Chapitre II : Revue de la littérature
II.1. Travaux sur l'estime de soi
Dans les travaux de Marsh et Parker (1984, p213-231),
ils ont proposé le modèle du «cadre de
référence». L'idée principale est que les
élèves ou les jeunes sportifs, à l'intérieur de
leur école, de leur club ou de leur groupe de référence,
comparent leurs habiletés scolaires ou sportives avec celle des autres
élèves, et qu'ils utilisent cette information relative comme une
base pour former leur propre concept de soi. En s'appuyant sur ces
suppositions, Marsh (1987, p17-19) a défini ce qu'il a appelé
l'effet «gros poisson-petit bassin» (...). Cet effet signifie que
«... lorsque des élèves, sont également capables, se
comparent eux-mêmes avec des élèves plus capables, ils ont
des habiletés scolaires perçues plus faibles et des concepts de
Soi scolaires plus bas ; et ils ont des habiletés scolaires
perçues supérieures et un concept de Soi académique
supérieur lorsqu'ils se comparent avec des élèves moins
capables ». Le processus de comparaison sociale est très complexe
étant donné que, dans les situations scolaires, les comparaisons
sociales comprennent à la fois des comparaisons au groupe classe
à des sous-groupes particuliers (par exemple, les garçons ou les
filles) et des comparaisons avec un individu particulier.
Par conséquent, un élève peut se
percevoir lui-même comme étant un des plus mauvais
élèves de sa classe (comparaison de groupe), très loin du
meilleur élève qui pratique en club (comparaison individuelle
ascendante), mais se penser plus performant que son meilleur ami en classe,
avec lequel il préfère se comparer (comparaison individuelle
descendante). Dans cet exemple particulier, les comparaisons au groupe et
à un individu particulier peuvent avoir des effets opposés au
niveau du concept de soi scolaire ou physique. Cependant les effets ne sont pas
obligés d'aller toujours en sens contraire. Ils peuvent s'additionner
pour augmenter ou diminuer le concept de soi. Pour avoir une meilleure
compréhension de la manière dont le processus de comparaison
sociale affecte le concept de soi des élèves, il est important de
considérer à la fois les comparaisons de groupe et les
comparaisons individuelles dans les situations de la vie réelle. Ce
n'est pas en examinant seulement l'effet de la position relative des
élèves entre eux à l'intérieur de la classe, ni en
étudiant exclusivement l'effet de comparaison individuelle ascendante ou
descendante, que l'on peut comprendre la complexité des comparaisons
sociales. Plusieurs recherches ont eu pour objectif de vérifier
expérimentalement la portée de ces idées dans le domaine
de l'EPS. Etant donné leur importance vis-à-vis de l'intervention
en EPS, nous leur consacrons ci-dessous un large développement.
Marsh et Peart (1988, p390-407) ont mené une
recherche en vue d'étudier les effets différentiels de deux
programmes d'éducation physique sur le développement de la
condition physique réelle des élèves et sur leur
connaissance de soi générale et physique. Chaque programme avait
un contexte de présentation de la tâche différent (climat
motivationnel) : l'un avec une orientation compétitive et l'autre avec
une orientation coopérative. Dire que le contexte de présentation
de la tâche spécifique à chaque programme est soit
compétitif soit coopératif signifie que l'on veut induire une
structure de but motivationnel différente dans les deux programmes. La
structure de but est compétitive lorsque les élèves ne
peuvent atteindre leurs propres buts qu'en faisant en sorte que les autres
échouent à atteindre les leurs (c'est-à-dire qu'il y a des
vainqueurs et des perdants), tandis qu'elle est coopérative lorsque les
élèves peuvent atteindre leurs propres buts individuels seulement
en travaillant en coopération avec d'autres qui doivent aussi atteindre
leur propres buts. Les interventions ont été
réalisées sur des filles réparties en binôme et
placées en compétition intergroupes. Dans le programme
coopératif, les tâches sélectionnées exigeaient la
coopération de deux filles, tandis que les tâches du programme
compétitif pouvaient être accomplies individuellement. Ces deux
groupes différaient surtout par les consignes verbales fournies par les
enseignants, ce qui entraînait un contexte de présentation de la
tâche (ou climat motivationnel) nettement différent pour les deux
groupes. Dans le programme coopératif, tous les élèves
étaient encouragés à travers des commentaires tels que
«vous avez très bien abordés cet exercice » ou «
rappelez-vous que l'objectif est de progresser dans le temps ». L'accent
était ainsi placé sur le progrès et la coopération
pour parvenir à celui-ci. Dans le programme compétitif, vaincre
et être le meilleur du groupe était souligné à
travers des commentaires tels que, «regardez comme Marie fait bien. Elle
est un mile devant vous, allez » ou « quel groupe est en train de
gagner aujourd'hui?» ou «regardez si vous pouvez battre le groupe 4
aujourd'hui».
