Section 2 : Droit aux réserves et au boni de
liquidation
La loi impose aux actionnaires le prélèvement
annuel, sur le bénéfice réalisé, d'un certain
pourcentage pour constituer des réserves (Paragraphe 1). Mais il a
également légiféré sur les avantages à
accorder aux actionnaires en cas de liquidation de la société :
le droit de bénéficier, à des conditions
déterminées, d'un boni de liquidation (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Droit aux réserves
Une fois qu'elle a apuré les dettes de ses
créanciers, comblé les pertes éventuelles des exercices
antérieures et prélevé les sommes nécessaires au
paiement de l'impôt, la société doit d'abord soustraire du
bénéfice une somme de 5% destinée à la constitution
de la réserve légale.
A. La notion de réserves
Les réserves constituent la « graisse » de la
société, la protégeant des à-coups de la
conjoncture, assurant sa survie en cas de difficulté.218
A.1. Source de l'obligation de constitution des
réserves
L'obligation de constituer des réserves peut être
inscrite dans la loi mais également dans les statuts. Ainsi, l'article
73 du CSP&PP dispose : « à peine de nullité de toute
délibération contraire dans les sociétés suivantes
: sociétés publiques (SP), sociétés mixtes (SM),
sociétés de personnes à responsabilité
limité (SPRL), sociétés unipersonnelles, (SU),
sociétés coopératives et sociétés anonymes
(SA), il est fait sur le bénéfice net de l'exercice
diminué le cas échéant, des pertes antérieures, un
prélèvement de 5 % au moins affecté d'un fonds de
réserves dites réserves légales.
Ce prélèvement cesse d'être obligatoire
lorsque la réserve atteint 10 % du capital social. Les associés
peuvent décider de constituer tout autre fonds de
réserves.»
Cette disposition de la loi fait de la constitution des
réserves par les sociétés, à la fin de chaque
exercice, une obligation. Ces réserves doivent provenir du
bénéfice de l'exercice, diminué, le cas
échéant, des pertes antérieures, jusqu' à ce que le
chiffre légal soit atteint.
218 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit.
p.333.
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Néanmoins, la société est libre de faire
des prélèvements de plus de 5 % ou même de constituer d'un
seul coût la réserve légale.219
La constitution d'un fonds de réserve peut aussi avoir
été prévue dans les statuts. Il n'empêche que les
associés « prévoyants » peuvent également
s'imposer d'autres réserves en le précisant également dans
les statuts.220
Ces réserves statutaires reposent donc sur le
consentement éclairé et libre des associés
221qui ont une vision pour la société. Autrement dit,
les réserves statutaires constituent 'un sacrifice que les actionnaires
font de s'imposer une saisie sur le bénéfice pour constituer
d'autres réserves lorsque le prélèvement obligatoire
cesse222 et dont le taux est fixé par les statuts de la
société.
Mais, une fois que les actionnaires adoptent ce principe la
société est tenu de le respecter lors du partage des
bénéfices. Dans le cas contraire, les dirigeants sociaux
pourraient voir engager leur responsabilité civile en vertu des
dispositions du Code Civil : « les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 223
»
A.2. Destination des fonds de réserves
En tant qu'organe suprême de la société,
l'Assemblée générale peut décider, en toute
souveraineté, de constituer toutes les réserves qui lui
paraissent nécessaires au renforcement des moyens d'action de
l'entreprise, au risque cependant de porter atteinte, à court terme, aux
intérêts de certains actionnaires qui voudraient toucher
immédiatement un dividende chaque année plus élevé.
Et plus encore à ceux des porteurs de parts de fondateur qui ont
toujours un droit de regard sur la distribution de bénéfices sans
en avoir du tout droit.224
En outre, le droit à une part de bénéfice
est un droit individuel et la majorité ne saurait arbitrairement priver
indéfiniment la minorité de toute répartition. Pour
comprendre cette opposition d'intérêt, il faut se pencher sur les
raisons pour lesquelles les réserves sont instituées.
219 G.Ripert, R.Roblot, op.cit. p.1388.
220 Article 37 al.3 des statuts de la SOSUMO.
221 J. La Combe, les réserves dans les
sociétés par actions, Revue Internationale de droit
comparée année 1965, p.100.
222 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.2010
223 Article 33du code civil livre III.
224 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1390.
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En ce qui concerne les réserves légales, elles
sont normalement destinées à combler les pertes
éventuelles de la société. Ici on est en droit de se poser
cette question : au cas où elles ont été employées,
vont-elles être restituées avant la distribution des
bénéfices ? Il est vrai que certains auteurs ne lui donnent pas
un caractère de flexibilité du capital.225 Mais, de
toutes les façons, on sait que le fonds de réserves peut
être transformé et servir à augmenter le capital social,
avec cet avantage pour les créanciers que leur droit sur la
réserve incorporé au capital ne change pas, et que la
société doit reconstituer une nouvelle réserve sur le
nouveau capital augmenté
Les réserves statutaires sont, quant à elles,
constituées dans le but de renforcer, tout au long de sa vie, la
situation de la société pour amortir le capital social, ou encore
régulariser le dividende, par exemple.
Comme on le voit, la constitution des réserves
légales et statutaires permet d'assurer la protection des
créanciers226, car, au même titre que le capital
social, ces fonds sont intangibles et indisponibles durant toute la vie de la
société. Celle-ci n'est donc pas obligée de les rembourser
aux associés. A ce titre, les réserves légales et
statutaires renforcent le capital social dans son rôle de garantie pour
les créanciers.227
Toutefois, contrairement au capital social, elles ne peuvent
être constituées que si la société
génère des bénéfices, et non si elle subit des
pertes.
Enfin de compte, elles ne garantissent qu'une protection
aléatoire et médiocre.228 Il n'est pas donc possible
de créer une société dans l'espoir qu'elle assurera la
protection des créanciers en constituant des réserves. Le capital
social reste en prime leur seule garantie dès le démarrage de
l'activité.
Mais alors, qu'adviendra-t-il si, ne se préoccupant que
de la prospérité de la société qu'ils viennent de
créer, espérant ainsi d'abord et avant tout partager les
dividendes qu'ils attendent d'elle ou augmenter son capital social, les
actionnaires voient cette aventure entrepreneuriale arriver à terme
d'une façon ou d'une autre, volontaire ou involontaire ?
On sait que, selon le business plan, l'entreprise ou la
société n'est pas toujours destinée à durer dans le
temps et que certaines startups montent des produits dans le but de les
revendre à des entités plus importantes.
225 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1389.
226 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.214
227 Idem p.215
228 Ibidem
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De la même manière, des choix de vie peuvent
influencer l'arrêt d'une société, sans qu'elle soit ou
cédée ou léguée à un descendant.
Si, face à ce genre de situation, on en arrive à la
dissolution, la question du boni de liquidation va automatiquement se poser
(Section 2)
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