La protection des interets des actionnaires minoritaires dans les societes mixtes cas de la societe sucriere de Moso (SOSUMO)par Jean Claude BIZIMANA Université Lumière de Bujumbura - Master 2021 |
B.1. Intérêt social comme intérêt des associés en général et de la société en particulierLes divergences entre associés ne sont pas uniquement liées aux questions de bonne gestion de la société par les organes sociaux. Entrent en jeu également les « conflits d'intérêts» entre actionnaires minoritaires et actionnaires majoritaires, à partir du moment où ils ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la défense de l'intérêt social au motif que les majoritaires tentent d'imposer leur choix de politique sociale.300 Une pareille attitude s'oppose aux objectifs de la société qui, comme l'affirme le doyen Carbonnier, est plus qu'un contrat, « un organisme vivant ». La société n'est pas d'essence individualiste, mais bien l'oeuvre d'un travail collectif, d'un groupe d'individus dont les intérêts convergent.301 Cette affirmation est confirmée par l'autre idée que l'intérêt social de la société représenterait l'intérêt supérieur de la personne morale. 297 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.77. 298 Sylvain Sorel KautéTameghé, interrogations sur l'abus de minorité dans l'acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, Voix du Web juridique, p.8. 299Idem, p.9. 300 Aude-Marie Cartron et Boris Martor, L'associé minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA, Cahier de droit de l'entreprise n° 1, Janvier-février 2010, p.28. 301 Carbonnier (J), Droit Civil, Théorie des Obligations 14ème éd. Paris, PUF, 1990, p.203. 81 En cela, il diffère de l'intérêt commun des associés qui, quant à lui, veut que chacun participe à l'enrichissement social en proportion de ses droits individuels.302 Mais, pour la bonne marche de la société, il doit y avoir une certaine convergence entre l'intérêt de la société et la somme des volontés individuelles des associés.303 L'intérêt collectif porté par la personne morale va transcender les intérêts catégoriels. Ainsi, l'intérêt social serait donc celui de l'entreprise et c'est à celui-là que les dirigeants sociaux doivent se conformer. Cet intérêt engloberait celui des salariés, des créanciers, des clients, voire de l'État.304 Au vu des controverses que soulève la notion d'intérêt social, il se pose la question de savoir quel critère servira à déterminer le sens qu'elle renferme. En effet, la jurisprudence recourt souvent à la notion d'intérêt social bien au-delà de l'hypothèse où celui-ci est évoqué expressément ici, pour l'utiliser dans des domaines aussi variés que la nomination d'un expert de gestion, d'un administrateur provisoire en cas de crise grave ou d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée à la demande d'un ou de plusieurs actionnaires, etc.305 De même, le juge considère que l'intérêt social concerne beaucoup plus celui de la société que celui des associés majoritaires. Ainsi, la Cour de Cassation a notamment jugé que la perte de confiance des associés ne suffit pas pour constituer un motif juste de révocation, dès lors que la Cour d'appel n'était pas parvenu à fournir les preuves irréfutables que le comportement du dirigeant « pouvait constituer une faute de gestion ou était de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.306 D'après cette jurisprudence, les dirigeants de la société doivent privilégier les intérêts de cette dernière plutôt que de se plier aux exigences des actionnaires qui, dans la plupart des cas, ne recherchent que leurs propres intérêts. En réalité, l'intérêt social est créé à l'image de la société elle-même. En effet, la politique sociale doit être menée en ne perdant pas de vue la légitimité originelle des associés, tout en 302 Isabelle Cadet, l'intérêt social, concept à risques pour une nouvelle forme de gouvernance, Management et sciences sociales n° 13, juillet-décembre 2012, Ethique et Gouvernance, p.4 303Idem, p.6 304 Arrêt Fruechauf, C.A. Paris, 22 mai 1965, J.C.P., 1965, II, n° 14274 bis, concl. Nepveu ; D., 1968, Jurisp., p.147, note R.Contin. 305Stéphane Rousseau**, Ivan Tchotourian, « L'intérêt social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques trouvé sur www.halarchive.fr. Consulté le 20 avril 2021. 306Cass. com., 4 mai 1993, n° 91-14693 : préc. note 501 82 se rappelant que la société n'est qu'un acte juridique.307 Pour le fonctionnement de la société, le bon sens doit prédominer dans les décisions sociales. Ainsi, les dirigeants et les associés doivent pouvoir se rémunérer, valoriser le capital tout en pérennisant la société. Les membres associés se doivent de respecter l'intérêt social, car c'est un standard qui s'impose aux uns et aux autres. B.2. Intérêt social et objet social : Deux notions clés pour le fonctionnement de la société L'intérêt social répond à des enjeux essentiels en termes de politique, de marchés et de gouvernance d'entreprise. Tout d'abord, l'intérêt social guide la mise en oeuvre de la politique définie par la société, notamment de décisions en matière d'investissement, de distribution de dividendes ou d'absorption d'une autre entreprise. L'intérêt social a également des incidences sur le marché. Celui-ci doit être en mesure de connaître l'objectif poursuivi par la société afin de permettre la prise des décisions efficientes. Cette exigence constitue la base même d'un bon fonctionnement des marchés financiers d'acquisition, de conservation ou de cession des titres pertinentes.308 Enfin, les pouvoirs des organes dirigeants, qui ne sont pas sans limites, varient en fonction de la manière dont ils comprennent la place de l'intérêt social dans le fonctionnement de la société. En effet, c'est ce dernier qui détermine la portée de l'espace discrétionnaire de ces organes en raison du droit de contrôle et des conditions de responsabilité qu'il définit.309 En outre, l'intérêt social anime la gouvernance des entreprises et détermine l'étendue des missions du Conseil d'administration. La notion d'intérêt social présente d'autant plus d'importance que la gouvernance des sociétés soulève, à l'heure actuelle, des préoccupations face auxquelles les sociétés se positionnent avec difficultés.310 Mais, dans les sociétés mixtes comme la SOSUMO, la notion d'intérêt social n'est pas vue sous le même angle par tous les actionnaires. L'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat va d'abord privilégier ses propres intérêts au détriment de ceux des autres, très minoritaires, qui ne pourront pas s'opposer aux décisions prises par lui. 307 Carole Ghibaudo, l'intérêt de définir « l'intérêt social», publié sur le site internet : https://blogavocat.fr , le 14/01/2008 308Stephane ROUSSEAU, Ivan TCHOUTOURIAN, l'intérêt social des sociétés, regards transatlantiques, article publié dans Chaire de droit des affaires et du commerce international (C.D.A.C.I) 309Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 2004, spéc. p.173, n° 1901 310C. Renouard, La responsabilité éthique des multinationales, P.U.F., 2007, spéc. p.41 et s 83 Cela n'est pas sans conséquence sur la gouvernance de la société qui, au lieu de se développer, fait marche sur place, de sorte que l'État est souvent obligé d'y injecter de l'argent pour lui permettre de survivre.311 |
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