Les résultats de cette recherche ont
montré que les deux programmes d'enseignement (indépendamment de
leur caractéristique coopérative ou compétitive) ont
augmenté objectivement la condition physique réelle des filles,
c'est-à-dire qu'ils ont affecté substantiellement la condition
réelle. Aucune différence n'a été constatée
entre les deux groupes coopératif et compétitif ce qui signifie
que leur effet est identique vis-à-vis de la performance objective. Il
n'en est pas de même concernant le concept de soi. Malgré des
progrès objectifs similaires pour les deux groupes seuls le groupe
coopératif a augmenté de manière sensible son concept de
soi. Le groupe compétitif enregistre une diminution importante de
celui-ci. Par ailleurs, seul le concept de soi d'habileté physique
progresse ce qui signifie que l'intervention a eu plus d'effet sur le concept
de soi d'habileté physique que sur les autres échelles du concept
de soi. L'intervention a eu un effet dans une moindre mesure, sur les concepts
de soi d'apparence physique.
II.2. Travaux sur le Plaisir
Dans le champ de l'éducation physique et
sportive, des recherches ont porté sur le plaisir perçu
(Delignières et Perez, 1998, p7-18) et ont conduit à la
validation d'un outil d'évaluation. À cet effet, plusieurs
ouvrages d'EPS abordent la question du plaisir (Delignières et Garsault,
1996, pp155-162), deux autres sont plus orientés autour du champ des
émotions (Ria, et coll, 2005). Selon Delignières et Garsault,
les chercheurs sont loin de pouvoir fournir aux praticiens des principes
d'action avérés. Un approfondissement de la recherche sur le
plaisir est indispensable, notamment en fonction de publics spécifiques
(les filles, les adolescents en difficulté), et de contextes
particuliers (notamment les cours d'Education Physique et Sportive).
L'approche expérimentale du concept de plaisir,
l'étude de ses conditions d'émergence, des variables susceptibles
de l'optimiser nécessitent la construction préliminaire d'outils
spécifiques, et notamment la mise au point d'un outil de mesure du
plaisir ressenti par les sujets lors de la pratique. Or une revue de la
littérature montre que la plupart des chercheurs ayant tenté de
mesurer le plaisir ont eu recours à des procédures aux
propriétés métriques limitées. On peut citer par
exemple Harter (1978) mesurant le plaisir des sujets par des "scores de
sourire", déterminés selon une échelle en quatre points
(0: pas de sourire, 1: léger sourire, 2: large sourire, 3: éclats
de rire). Dans le domaine des activités sportives, de nombreux auteurs
se sont contentés d'une évaluation à partir d'un ou deux
items du type "j'ai eu beaucoup de plaisir à pratiquer cette
activité", les sujets se voyant proposer 5 ou 7 niveaux de
réponse (Scanlan et Lewthwaite, 1986; Wankel et Kreisel, 1985; Wankel et
Sefton, 1989).
Les travaux de Delignières et Perez (1998,
p7-18) qui ont élaboré et validé un questionnaire
destiné à l'évaluation du plaisir dans la pratique de
l'activité physique. Lors de cette étude réalisée
avec des collégiens et correspondant à une adaptation de la PACE
(Physical Activity EnjoymentScale) crée par Kendzierski et DeCarlo
(1991, p50-64), la corrélation entre l'orientation motivationnelle de
maîtrise et le plaisir perçu a été soulignée.
L'outil ainsi élaboré a été validé et permet
d'évaluer le plaisir ressenti par les élèves à la
suite du cycle.
Deci et Ryan (1985), pour leur part, ont avancé
l'hypothèse que les activités physiques et sportives seraient
pratiquées a priori pour des motifs intrinsèques. Selon eux,
l'attrait de l'action et le simple plaisir qu'elles procurent seraient à
la base de la propension des individus à les pratiquer. De plus, ils
soutiennent que ces activités répondraient à un
désir d'autodétermination et d'interaction sociale. Le besoin
d'autodétermination est ici considéré comme le besoin de
choisir librement ses activités selon ses propres besoins et
préférences. Ce besoin s'accompagnerait d'une perception
d'autonomie, de contrôle et de plaisir.
Deci et Ryan notent: qu'en tenant compte des changements
observables dans le domaine sportif, ils estiment que l'accent mis sur l'aspect
compétitif soumettrait progressivement les individus à des
pressions extrinsèques; si bien que les sources de motivations
extrinsèques prendraient une place grandissante. Ils attribuent des
motivations intrinsèques et extrinsèques au plaisir. À
l'instar de la théorie du besoin de compétence, ces derniers
considèrent que le sport satisferait un besoin d'améliorer
continuellement ses habiletés afin de se sentir compétent. Ils
précisent également que les rétroactions négatives
constructives peuvent s'avérer favorables dans la mesure où elles
sont mises au profit du développement des compétences.
