CHAPITRE II
MÉCANISMES D'ENRÔLEMENT ET DE
PARTICIPATION DES ACTEURS AUX JEUX D'ARGENT
Le but visé dans ce chapitre est de comprendre
davantage dans le contexte actuel, marqué par la multiplication des
offres de jeux, la diversité des canaux d'atteinte des populations cible
et la montée de nouvelles stratégies d'accumulation de ressources
financières, comment de nombreuses personnes s'invitent aux pratiques de
jeux d'argent. D'une part, il s'agit d'une approche des médias ; dont
l'objectif est d'analyser l'interaction entre les éléments
exogènes comme les publicités de jeux diffusées dans les
canaux tels que les affiches, la télévision, la radio et
internet. Ces médias ne sont pas sans incidence sur les manières
d'être, de sentir et d'agir des auditeurs. Aux dires de T. ANATRELLA
(1998 :95), les médias ne sont que « les
révélateurs des courants d'idées et des
représentations dans une société. Ils ne sont cependant
pas neutres car ils peuvent les amplifier ou en valoriser certaines au
détriment d'autres ». C'est pourquoi un décryptage
même partiel du contenu médiatique diffusé dans les
émissions consacrées aux jeux d'argent, permettra de comprendre
comment les médias favorisent la maturation des habitudes de jeux chez
certains individus, par l'influence et la manière dont ils se
servent.
D'autre part, l'analyse se penche sur la mobilité
sociale des acteurs comme facteur contraignant du recours au jeu, dans une
ville marquée par la rareté d'emplois, l'insatisfaction des
salariés quant à leurs revenus et le goût poussé de
certains individus pour le gain facile. Mettre en évidence ces facteurs
consiste en prime, à dresser un modèle théorique
conceptuel, qui permettra de repartir les enquêtés suivant les
différents canaux à travers lesquels ils se sont invités
aux pratiques de jeux d'argent, en rapport à leurs différentes
trajectoires urbaines.
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Figure 2 : Les facteurs ayant influencé
l'adhésion des individus aux jeux d'argent
![](Jeux-d-argent-et-changement-social-a-Yaounde13.png)
Source : Badel ESSALA, (enquête de terrain).
Ce graphique montre que 7.69 % de personnes se sont
initiés à la pratique des jeux d'argent à la suite d'une
exposition publicitaire sur les affiches publiques que l'on retrouve dans les
artères de la ville de Yaoundé. Celles-ci présentent
souvent la simplicité des règles de jeux et l'illusion d'un gain
à travers lequel la vie du joueur serait améliorée. Ces
panneaux publicitaires du jeu sont visibles aussi bien au centre urbain que
dans les périphéries et quartiers populaires, où les
individus de diverses couches sociales de la population à leurs vu,
seraient tentés de s'initier au jeu et d'aspirer à un gain
important.
Par la suite, une compilation de 36.91 % de joueurs affirme
que les expositions publicitaires de jeux diffusées dans les
médias de masse comme la télévision et la radio ont
été le médium de leur premier contact avec les jeux
d'argent. En réalité, ces émissions ne sont autres que des
opérations de charme où il est souvent présenté
l'actualité dans différents jeux, quand il ne s'agit pas de
récompenser des gagnants. Ces derniers, à travers leurs
témoignages, invitent d'autres individus à tenter à leur
tour la chance de décrocher un gain considérable. Les
médias véhiculent donc un discours très positif sur le jeu
et renforcent dans le même temps, les espérances des joueurs en
gain d'argent. À cette proportion d'enrôlés, viennent
s'ajouter 11.53 % de personnes qui se sont invités au jeu par le canal
d'internet, où des sites et
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formules de jeux virtuels sont proposés à ceux
qui sont connectés. Ce facteur s'arrime avec les développements
technologiques en plein essor dans notre société et impacte
beaucoup plus les jeunes, en proie à la modernité.
Par contre, un total de 43.83 % de personnes
enquêtées affirment avoir été enrôlé
dans les jeux d'argent du fait de l'influence de la mobilité sociale ;
dont la proximité physique des lieux de jeux à leur environnement
social et par leurs habitudes de fréquentation des cercles de jeux. S'il
est établi que l'implantation des salles de jeux et tripots de rues
à Yaoundé relève d'une construction cognitivement
construite des promoteurs de ces jeux en quête de clientèle, il va
de soi qu'elle impacte sur les populations voisines à ces structures, en
s'imposant comme un nouvel itinéraire ou un besoin moral à
satisfaire. Nous analyserons ces facteurs en deuxième ressort. Quel est
donc l'impact des médias sur la contrainte de jeu des acteurs ?
I. LES MASS-MÉDIAS ET LEUR RÔLE DANS
L'INCITATION DES INDIVIDUS AUX JEUX D'ARGENT
Depuis l'adoption par l'assemblée nationale du projet
de loi no 90/052 du 19 décembre 1990 relatif à la
liberté de la communication sociale, le paysage camerounais en
général et la ville de Yaoundé en particulier, a
été investi tour à tour par les magazines et les journaux
privés de tous bords. À ceux-là, viennent s'ajouter les
fréquences de radio et les chaines de télévision
indépendantes. En dehors des médias susmentionnés, il y a
aussi internet, qui est un réseau de communication couplé aux
ordinateurs à travers des connexions spécifiques. Ce nouvel outil
de communication a l'avantage de ne connaître aucune barrière
régionale ni linguistique, l'accès aux informations de toutes
sortes est donné à tous ceux qui peuvent s'y connecter.
C'est ainsi que dans certaines fréquences de radio et
chaines de télévision, il existe des tranches d'antennes
consacrées à la publicité ou à la promotion des
jeux comme les loteries, les tombolas ou encore les paris hippiques et
sportifs. Les mêmes structurations sont observées sur l'outil
internet, avec la particularité que toutes les informations qui s'y
trouvent sont regroupées, détaillées, actualisées
et parfois instantanées suivant les sites auxquelles l'on est
connecté. Ces émissions s'accompagnent d'une audience
particulière de la part des populations de la ville de Yaoundé,
d'autant plus qu'elles sont souvent diffusées à des heures
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de grande écoute et ont dans certains cas,
été le facteur d'enrôlement des joueurs dans certains
jeux.
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