Chapitre 2).
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