Selon Csikzentmihalyi (2004), ils considèrent
qu'un individu peut faire l'expérience du plaisir uniquement lorsque ses
perceptions de compétence personnelle et d'autodétermination
restent intactes, qu'elles soient perçues consciemment ou non; par
ailleurs, ils soutiennent que ces deux éléments sont attribuables
à l'implication sportive et feraient naître le plaisir. À
la suite de leur étude empirique, ils ont proposé un
modèle théorique du plaisir représenté par un
schéma à deux dimensions croisées, chacune d'elles
constituant un continuum entre deux pôles. Ce modèle comporte
ainsi quatre quadrants, soit l'accomplissement intrinsèque,
l'accomplissement extrinsèque, le non -accomplissement
intrinsèque ainsi que le non-accomplissement extrinsèque. Chaque
quadrant comporte des sources de plaisir distinctes et possède ses
propres particularités.
II.3. Travaux de Thépaut sur l'Alternance des
APS
Apprendre à faire classe dans une formation en
alternance en prenant son activité professionnelle comme objet
d'étude suppose un « va et vient » permanent entre le
système tâche-activités-pratiques de l'élève
et le système tâche-activités-pratiques.
Dans ce cadre, l'analyse des apprentissages
professionnels et l'étude des préparations écrites de
séance mettent en évidence la multiplicité et
complexité de la tâche du PE (Professeur d'Ecole) débutant.
Placé dans l'obligation institutionnelle d'enseigner l'EPS, les PE
stagiaires, nous l'avons vu, assument leur mission, nouvelle pour eux, avec
plus ou moins de réussite. Les conditions de leur développement
reposent sur la relation activités-savoir ce que montre cette
étude, une appropriation des « savoirs pour enseigner » (Altet
1996).
Cette étude s'attache à décrire
et comprendre les apprentissages professionnels en formation par alternance,
des PE stagiaires lorsqu'ils enseignent l'EPS. Elle vise à cerner les
savoirs mobilisés pour concevoir et mettre en oeuvre cet enseignement.
Cette étude appuie sur l'analyse des préparations écrites
de séances et leurs bilans, comme révélateur des
modalités mises en oeuvre pour « ériger le lieu et le moment
de l'EPS en un <<espace-temps>> de travail » (Blanchouin
2013).
Cette étude a pu élaborer quatre profils
différents correspondants à quatre modalités de conception
de complexité accrue : d'une représentation de l'enseignement de
l'EPS comme exclusivement une mise en activité des élèves
à une conception et prise en compte d'un ensemble de procédures
visant à mettre les élèves en apprentissage en s'appuyant
sur un contrat didactique et pédagogique clair. Amener les PE
stagiaires, issus d'origines, de cursus universitaires très
variés, et parfois pour certains d'entre eux, très
éloignés d'une culture corporelle leur permettant de percevoir
plus aisément les enjeux et conditions de mise en apprentissage dans les
pratiques sportives nécessite une analyse du système
emboîté tâche-activités-pratiques de
l'élève et de l'enseignant.
Les éléments d'analyse produits avec les
PE amènent alors à percevoir les limites de la formation
disciplinaire dispensée lors de la formation initiale. En effet, sans un
approfondissement des connaissances sur les « savoirs à enseigner
», dont les PE perçoivent alors leurs propres limites, il leur est
difficile de s'engager plus en avant dans la mise en oeuvre d'un enseignement
de l'EPS instituant le temps et l'espace des cours d'EPS autour de contrats
didactiques clairs. Ce dernier constat fonde l'importance d'une formation
continue durant les premières années d'exercice du
métier.
Aussi, selon les travaux de Blanchouin (2013), qui
décrit avec précision les spécificités de cet
enseignement en regard des autres disciplines de l'école. Cette
étude qui aborde les PE sous l'angle de la polyvalence et ne sont plus
considérés comme des « non spécialistes » offre
l'avantage de prendre en compte cet enseignement pour ce qu'il est. C'est en
effet un argument souvent avancé pour expliquer et justifier un horaire
global inférieur au cadre réglementaire ; le sentiment
d'incompétence ressenti par le PE non spécialiste, sentiment
d'incompétence. Il implique souvent un trajet pour s'y rendre, autorise
les déplacements des élèves en cours d'activité.
Par ailleurs l'espace d'activité pose des problèmes de
repérage à la fois matériel et symbolique dans la mesure
où très souvent il n'est pas perçu par les
élèves comme un « lieu où l'on travaille » mais
plutôt comme un espace où l'on joue (cour de
récréation, gymnase, stade...). Il est alors nécessaire
selon l'auteur d'instituer l'espace comme « lieu de travail ».
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